LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Rentrée littéraire du Faso : « Imposer des taxes sur le livre équivaut à imposer l’ignorance », dixit Mahamoudou Ouédraogo

Publié le lundi 29 octobre 2012 à 23h31min

PARTAGER :                          
Rentrée littéraire du Faso : « Imposer des taxes sur le livre équivaut à imposer l’ignorance », dixit Mahamoudou Ouédraogo

La Société des auteurs, des gens de l’écrit et des savoirs (SAGES) a organisé la première rentrée littéraire du Faso du 27 au 28 octobre 2012 à Ouagadougou. Parrainée par l’ex-ministre de la culture, Mahamoudou Ouédraogo, cette rentrée a été marquée par une procession et des panels sur le livre et les autres types d’écriture. La SAGES entend renouveler l’expérience chaque année afin de susciter ou ressusciter la lecture chez les Burkinabè. C’est le ministre de la culture et du tourisme, M. Baba HAMA, qui a présidé la cérémonie officielle d’ouverture de cette première édition.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le livre a du mal à mobiliser au Burkina. Et la lecture semble diminuer au fil des ans. C’est pour inverser cette tendance que la Société des auteurs, des gens de l’écrit et des savoirs (SAGES) a organisé cette première édition de la rentrée littéraire du Faso. L’évènement sera désormais annuel, selon les organisateurs. L’engagement pour la valorisation du livre et de l’écrit du parrain (Mahamoudou Ouédraogo) et de certains invités de l’évènement (Mgr Anselma Sanon, Me Titinga Pacéré…) ne souffre d’aucune ambigüité. Malgré tout, la mobilisation devra encore attendre. C’est dire que la SAGES a encore beaucoup à faire pour mobiliser autour du livre.

Dans les recommandations, elle souhaite l’introduction des langues nationales dans les ordres d’enseignement ainsi que l’accroissement du nombre d’œuvres burkinabè dans les programmes d’enseignement. Mais pour cela, il faudrait que la production soit à la hauteur des attentes, aussi bien en qualité qu’en quantité. Toute chose qui nécessitera l’implication des spécialistes de la littérature burkinabè et des professionnels du livre dans les travaux de la commission nationale des programmes, donc une relance impérative des travaux de ladite commission. La SAGES, par la voix de son président, Dramane Konaté « souhaite une réelle volonté politique en vue de la mise en œuvre des recommandations formulées » dans son mémorandum.

Cette première édition de la rentrée littéraire permet à l’opinion publique de se faire une idée sur les productions écrites au Burkina Faso. La prochaine devra permettre d’avoir un répertoire complet de la production littéraire du Burkina au cours de l’année.

Dans son discours d’ouverture, le ministre de la culture et du tourisme, Baba Hama, tout en saluant l’initiative, estime que « l’investissement dans le livre est avant tout un investissement dans l’homme », car il est l’un des meilleurs véhicules des repères culturels et historiques. Ce, malgré la concurrence d’autres formes plus modernes d’acquisition du savoir et de la connaissance.

Le ministère de la culture et du tourisme s’attèlerait, en relation avec les ministères en charge des enseignements et de l’éducation nationale, à définir une politique du livre de sorte à permettre une meilleure appropriation de cet outil. Mais, « c’est avec une plus grande implication des acteurs institutionnels, de ceux des secteurs public et privé, que l’on devrait arriver à propulser le livre dans les hautes sphères de l’industrie », se convainc Baba Hama qui ajoute par ailleurs que l’État, pour sa part, veillera à la création d’un environnement juridique et fiscal propice à l’éclosion de l’industrie du livre.

Mais, il est plus que nécessaire de professionnaliser les acteurs de la filière, si l’on veut aller vers la création d’une véritable industrie du livre au Burkina Faso. Ecrivains, éditeurs, diffuseurs, promoteurs, enseignants, chercheurs devront donc se donner la main pour réussir le pari de faire de la culture de la lecture une réalité au Burkina Faso.

« Certes, le multimédia est omniprésent et offre à un public fort diversifié d’énormes possibilités. Mais les inforoutes du savoir ne doivent pas détourner la jeunesse des acquis durables et des connaissances pérennes accumulées depuis des siècles grâce à l’écrit et au livre », soutient Mahamoudou Ouédraogo, le parrain de cette rentrée littéraire. « Le livre étant un bien culturel, imposer des taxes sur ce précieux outil pédagogique équivaut à imposer l’ignorance », lance-t-il. En sa qualité de parrain de la première rentrée littéraire du Faso, il a pris le pari de contribuer à trouver les voies et moyens pour booster l’industrie éditoriale dans notre pays. Les différents acteurs du livre n’attendent que ça.

Moussa Diallo
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 1er novembre 2012 à 08:17, par dodo vole En réponse à : Rentrée littéraire du Faso : « Imposer des taxes sur le livre équivaut à imposer l’ignorance », dixit Mahamoudou Ouédraogo

    L’édition solidaire, kesako ?

