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Propos d’Expert : Le Pr IBRIGA, les candidatures indépendantes et la démocratie burkinabè

Publié le mercredi 24 octobre 2012 à 23h12min

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 Propos d’Expert : Le Pr IBRIGA, les candidatures indépendantes et la démocratie burkinabè

Bien que la justice ait rendu une décision en leur défaveur le 19 octobre 2012, le Pr Luc Marius IBRIGA et les « Indépendants du Kadiogo » sont déterminés à poursuivre le combat pour l’acceptation des candidatures indépendantes dans le champ politique burkinabè. Le Pr IBRIGA nous livre toutes les motivations de cette lutte.

Dans le cadre des élections couplées du 02 décembre 2012, le Pr Luc Marius IBRIGA, Professeur de Droit Public à l’Université de Ouagadougou et certains acteurs de la société civile burkinabè créent le regroupement les « Indépendants du Kadiogo ». Se basant entre autres sur les articles 1er, 12, 33 de la constitution, ils se présentent le 23 septembre 2012 à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) pour déposer leurs dossiers de candidatures à l’instar des partis politiques. Là, ils tombent des nues. Ils se voient opposés un niet catégorique : « Les candidatures indépendantes ne sont pas recevables par la CENI ». Les indépendants du Kadiogo désapprouvent cette attitude. Ils estiment que l’administration outrepasse ses prérogatives. Ils dénoncent du même coup l’interprétation de loi visant à donner le monopole des candidatures aux seuls partis politiques. S’estimant donc lésés dans leurs droits, ils attraient la CENI en justice.

Le procès a lieu le 19 octobre 2012 au tribunal de travail de Ouagadougou. Au verdict, les « Indépendants du Kadiogo » sont déboutés pour « défaut de qualité d’agir ».Le 23 octobre, LE STRATEGE rencontre le Pr IBRIGA à son bureau, à l’Université de Ouagadougou. Le verdict fait sourire l’enseignant de droit. « Nous n’avons pas qualité à agir ! C’est étonnant ».Cette décision de justice ne sonne-t-elle pas le glas du combat pour les candidatures indépendantes ? « Non. Pas du tout. Plusieurs voies de droit s’offrent à nous au niveau national et sous régional ». Selon le Pr IBRIGA, les candidatures indépendantes sont « constitutionnelles », nécessaires pour la démocratie et pour mettre un terme à « l’embrigadement et à la partitocratie ». C’est dire que les « Indépendants du Kadiogo » sont plus que jamais déterminés à se battre. Jusqu’où ? Interview.

LE STRATEGE : Comment le regroupement « Les Indépendants du Kadiogo » est-il né ? Vos détracteurs estiment que vous n’êtes qu’une « génération spontanée ».

Pr Luc Marius IBRIGA : Les « Indépendants du Kadiogo » sont nés d’une discussion entre citoyens dans le cadre de la coalition des organisations de la société civile pour les réformes politiques et institutionnelles. Dans ce cadre, nous avons inscrit les candidatures indépendantes au titre des réformes que nous pensions indispensables pour approfondir la démocratie au Burkina Faso. Lors de la discussion, nous avons estimé que l’occasion était belle de faire rebondir le débat sur les candidatures indépendantes. Nous avons donc approché le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) qui a été le premier à engager le combat. Nous avons noté une convergence de points de vue. Pour pouvoir attirer l’attention de l’opinion, nous avons donc décidé de constituer une liste pour susciter véritablement le débat.

