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Lorsque l’honnêteté quitte Ouagadougou

Publié le mercredi 29 août 2012 à 22h05min

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Lorsque l’honnêteté quitte Ouagadougou

Deux semaines environs après la suspension pour raison de congés annuels, la rédaction de Bendré reprend, pour ses lecteurs, son itinéraire hebdomadaire. Comme à son habitude, le chrono de l’information a continué à tourner sous nos oreilles et yeux vacanciers mais studieux. Les latins ont trouvé les mots pour signifier une telle situation : " Coelum, non animum mutant qui trans mare currunt " (Courir au-delà des mers, c’est changer de climat, mais non changer de cœur).

Autrement dit, beaucoup d’eau a coulé à l’intérieur et à l’extérieur du Burkina Faso. Ainsi vont notre monde et notre vie. La période qui s’ouvre devant nous sera celle des turpitudes et des passions politiques, élections législatives et municipales obligent. La fin du recensement biométrique et la rentrée politique prochaine (en septembre) ajoutées à une précampagne électorale déguisée, sont les signes annonciateurs de la ferveur qui va s’emparer de notre pays d’ici quelques semaines. En attendant que le bateau des évènements nous y conduise, chacun peut continuer à gérer ses quotidiens et angoisses.

Parler de quotidiens et d’angoisses, les habitants de la capitale ouagalaise (et celle des autres contrées du pays), en ont à revendre. Tout le monde se cherche ou plus exactement la majorité ne sait visiblement où mettre sa tête, tellement les problèmes (nourriture, factures, loyer, emploi, logement, circulation,…) sont abyssaux en rapport avec les maigres solutions accessibles. Dans un tel contexte, la majorité s’accroche, chacun avec des fortunes diverses. Si certains ouagalais comprennent de plus en plus pourquoi Simon Compaoré disait que " ne vit pas à Ouaga qui veut " et se battent vaillamment pour " émerger " ou être de ceux qui " peuvent ", ce n’est jamais le cas d’autres habitants de cette ville.

La débrouillardise, les " affaires ", les " deals " ont transformé notre capitale en un hub de pratiques sordides, de trafics des plus inimaginables et de comportements des plus asociaux qui ont fini par installer un sentiment de méfiance, de rejet et d’incompréhension. Un signe extérieur de ce qui se passe sous les enclos de la ville, c’est ce défilé de délinquants que la gendarmerie et la police nous font apprécier presque toutes les semaines. Du jour au lendemain, tu apprends que ton voisin ou ton camarade de quartier avec qui tu partages des moments de loisirs le week end, est un voleur de motos, un trafiquant de documents administratifs, un commerçant d’huile frelatée,…

Tu te rends compte que ton voisin ou ton camarade dont tout le quartier (à commencer par ta femme et tes enfants) admire la réussite et loue la générosité, ou peut-être souvent à qui tu vas prêter de l’argent pour arrondir tes fins du mois, n’est pas " clean " dans son business. Le comble, on diffuse sa photo sur les chaines de télévisions ouagalaises et la publie dans les journaux. D’aucuns diront que de toutes les manières, l’argent n’a pas d’odeur et que ceux qui sont pris pour actes illégaux nourrissent correctement leurs familles, les soignent convenablement, paient leurs factures et leurs loyers et s’acquittent sans difficultés de toutes les charges liées à notre existence, mais la situation interpelle par rapport aux valeurs et à l’équilibre de notre société. Car au-delà de ces individus malfrats pris et présentés à la presse comme tels, gît un fond de pratiques peu glorieuses raccourcissant les voies vers le succès et l’acquisition des biens matériels et financiers nécessaires à un certain paradis terrestre.

Dans les faits, les faussaires et les trafiquants emprisonnés dans nos commissariats ou à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) sont une infime partie de personnes de toutes catégories et de tout âge qui sont convaincues et essaient de convaincre les autres que l’honnêteté est une porte ouverte à la pauvreté et à l’échec. Il ne serait pas faux de penser qu’une majorité de Ouagalais vous diront que la vertu dans notre société actuelle ne nourrit pas son homme. Dans une pareille logique, chacun peut deviner ce qui lui reste à faire pour sortir du bourbier social de pauvreté (dans tous ses sens) pour accéder aux avantages, aux richesses et mériter finalement sa place au sein du club de ceux qui " peuvent " vivre à Ouagadougou, la capitale. Etendue à une certaine échelle, cette logique est désastreuse pour notre société.

Il nous faudrait sortir de cette résultante de notre capitalisme politico-économique et social pour nous inscrire dans une dynamique de méritocratie et de compétition saine. Que ce ne soit plus seulement celui qui a des " longs bras " dans les milieux politiques ou économiques qui ait accès à tels avantages ; que ce ne soit plus le parent ou la famille ou encore celui que " j’aime " seulement qui aient facilement accès à tels ou tels services. Les enfants doivent savoir qu’il y a " du mérite sans élévation, mais il n’y a point d’élévation sans quelque mérite " comme l’a écrit François de La Rochefoucauld, écrivain, moraliste et mémorialiste français dans ses Réflexions ou Sentences et Maximes morales. Dans notre société, il y a de la place pour ceux qui méritent et qui se battent dans leur honnêteté pour apporter des réponses satisfaisantes à leurs préoccupations existentielles et participer au développement de leur pays.

Par Bendré

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Vos commentaires

  • Le 30 août 2012 à 01:57, par saka En réponse à : Lorsque l’honnêteté quitte Ouagadougou

    l’honnêteté rime avec la pauvreté. Voila pourquoi il a quitté Ouagadougou pour s’installer dans les villages

  • Le 30 août 2012 à 12:31, par l’alpha et l’oméga En réponse à : Lorsque l’honnêteté quitte Ouagadougou

    c’est bien beau tous ces écrits qui veulent nous ramener à ces vertus et à la morale mais le constat est que cela ne nourri pas son homme et aujourd’hui pour être honnête, il qu’une seule solution vivre seule et en autarcie. en effet ce sont vos proches, votre famille les amis , les collègues de service et même vos père et mère qui vous poussent parfois à empreinte ces raccourcis. de plus en plus les prêches dans les différentes religions ne font plus cas de biens mal acquis car les dignitaires sont de grands commerçants qui par leurs pratiques renchérissent la vie alors silence on d’enrichie tranquillement et on vient faire des dons de mosquée d’église de temples etc.Dans une situation pareille il faut être un ange pour ne pas succomber à la tentation. Bon courage

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