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IL FAUT LE DIRE- Conflits fonciers : Un tabou qui n’arrange rien

Publié le mardi 18 septembre 2012 à 23h07min

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Hier c’était « la tragédie de Guenon », aujourd’hui « la chasse à l’homme de Gaoua » et peut être, malheureusement, un autre drame communautaire en manchettes des journaux demain. La cohabitation interethnique est mise à rude épreuve ces temps- ci, même entre parents à plaisanterie, avec à la clé des crises intercommunautaires au dénouement parfois sanglants. En toile de fond, la pression foncière et son instrumentalisation surtout dans l’Ouest du pays, l’une des principales réserves de terre arable. Il serait toutefois trop facile de mettre ces tensions sur le compte des sempiternelles rivalités entre autochtones et allogènes, entre agriculteurs et éleveurs.

Car, à bien des égards ces « crises intercommunautaires » sont la conséquence de simples contentieux oubliés, négligés ou mal réglés par les autorités compétentes. Tout au plus se contente t-on de « rapport circonstancié », de « rapport confidentiel » à l’attention des « plus hautes autorités » et qui ne sont généralement pas suivis d’effet. En effet, au nom de la prétendue sensibilité des affaires intercommunautaires, les autorités locales acceptent rarement de « se mouiller » dans la recherche de voies et moyens de les juguler. Depuis 2005 par exemple, les autorités provinciales s’inquiètent des actes de destructions d’écoles de groupuscules islamistes dans le Nord Kénédougou.

Les affrontements sanglants de Solenzo en pleine crise sociopolitique en 2011 ont été précédés d’un vain appel de détresse aux autorités régionales de la Boucle du Mouhoun pour trouver une solution avant qu’il ne soit trop tard. Autochtones et allogènes sont dans une situation de ni guerre, ni paix dans la commune rurale de Lena autour d’un dossier politico judiciaire pendant. A l’évidence, ces affaires sont bien sensibles. Au risque d’être accusé de parti pris, de s’attirer les foudres d’un groupe, beaucoup de responsables préfèrent jouer aux équilibristes ou faire l’autruche faces aux problèmes qui leurs sont posés. Mais les conséquences de leur prise en main, leurs règlements puissent-ils engendrer des mécontentements, semblent nettement moins graves que celles de leur mise sous-tapis.

Cela nous éviterait ces spectacles finalement banalisés des missions gouvernementales envoyées d’urgence par voies terrestres ou par les airs pour apaiser des cœurs meurtris dans des localités acquises à tort ou à raison à la conviction que « l’Etat n’entend que le langage de la violence ». Comment comprendre que tout un village décide de se mettre en marge de la république en ne tolérant aucun étranger sur ses terres. Ces situations existent dans la région des Hauts Bassins. Elles sont connues des différents acteurs et sont susceptibles d’engendre, tôt ou tard, des conflits.

L’Etat et ses démembrements ont donc le choix entre travailler en amont à prévenir ces différends, à aplanir ces prises de positions dignes d’une autre époque ou intervenir en pompier pour éteindre un incendie dont l’origine n’est pas si inconnue que cela. La tâche est d’autant plus ardue que la chefferie traditionnelle à qui ce rôle était dévolu, peine à trouver sa place dans l’architecture de nos institutions modernes. Toute porte à croire que toutes les crises intercommunautaires sont toujours frappées du sceau du tabou. Un tabou qui n’arrange pas grand-chose pour l’instant

Mahamadi TIEGNA

Sidwaya

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