Pour établir la liste, nous avons décidé de ne retenir que les militants de base des partis politiques ; pas les premiers responsables parce que nous imaginions que l’opinion pourrait nous reprocher de vouloir passer du côté de la politique sans franchir le rubicond. Pour nous, il s’agit de faire respecter un principe. Il y’a un droit constitutionnel qui est reconnu au citoyen et le citoyen doit l’exercer. C’est ainsi qu’est née l’idée des « Indépendants du Kadiogo ». Nous avons choisi le nom « Indépendants » pour signifier que nous sommes indépendants des partis politiques. Mais ce n’est pas une question de candidatures individuelles puisqu’au Burkina Faso, le scrutin est un scrutin de liste. Nous nous sommes donc regroupés pour défendre une cause. Ce droit là est reconnu. La preuve, quand il y’a des élections pour les décanats à l’Université, des personnes se rencontrent, se mettent d’accord et présentent leurs candidatures. Si elles sont élues, elles gouvernent ensemble.

Avec les « Indépendants du Kadiogo », en moins de 03 semaines avant la date butoir, nous avons constitué les dossiers complets de nos candidats. Sur la liste, il y a plus de femmes que d’hommes pour montrer que nous menons en même temps un combat sur la question de la parité.

Qu’est ce qui vous a motivé à vous présenter le 23 septembre 2012 à la CENI pour le dépôt des candidatures des « Indépendants du Kadiogo » aux élections couplées du 02 décembre 2012 ? Quels étaient les fondements juridiques de votre démarche ?

L’interprétation qui est donnée actuellement de la loi électorale dit que les candidatures sont exclusivement réservées aux partis politiques. Nous sommes partis de la constitution et de la jurisprudence en la matière. D’abord, l’article 1er de notre constitution dispose que tous les Burkinabè naissent libres et égaux en droit. L’article 12 dit que les Burkinabè sont électeurs et éligibles dans les conditions prévues par la loi. Tous ont un égal droit de participer à la gestion de la chose publique. L’article 13 de la constitution dit que les partis politiques concourent à l’expression du suffrage. Si le constituant originaire a prévu toutes ces dispositions, c’est pour dire que les partis politiques ne sont pas les seuls à concourir à l’expression du suffrage.

L’article 33 de la constitution dit que la souveraineté appartient au peuple. Nous ne pouvions donc pas laisser ce droit que la constitution nous reconnait être « volé » d’une certaine manière par une interprétation des lois qui vise à donner le monopole aux partis politiques. Ensuite, nous avons regardé autour de nous et nous avons vu que de telles lois ont existé dans des pays, à côté. Ce fut le cas au Niger pour les candidatures à l’élection présidentielle. La Cour Suprême du Niger, saisie en 1993 a déclaré que cette loi est contraire à la constitution et à la liberté d’association. En 1996, la cour constitutionnelle du Mali a été saisie de la même question concernant le monopole réservé aux partis politiques. Là encore, la cour a considéré qu’il s’agissait d’une violation de la constitution qui disait que le suffrage est égal, universel et secret. On retrouve les mêmes dispositions des constitutions malienne et nigérienne dans la constitution burkinabè.

Nous nous sommes dit donc qu’il y’avait un problème, d’autant plus qu’en droit, et selon la hiérarchie des normes, la constitution est supérieure à la loi. La constitution renvoie à la loi pour organiser en droit. Mais la loi ne peut pas enlever la jouissance de ce droit aux individus. Elle peut simplement l’aménager. Or ici, la loi nous enlève le droit. Si je ne veux pas être dans un parti politique, je ne peux pas exercer ce droit. Voici les fondements juridiques sur lesquels nous nous sommes basés pour dire que cette vision de la loi électorale est contraire à la constitution.

Lorsque nous analysons la loi électorale, nous nous demandons s’il n’y a pas eu une mauvaise interprétation. Vous ne trouverez nulle part dans le code électoral une disposition qui pose le monopole des partis politiques. Or en droit, quand on veut exclure, on affirme le principe avant de faire des exceptions. La seule disposition qui existe, c’est celle de l’article 157 qui concerne les partis qui peuvent présenter des candidats. Cet article stipule que seuls les partis légalement constitués 70 jours avant les élections, peuvent présenter des candidats. Il n’y a aucune disposition qui dit : « Seuls les partis politiques peuvent présenter des candidats ». L’article 157 est une exception à une règle qui devrait exister et qu’on ne retrouve nulle part dans la loi électorale.

