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ACCÈS UNIVERSEL À LA SANTÉ SEXUELLE ET REPRODUCTIVE AU BURKINA : L’espoir se trouve dans les services à base communautaire

Publié le mardi 10 juillet 2012 à 00h28min

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La contractualisation des services de santé au Burkina a permis une grande implication des différents acteurs : l’Etat, la société civile, les communautés et les partenaires techniques et financiers. Dans le cas spécifique de la santé de la reproduction et de la planification familiale dont le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) est le partenaire, chef de file, une approche dite « Distribution des produits contraceptifs à base communautaire (DBC) » est en cours d’exécution. Sur le terrain, les résultats sont très encourageants ce qui entraîne de fait, un défi, celui de la pérennisation des actions et de leur extension. Constat.

Lamoussa Solange Sawadogo est plus connue sous le nom « loctoré », docteur en français, dans son village, Sablogo, situé à 28 km de la ville de Tenkodogo, à plus de 200 km à l’Est de Ouagadougou. Le centre de santé le plus proche, celui de Moaga, est à 8 km. Lamoussa Solange Sawadogo n’a pas fait des études en médecine. Cette jeune femme de 28 ans, mariée, mère de deux enfants, a mis fin à ses études en classe de troisième de l’enseignement secondaire. Elle est pourtant très estimée et écoutée, aussi bien par les hommes que par les femmes de Sablogo. C’est un agent de santé communautaire, communément appelé ASC.

Elle est également agent distributeur de produits contraceptifs : pilules et préservatifs, masculins et féminins. Cette activité combien utile pour l’épanouissement de la communauté, est tout comme un métier bénévole pour Solange. De concession en concession, elle prêche en faveur de la planification familiale et la santé de la reproduction depuis fin 2011. Au marigot, au puits, au champ, au marché, au lieu de culte, lors d’un baptême, tout événement au village constitue une opportunité pour elle de sensibiliser. Elle conseille aux femmes de fréquenter le Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) pour bénéficier d’un counseling en Planification familiale (PF). En effet, le premier contact des femmes avec la PF se fait au CSPS via l’ASC, dans le but d’évaluer les facteurs de risque et les contre-indications éventuels.

Solange dispose d’un cahier de référence et de contre-référence. Les femmes qui optent pour les pilules se réapprovisionnent chez elle sur présentation du carnet de la PF qu’elles ont reçu au CSPS. Et elles y retournent une fois par trimestre pour un contrôle. En six mois, elle a vendu 47 plaquettes de pilules (à 100 F CFA l’unité) et 91 paquets de préservatifs contenant chacun trois condoms à raison de 50 F CFA le paquet. Elle s’approvisionne au dépôt du CSPS qui, à son tour, se ravitaille au dépôt répartiteur du district sanitaire. Ses besoins de produits contraceptifs sont préalablement estimés, avant d’être intégrés dans ceux du CSPS.

« Ici, les femmes sont d’accord pour l’utilisation des méthodes contraceptives. Avec la sensibilisation, beaucoup d’entre elles utilisent les injectables ou le norplant ; d’autres s’intéressent de plus en plus aux pilules », se réjouit- elle.

Elle n’aura pas un petit frère de sitôt

L’œuvre de l’ASC se ressent dans le village de Sablogo. Au soir de ce jeudi 30 mai 2012, Jean Baptiste Sawadogo est assis au milieu de sa concession constituée de trois cases en toit de chaume où règne une atmosphère de jour ordinaire. Agriculteur, âgé de 36 ans, il salue l’action de l’ASC. A ses côtés, son épouse Mariam, 26 ans. Si celle-ci présente des signes de timidité, quand on aborde les questions de contraception, lui par contre, est fier de dire au visiteur qu’il achète souvent les pilules pour sa tendre épouse, qui allaite un enfant d’un an et demi. « Deux mois après la naissance de notre deuxième fille, je l’ai emmenée au dispensaire pour une méthode de contraception. On lui a fait une injection pour trois mois.

Nous sommes repartis pour le renouvellement et après les conseils de l’agent de santé, nous avons choisi les pilules. Nous avons pris une plaquette de 28 jours. Et depuis cette plaquette, on se ravitaille chez notre ASC. Je veille moi-même à ce qu’elle n’oublie pas de prendre quotidiennement ses produits. Je n’ai pas les moyens et je ne veux pas beaucoup d’enfants. Tant que la dernière ne pourra pas me dire de lui apporter un cadeau à mon retour du marché, elle n’aura pas un petit frère. J’ai deux filles et si j’obtiens un garçon, je vais peut-être arrêter », projette M. Sawadogo.

