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Béatrice Damiba, présidente du Conseil supérieur de la communication : « L’idée de la constitutionnalisation du CSC n’est pas notre invention, mais une revendication de longue date des acteurs des médias »

Publié le jeudi 19 juillet 2012 à 01h57min

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La constitutionnalisation du Conseil supérieur de la communication (CSC) est maintenant une réalité avec la nouvelle révision de la Constitution. Mais, quelle est la portée de cette prescription par notre loi fondamentale de l’existence de l’institution. Pour le CSC et les médias, qu’est-ce que ce nouveau statut va changer ? Et quid des autres textes toujours en cours d’adoption mais qui font déjà jaser ? Ce sont entre autres, les préoccupations que nous avons exprimées à la présidente du CSC. Comme à son habitude, Béatrice Damiba, puisque c’est d’elle qu’il est question, s’est montré claire et précise dans ses réponses.

Lefaso.net : Le Conseil supérieur de la communication vient d’être constitutionnalisé par la dernière révision de notre loi fondamentale. Quelle appréciation faites-vous de cette constitutionnalisation du CSC ?

Béatrice Damiba : Vraiment, je suis heureuse. Nous avons poussé un ouf de soulagement. C’est comme une nouvelle naissance pour le CSC, après une longue gestation. Puisque c’est l’aboutissement d’un long processus de plaidoyer. En un mot je dirai tout simplement que l’institution prend enfin racine au cœur de notre loi fondamentale. Ce n’est pas rien. Comme vous le savez, le CSI (ndlr : Conseil supérieur de l’information), c’est ainsi que s’appelait le CSC à l’époque, est né en 1995 par un décret (N°304 du 1er aout 1995). Ensuite, on était passé en 2000 à une loi organique (N° 20 du 28 juin 2000). Mais, les constitutionnalistes ont estimé qu’il fallait revenir à une loi ordinaire, parce que justement, le CSC n’était pas encore constitutionnalisé. Et c’est en 2005 que la loi 028 du 14 juin a été adoptée et nous fonctionnons sur la base de cette loi jusqu’à présent.

Qu’est-ce que cette constitutionnalisation va apporter concrètement à l’institution ?

Comme je l’ai dit, l’institution prend désormais racine au cœur de la Constitution. Cela lui confère plus de force, plus de légitimité, de stabilité, et plus d’indépendance. En outre, la Constitutionnalisation donne plus de visibilité au CSC, non seulement au plan national, mais aussi au plan international. Parce que tout le monde est curieux de savoir ce qui est dans une Constitution. Le nouveau statut du CSC lui permet surtout de ne pas être orphelin au sein du réseau africain auquel nous appartenons, à savoir le Réseau des instances africaines de régulation de la communication (RIARC) et également au sein de l’UEMOA où il a été recommandé d’harmoniser les statuts. Nous rejoignons maintenant le lot de tous les pays qui nous entourent et dont les institutions de régulation avaient été déjà constitutionnalisées. Nous répondons ainsi, aussi à un appel de la sous région.

Pour les médias, qu’est-ce qui va changer avec la Constitutionnalisation du CSC ?

Après la Constitutionnalisation, une loi organique va régir désormais l’institution. Cette loi organique, qui est déjà dans le circuit, prévoit un certain nombre de changements dont le nombre et le mode de désignation des conseillers notamment. En cela, peut-être, les médias joueront un rôle différent de celui qu’ils ont à l’heure actuelle au sein du Conseil. Puis on tiendra compte aussi des insuffisances de la présente loi et des autres textes en élaboration, pour assurer une meilleure harmonie entre les différents textes. Tout cela ne fera que conférer davantage d’autorité à l’institution pour la régulation et, certainement, le dialogue pourrait être différent avec les médias.
Parlant de la Constitutionnalisation du CSC, il y a l’un de vos prédécesseurs, en l’occurrence Adama Fofana, qui a exprimé, il y a quelques semaines, des réserves sur sa portée…

