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Les raisons du rétablissement de la division de Djibo

Publié le mercredi 12 septembre 2012 à 23h58min

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Les raisons du rétablissement de la division de Djibo

Evènements particuliers au cercle : Nous exposons ici les remarques que nous avons pu faire au cours de notre tournée en pays peulh.
A parler franc, il nous faut avouer que notre action dans cette région est surtout théorique et que nous restons la plupart du temps dans la plus complète ignorance de ce qui s’y passe. Nous ignorons tout de la vie courante de tout ce pays. Les Fulbè, éparpillés dans la brousse, sont quasi-invisibles et les seuls indigènes qu’il nous est possible de toucher au cours de nos tournées, toujours trop rapides, sont les Rimaïbe. A peine, de-ci, de-là, quelques Fulbè se rencontrent-ils. Les rassembler demanderait un temps considérable.

Il faudrait presque aller les chercher un par un, et leur égaillement constant les met à l’abri de nos atteintes et aussi de celles de leurs chefs.

Nous ne sommes plus là en pays moré, où les gens sont groupés en cantons, en villages nettement déterminés, où ils ont des chefs dont ils reconnaissent et respectent l’autorité, où la société est nettement hiérarchisée, où l’individu reste fermement attaché à sa terre. En pays peulh, c’est l’indépendance de l’individu qui domine. Il existe bien des chefs, mais leur autorité est souvent bien faible, surtout en matière administrative et bon nombre d’entre eux ont pour principale occupation de « courir après leurs ressortissants ». Et la proximité de la limite du Soudan et de la région semi-désertique qui s’étend sur le Nord-Ouest du cercle de Dori n’est pas faite pour faciliter la situation… La présence constante d’un Représentant de l’Administration s’impose impérieusement : le rétablissement d’une subdivision à Djibo est nécessaire.

Il faut là un homme jeune, actif, énergique, d’un moral solide, qui puisse être constamment en route, sillonnant sans arrêt le pays, le fouillant dans ses coins les plus reculés, se tenant continuellement au courant des mouvements des uns et des autres et exerçant une surveillance serrée de toute la zone limite des deux Colonies.

Il faut aussi que dans pays peulh qui s’étend sur une longueur de plus de 100 kilomètres et une largeur atteignant parfois plus de cinquante kilomètres, des routes automobilisables, praticables en toute saison soient construites. Des ordres ont déjà été donnés dans ce sens… Une autre considération d’ordre politique vaut encore d’être retenue : c’est la surveillance que, plus que sur tous autres, il importe d’exercer sur les Chefs peulh, trop souvent portés aux abus, forts de la certitude dans laquelle ils sont, que l’indigène lésé n’ira pas se plaindre à Ouahigouya en raison de la distance d’abord, et aussi et surtout en raison de ce que le paysan foulla n’a qu’une confiance relative en nous, parce que ne nous connaissant pas suffisamment. J’ajouterai encore qu’une surveillance de toute la région limitrophe du pays moré est nécessaire.

Là, peu ou point de villages ! Par contre, des isolés en masse ! Tout le secteur Sud des cantons de Tongomayel, Djibo et Baraboulé est le refuge des indépendants mossi, tant du cercle de Kaya que de celui de Ouahigouya et même de nombreux indigènes provenant du cercle de Koudougou, surtout du canton de Lallé.

Là, ils se sentent en sécurité et à l’abri des atteintes de leurs chefs. Pour eux, plus d’impôts, plus de prestations, plus de recrutement de travailleurs, non plus que de travailleurs… plusieurs tournées y ont été effectuées au cours de l’année 1930. Elles ont été également fructueuses et nombreux sont les indigènes qui ont été renvoyés là d’où ils étaient revenus clandestinement se réinstaller dans la région même de laquelle ils avaient été éconduits… Il est enfin une autre considération qui semblerait militer en faveur du rétablissement de cette subdivision de Djibo : c’est la surveillance du cheptel. Ce dernier représente une importante richesse et mérite de retenir toute notre attention.

Les épizooties de ces dernières années y ont déjà creusé de sérieuses coupes sombres et les chiffres de recensement du bétail établis en 1930 sont suffisamment explicites. Il ne me semble pas que l’organisation du service zootechnique dans le cercle réponde aux besoins de l’heure… La présence constante d’agents du Service Zootechnique, au cœ

ur même de la région d’élevage, serait appelée à rendre les plus grands services : surveillance plus étroite et plus efficace des troupeaux qui, à tout moment, viennent du Soudan pour se rendre en Gold Coast et traversent toute cette région en y apportant les germes des maladies qui s’y développent ensuite… Ce n’est que quand le mal est fait, souvent de nombreux jours après, parfois même des semaines, que nous en sommes informés à Ouahigouya, trop tard pour pouvoir agir effectivement !m

J.Y Marchal, Chronique d’un cercle de l’AOF, Ouahigouya (Haute-Volta) 1908-1941.

Par Bendré

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