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Sanctions onusiennes contre la Côte d’Ivoire : Un cautère sur une jambe de bois

Publié le mercredi 17 novembre 2004 à 12h35min

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Alors que l’unanimité semble se faire autour des sanctions prises par l’ONU à l’encontre de la Côte d’Ivoire lundi dernier, "l’analyse concrète de la situation concrète" ainsi que des faits antérieurs obligent à dire que le pays n’est pas prêt de sortir de l’auberge.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a donc infligé lundi à New York des sanctions à la Côte d’Ivoire se résumant à un embargo immédiat sur les armes pour 13 mois ainsi qu’une interdiction de voyager et un gel des avoirs pour certaines personnes qui seront désignées comme "constituant une menace pour la paix et la réconciliation en Côte d’Ivoire". Le Conseil a précisé que ces mesures seront "levées" si des progrès substantiels étaient observés dans la mise en œuvre de Marcoussis et d’Accra III. Entre autres "progrès substantiels", la réforme par le gouvernement de l’article 35 de la constitution sur l’éligibilité à la présidence de la république et le désarmement par les ex-rebelles.

Par ailleurs, la résolution exige que les autorités ivoiriennes stoppent toutes les émissions de radio ou télévision incitant à la haine, l’intolérance et la violence. Une résolution qui intervient à l’initiative de Paris qui est actuellement en pleine "opération Bayiri" avec l’évacuation de ses ressortissants de l’enfer ivoirien ou plutôt ivoiriste si tant il est vrai que ce ne sont pas tous les Ivoiriens qui poussent à la haine de l’étranger. Et, pour justifier ce train de mesures, le Conseil de sécurité a affirmé "qu’il n’y a pas de solution miliaire possible à la crise en Côte d’Ivoire, il n’y a qu’une solution politique".

Gbagbo ne changera pas

Le but avoué est d’infléchir la position du camp présidentiel afin de le ramener à plus de civilité et de raison après sa sortie guerrière des 4 et 5 novembre derniers. Et pour montrer à Gbagbo qu’on ne lui en veut pas, le ministre français de la Défense, Michèle Alliot Marie a assuré que pour la France le régime ivoirien était "toujours légitime". Aussi elle a appelé à l’application des Accords de Marcoussis "par tous les signataires". Sans faire injure à madame Alliot Marie, force est de dire qu’elle a la mémoire courte, le responsable du "bordel" actuel étant bel et bien connu. C’est vrai que la France veut redorer son blason après son "show militaire" du 6 novembre, ainsi que le dérapage verbal de Chirac (il a traité le régime ivoirien de fascisant) mais du côté de Gbagbo et ses "patriotes" la rupture est consommée avec Paris.

Pour en revenir aux sanctions préconisées, disons, trivialement que "Gbagbo s’en fout". Il n’en a cure parce qu’avec la manne cacaoyère, ce sont 500 millions d’euros (en liquide) qui tombent dans sa cagnotte chaque année. Un trésor de guerre qui peut tout lui permettre, d’où ses fanfaronnades après la destruction de sa flotte aérienne. Qu’ils le veuillent ou non comme chantait l’artiste, les Blancs achèteront toujours le cacao et Gbagbo aura son fric. A côté de nous, au Togo, Eyadéma vit sous embargo de l’Union européenne depuis 1998, mais les affaires "marchent" pour lui, tandis que le peuple se paupérise et que les intellectuels togolais en désespoir de cause sont devenus des SDF. Leurs frères ivoiriens tendent de plus en plus vers cette errance, sans fin, en témoigne le célèbre écrivain Amadou Kourouma décédé en exil.

En "gêlant" le conflit et en préconisant des sanctions, la communauté internationale nous la joue façon hypocrite, persuadée par ailleurs qu’en son sein, il y aura des tartufes pour soutenir l’apprenti-fascite. On est mémoratif que la Chine et la Russie étaient d’abord réticentes à cette prise de sanctions, la première ayant de plus en plus d’appétit pour le cacao ivoirien (la forte demande chinoise a du reste augmenté le cours du cacao) alors que la seconde ne serait pas fâchée de faire du business d’armes avec Abidjan par la mafia caucasienne interposée. Une occurrence toujours actuelle, avec la porosité de nos frontières et les rebelles sierra-léonais et libériens qui connaissent toutes les filières. Gbagbo donc boit du petit lait, alors que le peuple ivoirien n’est pas au bout de ses souffrances.

La Côte d’Ivoire va devenir comme la RD Congo avec des "poches" de contestation où le fait ethnique va entraîner de nombreux morts, avant que la digue onusienne ne cède sous la poussée de tous les laissés-pour-compte. Alors tout comme le conflit congolais, qui, parti sur des revendications sociopolitiques internes a fini par embraser toute la région des Grands lacs, le conflit ivoirien étendra ses métastases sur l’ensemble de l’Ouest-africain. N’eussent été la myopie politique et les dérives intolérables du régime Gbagbo, c’est le procès de la colonisation que l’ont aurait fait. Pour l’heure, la fanatisation médiatico-politique a toujours cours à Abidjan.

Boubakar SY (djabamagnan@yahoo.fr)
Sidwaya

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