Chacun est libre d’avoir son point de vue sur la question. Mais, moi je sais que c’est une attente, une revendication de longue date de la plupart des acteurs du domaine de la communication. Cela n’a pas du tout été inventé ou forcé par le Conseil supérieur de la communication. Le CSC n’a fait que porter un projet qui était attendu et souhaité. Vous savez que la Constitution date de 1991 alors que le CSI (ancienne formule du CSC) a été créé en 1995 et mal accueilli par le secteur, du fait de son rattachement à la présidence du Faso à l’époque. Si le CSI existait avant l’adoption de la Constitution en 1991, il aurait été pris en compte. Pour ma part, ce n’est qu’un juste retour des choses, la correction d’une insuffisance historique. Je pense vraiment que c’est une bonne chose de l’avoir fait.

D’aucuns parlent de reculs, s’agissant de la loi sur la presse en cours d’adoption. Qu’est-ce qu’il en est exactement ?

Il ne s’agit pas d’une seule loi mais de trois projets de loi : un projet de loi sur la presse écrite, un projet de loi sur l’audiovisuel et un projet de loi sur la publicité. Il n’est pas possible que ce soit un recul, parce que c’était aussi une revendication de longue date des acteurs des médias qui souhaitaient que les codes de l’information et de la publicité soient révisés et qui souhaitaient également qu’il y ait une loi consacrée à l’audiovisuel. Le processus a été mené collectivement. Dans ce processus, le CSC a peut-être joué un rôle de facilitateur des négociations mais ce sont les acteurs des médias et les partenaires directs ou indirects du CSC qui ont ensemble discuté, porté les révisions et élaboré les nouvelles dispositions. Je retiens comme acquis principal si ces textes sont adoptés, la dépénalisation du délit de presse, à savoir la suppression des peines privatives de liberté pour ne plus retenir que les peines pécuniaires. Même s’il n’y avait pas que cela, ce serait une grande avancée.

Mais, il n’y a pas que cela. Il fallait quand même se mettre au diapason du contexte actuel, national et mondial, de l’évolution technologique en matière de communication. Votre portail, Lefaso.net, est par exemple un média en ligne. Au moment de la rédaction des textes, on n’avait pas pris en compte les médias électroniques qui n’existaient pas. Il fallait corriger les insuffisances observées. Un texte n’est jamais figé. Un texte, à tout moment, surtout la loi, peut être revisité pour l’améliorer et jamais pour régresser.

Mais, est-ce qu’il est prévu quelque part dans ces textes le retrait des matériels de journalistes ou de lourdes amendes à leur encontre comme certains le laissent croire ?

Ce ne sont là que des détails. Non, je ne pense pas qu’on ait parlé de retrait de matériel. Le texte n’est pas encore définitif, il se trouve au niveau du gouvernement pour amendements. Quand le gouvernement aura fini avec ses amendements, il transmettra le texte à l’Assemblée nationale qui va l’amender à son tour et l’adopter. Ce n’est donc pas encore un acquis. Je ne sais pas si le texte tel qu’il a quitté le CSC va être celui qui sera finalement adopté par l’Assemblée nationale. Ce ne sera probablement pas le même texte au finish.
Donc, il n’y a pas lieu pour le moment de s’inquiéter sur la question…
Non, je ne pense pas. Mais, il faut qu’on sache ce qu’on veut. On veut dépénaliser, mais dépénaliser ne veut pas dire qu’on place les hommes et les femmes de médias au-dessus de la loi. La loi est valable pour tout le monde. En lieu et place de l’emprisonnement, on retient quand même, tout le monde est d’accord là-dessus, des peines pécuniaires. C’est la moindre des choses parce qu’on ne peut pas ne rien prévoir non plus.

Quand est-ce que les textes en élaboration seront-ils disponibles ?

Cela ne dépend pas du CSC. Les textes ont quitté le CSC depuis bientôt un an. Nous espérons que l’Assemblée nationale puisse s’y pencher et les adopter avant la fin de l’année. C’est tout ce que je peux dire. Moi, je le souhaite, mais cela ne dépend pas de moi, une fois de plus.

Entretien réalisé par Grégoire B. BAZIE

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