    Notre position d’éditeur « ultrapériphérique », c’est-à-dire implanté dans un département d’outremer, à dix mille kilomètres des réseaux européens, nous a conduits à faire les constats suivants :

    1. Le livre est un élément essentiel pour la construction des individus, pour la transmission de la culture et pour l’acquisition des savoirs. A ce titre, il est juste de le considérer comme un produit de première nécessité, y compris, et particulièrement, dans les pays les plus touchés par la pauvreté.
    Il ne nécessite ni réseau électrique, ni interface technologique, il stocke le carbone, il se conserve et se transmet, c’est une mémoire efficace.

    2. Dans les pays les plus pauvres, on observe habituellement une production éditoriale très limitée qui s’explique par de nombreux facteurs : faible pouvoir d’achat de la population, faible implication de l’État dans la politique culturelle, illettrisme, chaîne du livre peu structurée. Et pourtant, dans ces pays, il existe souvent un réseau de lecture publique, modeste mais fréquenté (et ceci notamment en « brousse » où ces structures de lecture publique sont au centre de la vie culturelle des bourgades).

    3. Un livre mis en place dans une bibliothèque de brousse ne sera vendu qu’une fois par l’éditeur, mais il trouvera de très nombreux lecteurs. Ce qui en fait un objet peu rentable, mais très utile.

    4. Le don est l’ennemi du marché, et ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne le livre. Les bibliothèques occidentales, les éditeurs occidentaux, se débarrassent volontiers de leurs surplus en les acheminant vers le sud. Ce qui fut vrai pour le lait maternisé l’est aussi pour la production culturelle. Inondant les pays du sud d’ouvrages qui n’ont fait l’objet d’aucun choix de la part de leurs destinataires, qui se révèlent très souvent inadaptés aux publics du sud, ces ouvrages encombrent néanmoins les rayonnages et surtout éliminent toute volonté politique d’acquisition raisonnée. Pourquoi créer une ligne budgétaire d’achat de nouveautés locales quand telle ou telle ONG fait parvenir des containers entiers de livres occidentaux donnés ?

    5. Dans les bibliothèques du sud cohabitent deux types d’ouvrages : les ouvrages produits en Occident, de belle facture voire luxueux, en grand nombre car offerts par les institutions occidentales, et les ouvrages produits localement, beaucoup plus rares, qui, devant être vendus à des prix très modiques sont d’une qualité nettement moins ambitieuse.

    6. Cette dissymétrie, notamment en ce qui concerne la littérature jeunesse, continue à cultiver dans l’esprit des enfants qui fréquentent ces bibliothèques le rapport dominant-dominé hérité des colonies, la langue locale n’habillant que les ouvrages modestes, souvent usés jusqu’à la trame à force de manipulations (car en effet ce sont ceux-ci, écrits dans leur langue, que les enfants affectionnent).

    7. Le livre bilingue n’est pas très apprécié des publics occidentaux, qui le considèrent majoritairement comme un produit qui ne leur est pas destiné, et le voient plutôt comme un outil réservé aux publics du sud désireux d’acquérir une langue occidentale.

    Le livre bilingue est naturellement un outil d’apprentissage des langues, mais il ne peut survivre en dehors du marché occidental.
    C’est pourquoi nous aimerions faire réfléchir sur le statut du livre bilingue. Acheter un livre en français et en wolof, c’est permettre à un enfant wolof de lire un livre dans sa langue. Et si le livre est de belle facture, alors c’est permettre à un enfant wolof de lire un beau livre dans sa langue.

    8. Qui peut changer les choses ?

    Peut-être les États du sud, lorsqu’ils auront pris conscience que la culture est la clé de voûte de leurs sociétés... mais il y a beaucoup d’autres priorités.
    Peut-être l’éditeur local, s’il se fixe des objectifs éditoriaux ambitieux, mais encore faut-il qu’il en ait les moyens... et dans un contexte économique précaire, c’est un pari difficile à prendre.
    Peut-être les opérateurs économiques du sud, les investisseurs, désireux d’améliorer leur image par une contribution au développement culturel local... mais dans une logique de court terme, il est sans doute plus pertinent pour eux d’investir dans des événements sportifs relayés par les médias et qui obtiennent l’attention des foules.

    Peut-être VOUS qui lisez ce texte jusqu’au bout.
    Si vous prenez conscience qu’en achetant un livre bilingue, vous donnez sa chance à une langue moins éditée que la vôtre, si vous réalisez l’immense étendue du pouvoir qui est le vôtre.
    Car acheter un beau livre bilingue, c’est soutenir l’éditeur qui l’a produit, c’est lui permettre d’en imaginer d’autres. Et si les ouvrages existent, vous pouvez lui faire confiance, il saura les diffuser. Car ces livres manquent aux enfants du sud, et les petites bibliothèques les attendent avec appétit.

    Les éditions Dodo vole, octobre 2012.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina / Musique : Patrick Kabré chante Francis Cabrel