En second lieu, quand vous prenez l’article 162 qui pose les conditions d’éligibilité à l’Assemblée Nationale, vous ne trouverez pas non plus de dispositions qui affirment qu’il faut être membre d’un parti politique pour être député. L’article 162 renvoie aux conditions d’éligibilité fixées aux articles 163 à 166. Dans ces articles, il n y a aucune mention sur les partis politiques.

Même s’il y a une mauvaise interprétation, il est important pour notre démocratie de donner l’occasion au juge constitutionnel de pouvoir se prononcer sur la question pour que le débat soit clôt. Si le juge constitutionnel estime que la loi est conforme à la constitution, don’t act. En ce moment, nous saurons que la question n’est plus juridique mais purement politique. Mais aujourd’hui, le problème est essentiellement juridique avant d’être politique. S’il avait voulu éclairer le droit burkinabè sur cette question, le juge aurait pu surseoir à statuer et renvoyer le dossier au juge constitutionnel comme le lui intime l’article 25 de la loi organique.

Après le refus de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de recevoir vos dossiers de candidature vous avez esté en justice. Au terme du procès qui s’est déroulé le 19 octobre 2012, le tribunal du travail de Ouagadougou a jugé votre requête irrecevable pour défaut de qualité d’agir. Quel commentaire faites-vous de ce verdict ?

(Rires). Nous n’avons pas intérêt à agir ! C’est très étonnant ! Aujourd’hui, quand on lit la loi électorale, même le citoyen qui n’est pas candidat a qualité à agir pour contester l’arrêté de validation des listes. Dire de gens qui ont voulu être candidats à l’élection qu’ils n’ont pas qualité à agir, cela est quand même quelque peu étonnant.

Aujourd’hui, le débat doit être remis au gout du jour. C’est parce que nous ne sommes pas d’accord avec la manière dont les choses ont été réglées au CCRP (Conseil consultatif sur les réformes politiques) que nous avons relancé le débat. A l’époque, nous avions dit que le consensus prôné par le CCRP n’est pas une bonne règle pour l’approfondissement de la démocratie.

Le juge constitutionnel doit se prononcer sur la question. Dieu faisant bien les choses, la révision de la constitution en juin dernier a modifié l’article 157 de la constitution en donnant au conseil constitutionnel la possibilité de s’autosaisir. Voici un débat qui est posé. Le juge constitutionnel est interpellé.

D’aucuns n’ont pas hésité à taxer votre regroupement de « parti politique non répertorié »…

Cet argument est spécieux. Non. Nous ne sommes pas un parti politique. Le scrutin de liste oblige ceux qui veulent être candidats à se rassembler. Mais il ne dit pas que l’on doive forcement être un parti politique. Si tel était le cas, les conseils municipaux en France seraient des non sens. Au Niger, au Mali, en Côte d’Ivoire à côté, les candidatures indépendantes sont libres. Au moment où nous posions le problème, le Président de l’Assemblée Nationale ivoirienne, Guillaume SORO était à Ouagadougou. Il y’avait des députés indépendants dans sa délégation. On n’a donc pas besoin d’être un parti politique pour participer à ces élections. Il ne faut pas confondre scrutin de liste et partis politiques.

La constitution garanti la liberté d’association. La liberté d’association au Burkina Faso, ce n’est pas simplement le fait de créer une association pour demander un récépissé de déclaration. Non. Je peux créer une association qui regroupe des gens pour discuter tous les soirs sur des problèmes de société. Ce regroupement n’a pas besoin d’avoir une personnalité juridique. La preuve c’est que la CENI demande à ce que chaque structure, chaque liste, ait un mandataire. Pour les partis politiques, c’est le mandataire du parti politique. Nous avons respecté cela puisque notre liste a un mandataire (Le Pr IBRIGA lui-même, ndlr). On sait qui contacter en cas de problème. Est-ce que ce sont les partis politiques seuls qui sont habilités à se prononcer sur les problèmes politiques au Burkina Faso ? Les citoyens burkinabè sont-ils devenus si apathiques qu‘ils doivent se taire pour laisser les seuls hommes politiques agir ?