L’ASC fait un travail de titan. Elle est sur tous les fronts de la santé de la mère et de l’enfant. Elle ne laisse pas de côté les femmes enceintes qu’elle sensibilise à faire les consultations prénatales. Elle demande à leur mari de les accompagner au dispensaire pour des visites médicales. Dans ce village, une vingtaine de maris ont déjà accompagné au moins une fois leur épouse au CSPS de Moaga, un fait rare dans le passé.

Les trois lettres qui font bouger la PF : DBC

L’activité menée par Mme Sawadogo s’inscrit dans ce que l’on nomme « Services à base communautaire (SBC) » qui comprend la « Distribution des produits contraceptifs (DBC) » conduite sur le terrain par plusieurs Organisations à base communautaires d’exécution (OBC-E) telles que l’Association pour la rééducation fonctionnelle (ARF) de Tenkodogo. L’ARF s’occupe de quatre CSPS relevant du district sanitaire de Tenkodogo (Est du Burkina) qui couvre 33 villages. Elle travaille avec 10 animateurs/animatrices et 33 ASC.

Pour organiser son intervention, l’ARF dispose d’une carte sociale de chaque village. Celle-ci a été élaborée sous la supervision de l’infirmier chef de poste et la participation active de leaders communautaires. Il s’agit du chef du village, d’un représentant de l’organisation à base communautaire, d’un membre du comité villageois de développement, d’un conseiller municipal et d’un agent de santé communautaire. Les femmes sont également représentées. A l’aide de cailloux (rouge, blanc), de mottes de terre et de bouts de bois, les grands repères du village (lieux de culte, grandes artères, collines, fontaines, marché, centre de santé, école, etc.) sont matérialisés sur le sol. Le plan ainsi obtenu est reproduit sur du papier kraft.

On y ajoute toutes les concessions du village assorties chacune d’un numéro d’identification (une, deux ou trois cases représentent des concessions). Au verso de chaque numéro, est inscrit le nom du chef de ménage. Après cette étape, la carte est validée en présence de la population du village qui contribue à corriger les oublis et les imprécisions. Avec cet outil, l’animatrice aidée par l’ASC, collecte des données, de concession en concession et les compile dans des registres. In fine, la carte sociale permet de répertorier le nombre de femmes en âge de procréer, de femmes enceintes et allaitantes, d’enfants de 0 à 5 ans et les besoins spécifiques de chaque cible au sein d’une concession donnée.

Elle constitue un outil de planification, de mise en œuvre et de suivi-évaluation basé sur la structure sociale du village. Après l’identification des besoins, le CSPS, l’association et la communauté planifient les activités. L’animatrice fait la sensibilisation grand public, au moins une fois par mois regroupant les femmes, les hommes et les enfants (cibles et non cibles). Cette stratégie ne pouvant pas permettre à certaines femmes par exemple, d’exprimer leurs besoins spécifiques, l’animatrice privilègie les entretiens individualisés. L’intimité est respectée et la femme expose alors facilement, ses problèmes en matière de PF. De façon générale, l’animatrice donne des conseils et l’ASC veille à leur application au sein de la communauté. Les deux font un travail bénévole.

Toutefois, les jours d’animation sont pris en charge, à raison de 5000 F CFA pour l’animateur/l’animatrice (qui ne réside pas dans le village) et 2 500 F pour l’ASC. « Je fais ce boulot par amour. Mais, je souhaite qu’on puisse par exemple, nous aider en nous donnant un téléphone portable et un vélo, parce que les concessions sont éloignées les unes des autres », plaide Lamoussa Solange Sawadogo.
Dans le CSPS de Moaga qui couvre six villages avec une population de 7149 habitants, la DBC n’était pas gagnée d’avance. L’infirmier-chef de poste, Tindewendé Eloi Kaboré, avoue qu’il était sceptique au départ. Il pensait que l’approche allait échouer. Les raisons : la plupart des ASC sont analphabètes et les pilules ne sont pas du tout utilisées dans l’aire du CSPS.

A son grand étonnement, ces derniers ont réussi à faire « avaler la pilule » au village. « Dans certains villages, la DBC est un succès. Elle nous a permis de sensibiliser et rapprocher les pilules et les condoms des utilisatrices et utilisateurs. Le personnel de santé a été beaucoup déchargé. Pour l’utilisation des pilules, nous nous occupons du premier contact et des suivis, le réapprovisionnement se fait auprès de l’ASC », affirme l’infirmier.

