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Editorial de Sidwaya : Une vitalité démocratique

Publié le lundi 23 juillet 2012 à 23h59min

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Ces derniers mois, l’espace public et médiatique burkinabè a été occupé par nos honorables députés. Après avoir provoqué la tempête médiatico-politique par les votes de lois historiques telle que l’augmentation du nombre de sièges de députés qui passe de 111 à 127, la création du sénat, la constitutionnalisation de la chefferie traditionnelle ou encore l’amnistie des anciens chefs Etat, les élus nationaux ont remis le couvert en publiant coup sur coup deux importants rapports les 11 et 12 juillet derniers. Le premier qui a porté sur les subventions publiques dans le secteur de la santé n’avait pas fini de faire jaser dans les journaux, les bureaux, les gargotes, et surtout dans les médias sociaux que le second, qui a porté sur les marchés publics a fait l’effet d’une bombe tellement il a dépeint les fautes administratives et de gestion, les conflits d’intérêt, et surtout la corruption rampante dans ce secteur.

Pour les uns, les parlementaires ont fait œuvre utile en assumant non seulement leurs responsabilités de contrôleurs de l’action gouvernementale mais aussi, en dénonçant preuve à l’appui, les dysfonctionnements et manquements des services publics. Ainsi, ils participent à l’instauration de la bonne gouvernance.
Pour les autres, notamment les plus critiques, en dénonçant la corruption ambiante dans les marchés publics, les détournements et autres entorses à l’orthodoxie financière et aux règles administratives, les parlementaires n’ont fait qu’enfoncer une porte entrouverte. Donc un coup d’épée dans l’eau.

D’aucuns mêmes les accusent de vouloir justifier la rallonge de leur mandat en publiant ces rapports. On oublie certainement que ces commissions d’enquêtes installées le 10 janvier 2012 par le président de l’Assemblée nationale, Roch Marc Christian Kaboré, ignoraient tout d’une quelconque prolongation du mandat des députés. Pour d’autres encore, après avoir passé « cinq ans à ne rien faire », nos députés se sont subitement découverts des rôles de justiciers du peuple en épinglant ceux qui mangent sur son dos, ceux qui boivent le sang des populations. Pour eux, c’est parce que les députés vont devoir affronter les populations à la faveur des élections du 2 décembre 2012 qu’ils se sont rappelés qu’ils étaient des élus du peuple.

Ces jugements, somme toute faciles, durs et aussi excessifs doivent être acceptés au nom de la démocratie et de la liberté d’expression. En tous les cas, même si les députés avaient mené leurs enquêtes en novembre et déposé leurs rapports le 1er décembre, à la veille du scrutin, on leur aurait tout de même fait gré d’avoir eu l’initiative mais aussi la compétence de mener une enquête de qualité dans des domaines aussi sensibles et d’intérêt certain et surtout d’avoir eu le courage de la rendre intégralement publique. Par le passé, des rapports et même des débats parlementaires qui intéressaient au plus haut point le public sont restés confidentiels ou à huis clos et n’ont jamais quitté le cadre de l’hémicycle. Qui se rappelle des défraiements servis aux députés pour les fêtes de fin d’année ?

Qui se rappelle des fameux rapports sur les eaux minérales et les huiles alimentaires qui ont été ensuite publiés après édulcoration ? En plus des enquêtes parlementaires, par le passé, des rapports d’enquête de structures publiques de contrôle sont restées confidentielles dans ce pays.

Aujourd’hui, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. La publication de ces deux rapports d’enquêtes parlementaires -qui ont été remis ipso facto et in extenso aux médias- sont la preuve de la vitalité de notre démocratie. La démocratie burkinabè avance et s’ancre davantage dans les différentes sphères de notre Etat et de la société tout entière au point que des rapports publics évoquent clairement des manquements opérés par certains « môgôs puissants » évoluant dans l’administration publique, l’économie et la finance et parmi les opérateurs économiques. Il y a quelques années, aucune ligne n’aurait été écrite et publiée sur les agissements de certains agents (publics ou privés) indélicats ou sur le Gouvernement quel que soit le degré de la forfaiture.

Il faut rendre hommage aux députés ; notamment à ceux du parti au pouvoir car, rien n’obligeait nos élus non seulement à commanditer, à exécuter et à publier une telle enquête. L’actuelle Assemblée nationale dominée qu’elle est par le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) qui contrôle également le pouvoir d’Etat peut-elle commanditée une enquête parlementaire sur des structures publiques sans s’auto-juger ? Avec les partis qui le soutiennent au sein du gouvernement, le CDP et ses alliés en acceptant de contrôler l’action gouvernementale savent qu’ils font leur auto-évaluation. En effet, la plupart des structures publiques qui ont été contrôlées sont dirigées ou ont été dirigées par des responsables, des militants ou des sympathisants du CDP ou simplement du régime en place pour être simple.

En acceptant d’évaluer les actions du gouvernement, le parlement dominé par le CDP savait que ce serait pour faire l’évaluation de sa gestion administrative, financière et même politique. Ce courage politique est à saluer ; car les parlementaires du CDP auraient pu voter contre la résolution instituant les deux commissions d’enquêtes parlementaires que rien ne se serait passé. Ils auraient ainsi protégé leurs membres qui sont la plupart des cas à la tête de ces structures publiques ou privées. Au lieu donc de condamner, il faut saluer les parlementaires surtout ceux de la majorité pour le sens élevé de l’Etat qu’ils ont eu en autorisant et en participant activement à ces commissions d’enquêtes. Si les parlementaires CDPistes avaient un seul instant pensé à leur parti d’abord, en se disant qu’en envoyant des parlementaires enquêtés, ils enquêtaient sur la gestion de leurs partisans et soutiens, ils auraient pu mettre leur veto.

A la veille des cruciales élections municipales et législatives, un tel acte se serait expliqué sans problème d’autant qu’aucun parti ou homme politique ne souhaiterait qu’on expose au grand jour les boulets à ses pieds surtout à la veille des échéances électorales d’envergure. Il faut donc saluer l’option prise par les parlementaires de rendre public ce rapport avec le contenu critique que tout le monde l’accorde. En dehors de son contenu, le simple fait d’avoir réalisé un travail de ce genre et surtout de le rendre public est une preuve manifeste de la vitalité démocratique de notre pays.

Avant même de recevoir officiellement les résultats des enquêtes parlementaires, le chef du gouvernement, dans une interview à Sidwaya a anticipé en assurant que ces rapports ne dormiront pas dans les tiroirs. Preuve une fois encore, que démocratiquement, et surtout sur le plan de la gouvernance, le Burkina Faso fait des pas.
« Nous analyserons les différents rapports (parlementaires) puis nous les transférerons à l’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat (ASCE) pour de plus amples vérifications. Ensuite on pourrait saisir la justice pour que les personnes qui se sont rendues coupables de corruption et de mauvaise gestion dans le cadre de ces projets soient jugés.

Il y a donc, un long travail à faire d’abord, pour situer clairement la culpabilité des auteurs présumés de mal gouvernance » a dit le Premier ministre. Venant de M. Luc Adolphe Tiao, nul doute que le Gouvernement jouera sa partition. Aux Burkinabè de percevoir et d’accompagner les petits mais importants pas de leur Nation démocratique,

Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA (rabankhi@yahoo.fr)

Sidwaya

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