Cette décision de justice n’est-elle pas un cinglant désaveu de votre action ?

Non. Elle ne remet pas du tout en cause notre action dans la mesure où le juge ne s’est prononcé que sur la forme. Toute cette cabale est une façon de ne pas se prononcer sur le fond. Qu’est-ce que ça coutait au juge de surseoir à statuer pour demander au juge constitutionnel de dire si la loi est conforme à la constitution ou pas ? Nous avions dit au juge que nous demandons l’annulation de l’arrêté mais qu’il ne pouvait pas se prononcer sur le dossier. A la CENI, on a refusé de réceptionner nos dossiers sous prétexte que la loi actuelle ne permettait pas à des gens qui ne sont pas un parti politique de présenter des dossiers. Cette décision ne remet pas en cause notre action puisque plusieurs voies de droit s’ouvrent à nous.

Votre lutte n’était-elle pas perdue d’avance ? N’aurait-il pas fallu poser ce problème des candidatures indépendantes longtemps à l’avance ?

Nous avons commencé ce combat depuis longtemps. Depuis 2006, il y a eu la pétition du MBDHP. Mais les tergiversations de l’administration, entre les préfets et les maires ne nous ont pas permis d’avancer. En 2009 également, dans le cadre des propositions de la société civile pour le toilettage des textes de l’Assemblée Nationale, nous avons souligné l’intérêt qu’il y avait à prendre en compte les candidatures indépendantes. Nous soulignions que ces candidatures indépendantes se justifiaient d’autant plus qu’on parle de démocratie de proximité. L’une des recommandations du forum des corps constitués avec le chef de l’Etat est relative à la construction d’une « démocratie participative ». Comment construire une démocratie participative si on empêche les citoyens de prendre leurs responsabilités dans la gestion locale ? Il ya une contradiction.

En 2011, après les évènements, nous avons fait des propositions au ministère chargé des réformes politiques et institutionnelles. Les candidatures indépendantes y figuraient. Les élections de 2012 étaient l’occasion pour attirer encore l’attention de l’opinion sur cette situation. Nous ne demandons pas qu’on nous donne la possibilité d’être candidats. Nous réclamons juste un droit. Le juge peut dire que l’acceptation de notre requête peut compromettre les élections du 02 décembre, soit. Mais, dans le principe, les candidatures indépendantes sont constitutionnelles. Nous nous battons pour le principe. Pas pour des strapontins.

Après avoir été déboutés quelle sera la suite de votre combat ? Est-ce un rêve définitivement enterré ?

Nous avons plusieurs voies de droit qui s’offrent à nous. La première qui est prévue par les textes, c’est la possibilité de faire appel de la décision du juge devant le conseil d’Etat. D’ailleurs, le conseil de la CENI nous disait que c’est seulement au conseil d’Etat que nous pouvions demander d’actionner le juge constitutionnel. C’est ce que prévoit l’article 157 alinéa 2 de la constitution. Mais on oublie aussi que l’article 25 de la loi organique n’a pas été abrogé et que le conseil constitutionnel continue de fonctionner sur la base de cette disposition.

Il faut aussi faire la différence entre l’exception d’inconstitutionnalité qui touche tous les cas d’inconstitutionnalité et la question prioritaire de constitutionnalité que prévoit l’article 157 alinéa 2 qui concerne la question des libertés fondamentales garanties par la constitution. Quand on agit sur la base de l’article 25 de la loi organique, c’est toute question d’inconstitutionnalité. Mais le constituant originaire a voulu faire du juge constitutionnel le juge des libertés. C’est pour cette raison qu’il a prévu cet article 157 pour protéger les libertés.

