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Abdoul Mbaye, premier ministre, appelle à un Sénégal « citoyen » et au dialogue avec la « société civile » (2/3)

Publié le jeudi 20 septembre 2012 à 20h01min

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Abdoul Mbaye, premier ministre, appelle à un Sénégal « citoyen » et au dialogue avec la « société civile » (2/3)

Dans sa déclaration de politique générale (DPG) prononcée le lundi 10 septembre 2012 devant l’Assemblée nationale, le premier ministre Abdoul Mbaye a appelé au « patriotisme économique ». Il s’agit non seulement que « la production locale [profite] davantage de la consommation nationale » mais que soit assurée « la promotion d’un secteur privé national fort » dans le cadre « privilégié » d’un « partenariat public/privé » bénéficiant de « mécanismes de financement innovants ».

La « sur-priorité » concerne, bien sûr, « la restructuration du secteur névralgique de l’énergie » afin de « garantir une fourniture stable d’électricité aux entreprises et aux ménages, à des coûts maîtrisés, supportables et ne grevant pas la compétitivité de l’économie ».

Cela passe par la réhabilitation des centrales avant 2013, l’installation de capacités intermédiaires (200 MW) afin de renforcer la capacité de la Sénélec (536 MW), la diffusion des lampes à basse consommation, la promotion de l’utilisation de kits solaires, la diversification des sources d’énergie (charbon, hydrocarbures gazeux et liquides, hydraulique, solaire, éolien, biomasse…), l’interconnexion aux centrales hydroélectriques réalisées dans le cadre de l’OMVS (Felou puis Gouina) mais également avec les réseaux Nord-africains et Ouest-africains en situation excédentaire. Cet effort en faveur de la production d’énergie* sera accompagné d’un effort de désenclavement non seulement de la Casamance (« par mer, par route et par la voie aérienne »), une « extrême-priorité », mais également de l’ensemble du pays grâce au chemin de fer (qui « devra jouer un rôle plus déterminant dans la circulation des personnes et des biens sur l’axe Dakar-Bamako et la desserte des zones périurbaines et des villes de l’intérieur »), au transport aérien, aux infrastructures de transport.

Si l’agriculture « sera, bien entendu, le principal levier de relance de l’économie », il s’agit aussi de promouvoir tourisme, industries extractives et chimiques, BTP, industries culturelles, artisanat, TIC et services. En matière de développement de la production agricole (autosuffisance en riz dès 2018 avec une production de 1,6 million T de riz paddy + céréales locales, oignons, tomates, pommes de terre mais aussi production horticole et fruitière pour l’exportation), le gouvernement veut promouvoir un « réseaux de grandes fermes agricoles modernes et d’unité agro-industrielles » qui, « avec l’appui de l’Etat », devront « encadrer les petits producteurs pour assurer leur viabilité » tandis que des « centres agrobusiness » accompagneront « cette mutation en offrant des services en matière de mécanisation, de maintenance, de stockage, de commercialisation, mais aussi de transformation et de valorisation de la production ».

La filière arachidière – qui est la colonne vertébrale du secteur rural et une production quasi « culturelle » au Sénégal – va être réorganisée « en relation avec les acteurs » tandis que des « synergies seront construites entre l’agriculture et l’élevage », l’objectif étant de « développer un système agropastoral plus intégré ». « L’Etat, a précisé Mbaye, réalisera ou favorisera la réalisation de fermes laitières, de mini-laiteries, celle d’abattoirs modernes, de chaînes de transformation et de froid, de pôles pour la commercialisation et le développement des races ». Il évoque, en matière d’élevage, la nécessité d’une « révolution culturelle » afin de « limiter la transhumance et de rendre le cheptel moins vulnérable à la sécheresse ».

