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Toyota en passe de mettre la main sur CFAO : Pinault se débarrasse de la vieille dame de l’Afrique francophone ! (2/4)

Publié le mercredi 22 août 2012 à 17h10min

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Le 19 mars 1999, PPR choisira de se diversifier dans le luxe en entrant dans le capital de la maison de haute couture italienne Gucci. Acquisition financée par la cession programmée du pôle de distribution professionnelle puis du pôle financier. Ne restait donc dans le portefeuille que la distribution grand public. En mai 2003, François Pinault passera la main à son fils, François-Henri, HEC, ayant mené toute sa carrière dans le groupe paternel. Le fiston, PDG de CFAO de 1993 à 1997, va laisser son poste à Alain Viry, IEP-Paris, licencié en droit, titulaire d’un DESS finances.

Viry avait démarré comme analyste (Banque de Suez) puis directeur financier (Havas), avant de s’essayer au commerce international au sein de la Compagnie Lebon puis de Rexel (ex-CDME, leader mondial de la distribution de matériel électrique, filiale du groupe PPR). Viry va relancer l’activité de CFAO qui, avec une marge opérationnelle sur chiffre d’affaires de près de 10 %, s’affirmera être la « pépite » du groupe PPR. « Le groupe CFAO a un potentiel de croissance organique important, un niveau de rentabilité et une capacité à générer du cash », soulignera Viry en 2004, affirmant que CFAO « s’inscrit très clairement dans la stratégie de PPR » alors que l’on évoquait, déjà, sa cession.

Il va promouvoir une gestion par métiers en lieu et place de celle, ancestrale, par pays ; c’est lui aussi qui va promouvoir le Maghreb (l’Algérie va devenir le premier marché en terme de chiffre d’affaires) et l’Egypte et s’efforcer de conquérir l’Afrique « hors zone historique CFAO » (au total, il va implanter CFAO dans 17 nouveaux pays d’Afrique) avant de s’intéresser à… l’Asie du Sud-Est. En 2009, Viry sera nommé président du conseil de surveillance de CFAO, dans le cadre de la mise en place d’une nouvelle structure de gouvernance.

Une nouvelle structure qui s’inscrivait dans la perspective d’une cession du contrôle de la CFAO via son introduction en Bourse. François-Henri Pinault ayant l’ambition de faire « évoluer [son groupe] vers un ensemble cohérent de marques mondiales et puissantes centré sur l’équipement de la personne », il était acquis que le secteur de la distribution allait être liquidé. A commencer par CFAO, seule entreprise du secteur se portant bien ! Des contacts auraient alors été initiés avec deux « africains » : Vincent Bolloré d’une part, Pierre Castel de l’autre. Mais, finalement, c’est par une introduction en Bourse que l’opération sera menée. « D’ici à la fin de l’année [2009] », précisait-on. Et dans la perspective de « céder le contrôle majoritaire de CFAO ».

Cette introduction en Bourse, allait redistribuer les cartes industrielles, commerciales et… diplomatiques en Afrique. Goldman Sachs, BNP Paribas, Société générale et Caylon seront chargés de cette introduction dans une conjoncture qui restait difficile et pour des montants non négligeables : CFAO était estimée entre 2 et 3 milliards d’euros et plus de 50 % de son capital devait être cédé, c’était dire le caractère exceptionnel de l’opération. Sans perdre de vue qu’elle était implantée dans 34 pays (dont 31 en Afrique), employait plus de 10.000 personnes dans 149 filiales et sur 287 sites, représentait des marques mondiales dans le secteur automobile et celui des produits pharmaceutiques. L’enjeu était donc considérable. CFAO, c’était alors 14,1 % du chiffre d’affaires de PPR et 15,6 % de son résultat opérationnel (277 millions d’euros en 2008). Cela avait été aussi la première grosse acquisition de François Pinault, le fondateur du groupe.