Ensuite, nous avons la situation dans laquelle le juge de l’excès de pouvoir peut être actionné. Nous avions un droit. Nous sommes allés pour déposer nos candidatures. On a refusé de les réceptionner. Nous considérons que l’administration a outrepassé ses prérogatives. Il ya des principes de bonne administration qui veulent qu’on reçoive tout de même un dossier quitte à le rejeter par la suite. On ne peut pas rejeter comme cela. C’est comme si vous allez déposer un dossier pour un concours et qu’en regardant votre tête, on refuse de le prendre sous prétexte que vous n’êtes pas beau. On nous a dit à la CENI qu’on ne prend pas nos dossiers parce que la loi estime que seuls telles personnes peuvent le faire. Aujourd’hui, peut-on dire au Burkina Faso que seuls les Mossis, seuls les Samos,… peuvent être candidats ?

Nous avons aussi la voie internationale. Dans le cadre ouest africain, le Burkina Faso est parti à des organisations régionales et notamment à la CEDEAO. Le Burkina Faso a ratifié la charte africaine des droits de l’Homme, le protocole de la CEDEAO sur la bonne gouvernance et la démocratie, le traité de la CEDEAO, le protocole de 2005 portant révision de la cour de justice de la CEDEAO. Dans ce cadre, le citoyen peut saisir la cour de la CEDEAO quand ses droits sont violés. Nous ne serons pas les premiers. Nous avons vu des députés togolais saisir la cour de justice de la CEDEAO. Des défenseurs de droits de l’Homme ont saisi la cour de la CEDEAO. Dans les affaires Hissen Habré et Tandja, la cour s’est également prononcée. Nous avons donc cette possibilité d’autant plus que la CEDEAO dit qu’elle peut être saisie même si une affaire est pendant au niveau des juridictions nationales. Nous avons encore quelques flèches dans notre carquois. Le combat n’est pas encore terminé sur le plan juridique.

Nous pensons aussi que le combat doit continuer sur le plan de la mobilisation de l’opinion. Nous allons continuer par une campagne d’affichage, une campagne de proximité,… pour expliquer au plus de gens possible ce qu’il faut entendre par candidatures indépendantes. Je ne vois pas pourquoi on aurait peur du citoyen dans une démocratie. Les candidatures indépendantes sont nécessaires pour renforcer et créer la démocratie interne au sein des partis politiques.

Vous avez vu comment les gens sont allés déposer les listes : une quart d’heure avant la fin de l’ultimatum ! Pourquoi ? Parce qu’il y ‘a des tractations. Il n’ ya pas de transparence, pas de démocratie interne. Des règles différentes s’appliquent aux mêmes militants d’un parti politique. Certains vont vers leur 3è, d’autres vers leur 5è mandat. Pendant ce temps, on considère que d’autres ne doivent pas se présenter. C’en est trop. Sur quelles bases ? Avec les candidatures indépendantes, les partis politiques vont devoir lutter pour avoir leur place au soleil. C’est ce qui se passe au Niger. Les candidatures indépendantes sont prévues mais vous n’avez aucun indépendant à l’Assemblée Nationale. Pourquoi ? Parce que les partis politiques font le travail sur le terrain.

Quand on donne un monopole de droit à des gens, qu’est ce qu’ils font ? C’est l‘apathie. Le Burkina Faso ne peut pas prôner le libéralisme économique, le pluralisme politique en créant des monopoles. Si nous optons pour la compétition et la concurrence, il faut aller jusqu’au bout de la logique. Nous allons donc continuer. Ce jeudi 25 octobre nous avons déjà une conférence de presse à 9h au siège du MBDHP. Nous allons lancer toute une campagne de communication sur cette question des candidatures indépendantes. Nous travaillons non pas pour être candidats mais pour que les candidatures indépendantes soient une réalité au Burkina Faso.

