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SRPJ Wemtenga : Des policiers ripoux « dealent » 20 millions avec des faussaires

Publié le mercredi 5 septembre 2012 à 22h43min

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SRPJ Wemtenga : Des policiers ripoux « dealent » 20 millions avec des faussaires

Peut-être le scandale le plus grave qu’une unité d’élite, contre la corruption et la délinquance peut commettre. Mais peut-être les agents indélicats ne sont-ils pas à leur premier forfait, tant l’affaire parait invraisemblable et conduit au mépris d’un minimum de précaution par des auxiliaires de la justice. Toé, Zongo et Sabdano devaient être trop sûrs d’eux pour contraindre des faussaires à leur payer des rançons devant témoins. Une telle assurance ne peut provenir de novices. Autre question légitime, comment la hiérarchie peut n’avoir rien su de tout ça ?

C’est un deal foiré que le service régional de la police judiciaire (SRPJ) de Ouagadougou doit gérer. Toé Djibril, Zongo Tanga et Sabdano Barboa, tous assistants de police au SRPJ qui se son présentés de nouveau devant le juge d’instruction le 23 août ont été écroués immédiatement après leurs auditions. Ils sont accusés d’avoir fait du chantage sur de présumés faussaires de billets de banque pour leur extorquer une vingtaine de millions. Leur commissaire, sans doute surpris par la décision du juge d’instruction, faisait les couloirs du palais de la justice dans la mi-journée du 23 août.

Le 29 mai dernier, les trois assistants de police sur ordre de leur commissaire, montent un scenario pour prendre des trafiquants de billets de banque dans le quartier Pissy. Ils avaient des informations précises sur les faussaires. On ne sait pas exactement à quel moment les policiers ont eu l’information. Ils déclarent avoir été informés par des indicateurs. Ils étaient vraiment bien renseignés. Au cours de la nuit, quand ils font la descente dans le domicile de Achille Sanou au secteur 17, un agent de l’ONEA, ils tombent sur le groupe de faussaires qu’ils recherchent avec leur butin. Achille Sanou lui-même, kéré Arouna, Zampaligré Alidou, Dabré Zakaria et Issa Bila sont pris dans la nasse.

Les policiers leur font savoir qu’ils sont dans une mauvaise posture mais que tout n’est pas gâté. Chacun a son prix à payer pour s’en sortir. Ils exigent que Arouna Kéré un agent de banque, leur verse 20 millions s’il ne veut pas aller au SRPJ à Wemtenga. Achille Sanou, un simple agent de l’ONEA, vu ses moyens limités, est rançonné de 500 000F. Ces deux personnes seront élargies avec la promesse de payer l’argent le lendemain. Les trois autres seront embarqués et envoyés au SRPJ. Ils y passeront plusieurs semaines avant d’être présentés à la presse le 20 juin.

Kéré Arouna a versé 17 000 000f

Le lendemain de l’opération de la police, c’est au scolasticat à Wemtenga que Arouna Kéré va croiser les policiers pour leur remettre l’argent. Il n’avait pas pu réunir les 20 0000 0000F. Mais pour montrer sa bonne foi, il n’est pas venu les mains vides. Il a dans ses poches la somme de 10 000 000f. L’argent a été versé devant témoin. Arouna Kéré s’est fait accompagner par son ami David Hébié. Le lendemain, il l’a encore accompagné pour verser de nouveau 7 millions aux policiers du SRPJ. Ce jour là, Arouna Kéré a pris l’engagement de payer le reste du montant dans un délai court. Mais l’affaire ne va pas s’arrêter là. Kéré n’en revient pas. Il est troublé par ce qui vient de lui arriver et s’est ruiné dans l’opération. Achille Sanou son ami, explique le problème à un de ses cousins. Un certain Boris Sanou, sergent de l’armée.

Lui aussi refuse d’admettre ce qui s’est passé .Une rencontre est organisée avec Kéré Arouna pour plus d’informations. Sanou Boris contacte son ami Badolo. Celui-ci connait Toé Djibril. Ils ont travaillé ensemble à l’office National d’Identification (ONI). Badolo Charles a des contacts au parquet. Il conseille alors à Kéré Arouna de porter plainte contre les policiers. Ce qu’il fait de bon cœur. Mais entre temps Boris et Badolo organisent une rencontre avec les policiers. Ce jour là, les policiers sont informés que le procureur est déjà saisi. C’est la panique dans les rangs. Ils connaissent Placide Nikiema mieux que quiconque. C’est un procureur considéré comme « dur » dans le milieu et intransigeant sur ce genres d’affaires. Ils sont conscients que sa rigueur pourrait leur être appliquée. Ils font des pieds et des mains pour circonscrire l’affaire. Les policiers donnent un rendez vous au militaire. Ils lui remettent la somme de 2 000 000f. Ce montant devait servir à calmer l’affaire avec le procureur. Le militaire empoigne l’argent. Mais, Badolo sait très bien que le procureur n’accepterait pas jouer le jeu.