En matière d’aménagement du territoire, Mbaye a dénoncé « la tendance à la déforestation et à la dégradation des terres » liée notamment aux feux de brousse qui demeurent une calamité. Il a surtout mis l’accent sur la volonté du gouvernement de doter « les communautés rurales d’un programme d’infrastructures sociales de base » posant en préalable, en matière d’électrification rurale, de « rattraper l’important retard enregistré dans la mise en œuvre des six conventions de concession en cours et de conclure quatre nouvelles conventions afin d’atteindre l’objectif d’un taux d’électrification rurale de 50 % à l’horizon 2015 et de 60 % en 2017 ». Un programme qui concerne plus de 1,1 million d’habitants. Il a précisé également que l’expérience menée à Louga de renforcement de l’offre d’infrastructures via le projet « Villages du Millénaire » sera capitalisée. Il a surtout fait état de « l’émergence de pôles industriels régionaux » dont le premier sera implanté autour du nouvel aéroport international de Diass, à l’Est de Dakar, dont le développement devrait se faire en direction de Sindia (sur la RN1 en direction de Mbour, sur la Petite Côte).

Il souhaite aussi que des pôles de croissance se développent autour des sites miniers, des sites touristiques et des sites culturels. Là encore, notamment en ce qui concerne la perception de la culture, « à la fois [comme] un vecteur pour le rayonnement de nos valeurs ainsi qu’un levier pour la croissance et la promotion économique et sociale » - un sujet sur lequel il s’étend longuement – ainsi que sur « l’émergence d’une économie numérique, en orientant les organisations et les citoyens vers l’usage des technologies de l’information », Mbaye marche, un fois encore, dans les pas de Wade qui a pas mal débroussaillé ces deux pistes** ; on se souvient de la mobilisation internationale qu’il s’est efforcé de structurer autour de la question de la « fracture numérique ».

En matière de justice, Mbaye a annoncé la création d’une Cour de répression des crimes économiques et financiers. « C’est […] un impératif moral pour l’Etat que d’encourager les comportements civiques exemplaires. C’est, enfin, un impératif financier et économique, puisque la restitution des avoirs détournés de leur destination initiale permettrait de constituer des ressources pour financer des projets prioritaires ». Cette action vient renforcer la mise en place, d’ores et déjà assurée, d’un Comité de suivi des audits qui ont été engagés pour dresser l’état des lieux du Sénégal « à fin mars 2012 ». Une réforme du Conseil constitutionnel sera par ailleurs mise en route « en ce qui concerne sa composition et le mode de désignation de ses membres ».

Si Mbaye a rendu longuement hommage aux femmes, notamment aux « femmes chefs de ménage » qui, « proclame-t-il solennellement », sont « une sur-priorité pour ce gouvernement », il a accordé une attention particulière aux jeunes. Dans cette perspective, il a appelé à « repenser l’école » afin de « recadrer ses objectifs, réformer ses contenus pédagogiques, rationaliser ses moyens, assurer une meilleure cohérence dans son pilotage et sa gouvernance ». Il entend promouvoir la professionnalisation des enseignements « du collège au supérieur » et « la formation des jeunes dans des filières conformes à la demande du secteur privé », créer des écoles franco-arabes et des daaras « modernes », introduire « progressivement » des langues nationales durant les premières années d’apprentissage. Il a annoncé la construction d’une deuxième université entre Diamniadio et Dakar, de l’Université du Siné-Saloum de Kaolack (15.000 étudiants) et d’instituts supérieurs d’enseignement professionnel (ISEP) spécialisés dans les régions.

* Je rappelle que le frère d’Abdoul Mbaye, Cheikh Tidiane Mbaye, a été promu par Abdoulaye Wade à la présidence du conseil d’administration de la Sénélec fin 2010. Une réforme « institutionnelle » de la Sénélec a été annoncée par le premier ministre qui considère que son déficit, à la charge de l’ensemble de la collectivité, « constitue un lourd boulet handicapant l’économie sénégalaise et sa compétitivité ».

** Il convient de rappeler que la grande tapisserie (24 m²) réalisée par la Manufacture sénégalaise des arts décoratifs (MSAD), à Thiès, et que le président Macky Sall entend offrir aux Nations unies pour orner la grande salle de conférence au siège de New York, intitulée « Le Magal de Touba », avait été commandée en 2008 par son prédécesseur, Abdoulaye Wade.

Jean-Pierre BEJOT
LA Dépêche DIplomatique

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