Le Burkina Faso compte déjà plus de 100 partis politiques. Le pays est-il réellement prêt à expérimenter la piste des candidatures indépendantes d’autant plus qu’elles pourraient davantage complexifier le champ politique ?

Bien sûr ! Les candidatures indépendantes vont même permettre la rationalisation des partis politiques dans la mesure où on aura des partis politiques conséquents. Aujourd’hui, beaucoup de partis politiques naissent parce que ceux qui veulent être candidats sont obligés de créer un parti politique. Mais les partis politiques ne remplissent pas tous les critères de partis. Vous verrez pendant la campagne que beaucoup ne pourront même pas assurer leur temps d’antenne au niveau de la radio et de la télévision. Mais ils sont considérés comme partis politiques !

En tant qu’indépendants, si nos dossiers avaient été validés, nous aurions assuré tous nos temps d’antennes. Les candidatures indépendantes vont obliger les partis politiques à être indépendants à l’intérieur. Cela va éviter la scissiparité qui frappe nos partis politiques. Notre action n’est pas contre les partis politiques bien au contraire ! Il ne faut pas rester dans une situation où l’offre politique est médiocre et se satisfaire de cela. Au Burkina Faso, nous devons sortir de la peur, de l’embrigadement et de la tendance à la partitocratie. Ce sont les appareils des partis qui décident de tout. Ils font que les députés, les conseillers municipaux ne sont pas autonomes.

Dans un scrutin de liste, si vous voulez être bien classés, vous devez suivre la discipline du parti et être un député ou un conseiller godillot. Autrement, au moment opportun, on vous classera bizarrement. La preuve, aux législatives passées, certains qui avaient quitté la CNPP pour se retrouver au CDP ont claqué la porte parce qu’ils n’ont pas admis qu’ils soient classés comme des sous-fifres alors qu’ils étaient des commissaires régionaux. Au niveau du CDP, on a fait des simulacres de primaires. Les militants à la base ont classé. Après, l’exécutif du CDP a fait ce qu’il voulait de ce classement.

Il faut que l’on fasse en sorte que l’électeur burkinabè devienne un citoyen actif. Il ne doit pas se contenter de s’abreuver de l’évangile politique en répondant « Amen » à tout bout de champ. Les citoyens ne doivent pas être des moutons de panurge. Par rapport au problème du gaz, de l’université de Koudougou… avez-vous entendu un seul parti politique se prononcer sur ces questions ? Ces préoccupations des populations ne sont-elles pas au cœur des préoccupations des partis politiques ? Va-t-on continuer à se contenter d’une faible participation, d’une désaffection par rapport à la chose politique ? C’est dangereux. A terme, cela va conduire aux visées messianiques. Nous voulons qu’on redonne les droits politiques aux citoyens. Si tel n’était pas le cas, on n’aurait pas assisté à la défaite de Ségolène Royal lors des dernières législatives en France face à Olivier Falorni. Si c’était au Burkina Faso, ce Monsieur n’aurait pas pu se maintenir parce que le Parti Socialiste avait choisi Ségolène.

Le 22 octobre, la Commission électorale communale indépendante (CECI) de Gourcy a décidé d’invalider les deux listes déposées par le CDP pour les élections couplées de décembre 2012.Votre commentaire.

C’était parfaitement prévisible. Pourquoi le CDP n’a pas pu dire exactement qu’elle était la bonne liste ? C’est là que vous voyez qu’il n’y a pas de démocratie interne. Il n’y a pas 02 CDP à Gourcy. Pourquoi le CDP n’a pas dit que c’est la liste qui a été déposée le 22 ou le 23 septembre qui est la bonne ? C’est à bon droit que la CENI a annulé les deux dossiers. Il n’appartient pas à la CENI de choisir entre tel CDP et tel autre. Le parti lui-même doit être tiraillé entre des intérêts divergents.

Interview réalisée par Arsène Flavien BATIONO

lestratege@lestratege.net : www.lestratege.net

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