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Côte d’Ivoire : La médiation de la dernière chance de Mbeki

Publié le jeudi 11 novembre 2004 à 09h27min

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Alors que la médiation de l’Union africaine entreprise par Thabo Mbeki vient d’échouer en Côte d’Ivoire, la crispation identitaire ainsi que les faits et gestes observés dans ce pays laissent penser que l’on s’achemine vers un scénario à la rwandaise. A moins que, se rendant à l’évidence, les uns et les autres tirent la conclusion logique de cette chienlit : il faut arrêter Laurent Gbagbo.

Ainsi donc, le président ivoirien a décidé de rejeter en bloc toutes les propositions de Thabo Mbéki pour une sortie politique de la crise en Côte d’Ivoire. Auréolé de son prestige de président le "plus puissant" de l’Afrique subsaharienne et bien au fait du dossier ivoirien pour avoir joué un rôle important (avec Blaise Compaoré) dans la signature des accords d’Accra III, Mbeki apparaissait comme l’homme de la dernière chance pour ramener la paix au bord de la lagune Ebrié.

Las, la crispation identitaire de plus en plus marquée parmi les partisans de Laurent Gbagbo et certains "antécédents" (Mbeki avait pris ouvertement position pour les Forces Nouvelles à Accra) l’auront contraint de retourner bredouille à Pretoria, avec comme "lot de consolation" la rencontre prévue avec l’opposition ivoirienne dans les prochains jours. Pendant ce temps à Abidjan même, Gbagbo et ses séides poursuivent leur "guerre de libération nationale".

Une guerilla urbaine en fait où les actes de défiance et de provocation à l’encontre des forces chargées de maintenir la paix en Côte d’Ivoire (forces française et onusienne) se multiplient, rendant difficile voire impossible leur action sur le terrain. Encouragés, pensionnés et drogués par les bonzes du parti au pouvoir (parmi lesquels Simone Gbagbo est l’une des plus actives) les "jeunes patriotes", une horde de chômeurs impénitents, poursuivent leur "combat" contre "l’envahisseur français" et les "pique-assiette" ouest-africains.

Acculé de toutes parts et minorisé politiquement par l’alliance PDCI/RDA-RDR (après leur "sommet" parisien Bédié et Ouattara ont promis de faire cause commune) affaibli militairement après la destruction de ses avions-fous, Gbagbo, comme tout apprenti-fasciste a opté de faire jouer la fibre nationaliste.

"La rwandisation ?"

Un pseudo-nationalisme en fait, si tant est que son régime se sera illustré par une gestion économique gabégique en pillant les ressources de la filière cacaoyère et en siphonnant les caisses de l’Etat pour l’achat massif d’armes avec force ristournes à son profit. Par ailleurs et lui-même l’a reconnu, ayant été élu dans des "conditions calamiteuses", Gbagbo est disqualifié pour parler au nom du peuple ivoirien dans son entièreté. C’est dire si l’historien président a mal révisé ses classiques, toute chose qui l’amène à avoir une lecture aussi tronquée de la situation de son pays. Une lecture qui tend à alourdir davantage le climat sociopolitique dans le pays avec des affrontements interethniques sporadiques. C’est ainsi qu’à Gagnoa, bété et dioula se sont affrontés mardi dernier, avec des morts à la clé.

Par ailleurs, les ratonades et les exactions diverses ont repris à l’encontre des étrangers dans toute la zone sous contrôle des forces gouvernementales. Face à cette situation de guerre civile armée, les agences humanitaires de l’ONU sont de plus en plus inquiétes. Le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Fred Echkhard a indiqué lors d’un point de presse le 8 novembre, que des combats ont éclaté le 7 novembre 2004, aux abords des villes de Bouaké et de Korhogo tandis que les tensions s’accentuaient dans l’ensemble du pays.

Cela "force" les agences à limiter les allées et venues de leur personnel, ce d’autant que cinq véhicules de l’ONU ont été confisqués par des groupes armés, et un sixième détruit. Par ailleurs, Fred Eckhard a indiqué que l’électricité avait été coupée dans toutes les zones contrôlées par les Forces Nouvelles. La France quant à elle, sans doute ulcérée de se voir prise à partie par les bonzes et les militants d’un pouvoir qu’elle a contribué à maintenir jusque-là, prépare en douceur une évacuation de ses ressortissants du pays, pour laisser les "nègres" se massacrer entre eux.

Une situation qui n’est pas sans rappeler le Rwanda où Paris avait soutenu à bout de bras le régime xénophobe et grabataire de Juvénal Habyarimana, avant de se retirer sous la poussée de l’Armée patriotique rwandaise (APR) conduite par Paul Kagamé. En Côte d’Ivoire, c ’est le pouvoir qui pousse Paris à la porte, mais le résultat risque d’être le même qu’au Rwanda, les rancœurs et les haines ayant eu le temps de se cristalliser. La guerre civile servirait alors d’exutoire pour évacuer ce trop-plein de haine.

Les conséquences d’un tel scénario étant incalculables (le génocide rwandais a destabilisé tous les Grands-Lacs) on comprend pourquoi Paris hésite à laisser le joyau de la couronne franchir le pas. Une hésitation coupable car, et on ne cessera jamais de le répéter, le mal ivoirien est connu de tous et le remède politique a prouvé ses limites. Les sources du mal ivoirien étant minoritaires, ne convient-il pas de les tarir pour le bonheur du plus grand nombre ? C’est la conscience universelle qui est interpellée ici.

Boubakar SY (djabamagnan@yahoo.fr)
Sidwaya

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