Dans la perspective de cette introduction, la structure de gouvernance de CFAO avait été modifiée, son PDG, Alain Viry, étant nommé à la présidence du conseil de surveillance, c’est Richard Bielle qui voyait tomber dans son escarcelle la présidence du directoire. Belle consécration pour celui qui avait rejoint le groupe PPR dix ans auparavant au poste de directeur du développement et membre du comité exécutif. ESCP-Paris, Bielle, qui n’avait alors que 46 ans, a débuté dans la banque (BRED, groupe Banques populaires) avant de rejoindre RVI comme financier export Afrique et Asie avant d’y être nommé contrôleur financier filiales et projets et de prendre en charge, en 1995, le département des affaires financières Europe. En 1997, il avait rejoint ING Barings en tant que senior manager, en charge de l’activité financements de projets auprès d’une clientèle de groupes industriels français. Au sein de CFAO, il aura occupé les postes, en 2002, de secrétaire général en charge des finances, puis, en 2005, de directeur général de CFAO Automotive. Il était également directeur général délégué.

Bielle, père de trois garçons, est originaire d’Orléans ; il appartient à une famille d’exploitants forestiers en… Afrique noire où il a passé une partie de son enfance, son père travaillant au sein du groupe SCOA. On peut penser, dès lors, que le fils saura retenir les leçons de l’histoire de « l’autre » groupe historique français de commerce international. La Société commerciale de l’Afrique de l’Ouest (SCOA), créée en 1907 (par deux cadres de la CFAO qui avaient fait « sécession »), était une société de négoce et de représentation commerciale et industrielle implantée essentiellement en Afrique noire francophone. En 1968, la banque d’affaires Paribas mettra la main dessus avec l’ambition d’en faire un groupe de commerce implanté mondialement. Jacques de Fouchier, inspecteur des finances qui venait d’en conquérir la présidence, va nommer, en 1969, Georges Nesterenko au poste de PDG de SCOA et lui confier la charge du redéploiement géographique du groupe (Asie et Europe de l’Est, y compris l’URSS) ainsi que la diversification de ses activités.

Mais dans une conjoncture aléatoire (avec deux chocs pétroliers au cours de la décennie 1970), alors que le monde des affaires ne cessait de se restructurer, les acquisitions à marche forcée de SCOA vont souvent s’avérer, à terme, hasardeuses. La compagnie ambitionnait d’être « la vitrine de la France dans le monde ». Triste vitrine. Le bilan sera dans le rouge en 1979 et, en 1980, Nesterenko, qui avait alors soixante-deux ans, démissionnera. Ses successeurs vont se multiplier à la tête du groupe (sept en dix ans !) et vont détricoter ce qu’il avait tricoté après que Paribas, qui avait voulu cette fuite en avant (des activités trop nombreuses dans un trop grand nombre de pays), ait tenté, à plusieurs reprises, de se séparer de cette encombrante (et coûteuse) SCOA. Les plans de restructuration vont se succéder. Sans succès.

La première guerre du Golfe puis la dévaluation du franc CFA, qui provoquera la démission du PDG, Jacques Marcelin (ancien directeur d’Auchan, il avait accepté la présidence de SCOA en avril 1990) « fatigué de jouer les équarrisseurs », vont lui porter un coup mortel. Dans les années 1990, SCOA, cotée en Bourse, avait intéressé GPG : Groupement privé de gestion.

Créé par le fondateur de l’Office général de l’Air, et dirigée alors par Serge Pouille, GPG comptait « nombre de militaires parmi ses collaborateurs » et disposait « de moyens financiers importants » ; il parviendra à passer le seuil des 5 % du capital de SCOA à la fin de l’année 1992 avant d’atteindre la barre des 10 % des droits de vote le 9 mars 1993. C’est ainsi que l’on verra débarquer au conseil d’administration de SCOA, le général d’armée aérienne, Jacques Mitterrand (qui est mort le 21 octobre 2009), frère cadet du chef de l’Etat, François Mitterrand, numéro deux du GPG après avoir présidé l’Aérospatiale (1975-1983).

Alors que SCOA allait sombrer, CFAO parvenait à recueillir quelques débris du groupe et non des moindres : l’activité automobile et l’activité pharmaceutique, devenus ses deux piliers. Ce qui oblige à relativiser les performances de la filiale de PPR. François Pinault a mis la main sur CFAO quand SCOA était dans le rouge et a pu acquérir, ainsi, à bon compte, ses activités dans le secteur de la distribution automobile en 1994 et de la distribution pharmaceutique (via Eurapharma) en 1996, après une prise de participation minoritaire, prélude à la fusion des deux groupes, effective à compter du 22 septembre1997.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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