Les sauveurs empochent 2 000 000f cfa

Le lendemain après avoir pris l’argent, le sergent appelle néanmoins Toé Djibril pour le rassurer. Ils n’ont rien à craindre. Ils peuvent considérer que l’affaire est close. Mais, il n’ira pas voir le procureur. Il décide lui aussi comme les policiers d’empocher les 2 000 000F.

Kéré ne saura pas que ses sauveurs sont de connivence avec ses bourreaux. Le parquet ayant déjà été saisi, une enquête est ouverte. Déjà au cours de l’enquête préliminaire, Sanou Boris ne tiendra pas le coup. Il craque et avoue avoir pris 2 000 000f avec les policiers pour taire l’affaire. Il est sommé de restituer cette somme. Au bout de quelques jours, il remet l’argent qui est mis sous scellé. Il avoue aussi que les policiers ont promis de le prendre en compte dans le partage des 3 000 000F que Kéré Arouna devrait verser. Mais, on le prévient, qu’il y a sept personnes dans le partage dès que Kéré va transférer l’argent comme promis. On lui fait savoir aussi qu’ils devront prendre en compte les indicateurs qui les ont aidés dans cette affaire. Une manière de lui dire qu’il ne doit pas s’attendre à grand-chose. Les policiers lui assurent aussi que son cousin Achille Sanou et Kéré Arouna n’ont pas à s’inquiéter. Leurs noms ne figureront pas dans la procédure. Kéré Arouna et Achille Sanou ont été épargnés. Le 20 juin dernier, la brigade anti-criminalité (BAC) et le service régional de la police judiciaire (SRPJ) présentent à la presse, une grosse prise.

Quatre gaillards ayant tous autour de la trentaine (Alidou Zampaligré, Zakaria Dabré, Issa Bila et Michel Ouédraogo). Ils sont accusés de trafic de billets de banque. La police a pris avec eux, de faux billets de banque en coupures de 2000 et 10 000 et des supports de coupures de faux billets en dollars et en CFA. Les supports de faux billets non encore contrefaits sont estimés à 236 000 000 et les billets contrefaits à plus de 8 millions. Voilà ce qui a été présenté à la presse. Kéré ne reconnait pas être impliqué dans l’affaire. Il déclare avoir accepté donner son argent pour ne pas perdre son emploi. Pourtant, il reconnait que son cousin lui avait proposé le deal des faux billets. Kéré assure avoir décliné l’offre sur le conseil de ses amis.

Un argument difficilement défendable. Mais il ne pourra pas conserver son emploi. Dès qu’il a déposé la plainte, les policiers passeront par tous les moyens pour informer son employeur. Le Directeur général de sa banque, ne perdra pas de temps. Il licencie Arouna kéré. Son ami Achille Sanou ne reconnait pas non plus faire partie des faussaires qui ont été pris chez lui et qui sont des cousins de Kéré Arouna. Achille avoue avoir donné 500 000f aux policiers pour sauver son honneur. Il voulait lui aussi éviter le violon du SRPJ.


Témoignage d’un ancien détenu

Au cours de notre enquête nous avons pu rencontrer un ancien détenu du SRPJ qui a partagé le violon avec les faussaires incarcérés à Wemtenga. Il a suivi l’évolution de l’affaire avec ses codétenus. « Quand ils sont arrivés, c’était très tard dans la nuit. Ils m’ont expliqué qu’ils étaient dans une affaire de faux billets qui n’a pas marché. Ils disent avoir été trahis. Mais ils n’étaient pas inquiets. Ils m’ont fait savoir qu’ils étaient 8 à être pris. Les 5 autres qui avaient de l’argent sur le champ ont été relâchés en cours de route. Un d’entre eux m’a dit qu’il les amenait chez lui pour chercher l’argent. Mais arrivés, dans sa zone, il faisait trop noir et les policiers ont eu peur. Ils ont décidé de faire demi-tour. Le lendemain, les policiers sont venus les chercher dans la cellule. Ils ont été interrogés.

A leur retour au violon, je leur ai demandé ce qui s’est passé. Ils m’ont dit que les policiers leur demandent de proposer un montant pour éviter la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). » Les policiers ne reconnaissent pas les faits. Mais ils n’arrivent pas à convaincre le juge. Le militaire a avoué avoir empoché 2 000 000f avec eux pour taire l’affaire et a restitué sa part du butin. Pour le moment, il reste en liberté.

Par Moussa Zongo

L’Evénement

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