Grâce à la DBC, le CSPS de Moaga est passé de 11% de taux d’utilisation des méthodes contraceptives en 2009 à 30% en 2011. Au premier semestre de cette année, le CSPS a enregistré 52 nouvelles utilisatrices et 45 à la même période de 2011. « Avant la DBC, les femmes ne respectaient pas les rendez-vous des consultations prénatales. Elles se présentaient à nous à deux mois de l’accouchement. Maintenant, tous les rendez-vous sont respectés et après accouchement, elles reviennent pour les consultations des nourrissons. Nous recevons entre 400 à 500 enfants par mois », a reconnu l’accoucheuse auxiliaire du CSPS de Moaga, Adissa Bancé. Et en deux mois, 53 conjoints ont accompagné leurs femmes en consultation. « Ils ne viennent pas rester sous les arbres, mais ils participent à la consultation et le diagnostic se fait devant eux », soutient le médecin-chef adjoint de district de Tenkodogo, le Dr Adama Diallo.

Les résultats au niveau du district sanitaire de Tenkodogo, peuplé de 202 000 habitants, sont très prometteurs, selon les statistiques sanitaires. Ainsi, le taux d’utilisation des méthodes contraceptives y est passé de 32,6% en 2010 à 36,36 en 2011.

La contractualisation, c’est bon pour la santé

La DBC doit sa réussite à la contractualisation des services de santé au Burkina Faso, une stratégie de faire-faire mise en route en 2008. L’Etat, à travers le ministère de la Santé, collabore avec un certain nombre d’acteurs afin qu’ils soutiennent les activités préventives, promotionnelles et curatives dans le domaine de la santé. Cette approche montre que la santé des populations n’est plus la seule affaire de l’Etat. Il y a une combinaison et une synergie entre les différents acteurs. « La contractualisation est un outil pour améliorer le système de santé en impliquant les communautés. Elle permet d’entretenir des relations durables avec les différents acteurs », a précisé la directrice de la santé de la mère et de l’enfant, Djénéba Sanou.

L’exécution de la DBC s’inscrit dans ce contexte de la collaboration entre l’Etat, la société civile et les communautés ; elle bénéficie de l’appui technique et financier de l’UNFPA. L’objectif de cette stratégie est de réduire les besoins non satisfaits, en rendant disponibles les méthodes contraceptives non prescriptibles auprès des populations situées à plus de 10 km d’un CSPS. La DBC se fait en milieu rural comme urbain en fonction des associations, de leur cible et de leur approche.

Ainsi, à Kantchari, ville frontalière du Niger, à environ 350 km à l’Est de la capitale Ouagadougou, l’association SOS Jeunesse et défis mène une expérience différente de celle de Tenkodogo. Par l’action d’une marraine et de 12 animatrices jouant le rôle d’ASC, la DBC est orientée vers les vendeuses ambulantes au niveau de la gare routière et du rond-point de la ville et des travailleuses du sexe, bien que la principale cible reste les femmes en âge de procréer.

A Ouagadougou également, plusieurs associations mettent en œuvre la DBC. L’Association l’école de citoyen (ASEC) sensibilise dans deux arrondissements : Boulmiougou et Bogodogo. Elle mène ses activités au profit des femmes sur les places de marché et dans les salons de coiffure. Elle intervient également auprès des élèves, des revendeuses ambulantes et des travailleuses du sexe. « En deux semaines d’activité, nous avons touché plus de 700 personnes », explique le chargé de programme de l’association, Hotowossi K. Modeste. A l’image des associations citées ci-dessus, elles sont au total, 166 Organisations à base communautaire d’exécution (OBC-E) réparties sur l’ensemble du territoire national, à avoir été retenues pour la DBC. Elles sont encadrées par dix-huit ONG de renforcement de capacité (ONG rencap). Ces dernières forment les membres des OBC-E, notamment les animateurs et les agents de santé communautaire.

Des chiffres révélateurs

En moins d’un an d’exécution de la DBC sur le terrain, les chiffres dont dispose la direction de la santé, de la mère et de l’enfant du ministère de la santé sont parlants.
Les activités de communication réalisées se chiffrent à 10 061 causeries, 74 404 entretiens individualisés, 6 791 visites à domicile, 885 théâtres-fora, 1 570 projections de films, etc.
336 615 condoms masculins, 2 711 condoms féminins, 338 colliers et 50 507 pilules ont été distribués. Les ASC ont référé 21 118 femmes pour la PF dans les formations sanitaires. Les efforts ont été réalisés à tous les niveaux. Ainsi, l’Etat contribue à l’achat des produits contraceptifs. Et une ligne budgétaire a été créée à cet effet. La contribution de l’Etat est passée de 20% en 2004 à 30% en 2010. « Nous continuons le plaidoyer pour que la contribution de l’Etat à l’achat des produits contraceptifs soit améliorée, afin qu’on tende vers les 70% en 2015. C’est l’engagement pris dans le cadre du plan de sécurisation des produits contraceptifs », déclare Dr Djeneba Sanou.

e Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) est partie prenante dans la contractualisation et occupe une place de choix dans la mise en œuvre des SBC. Cet organisme onusien a convaincu le gouvernement d’intégrer la PF dans les SBC et apporte un soutien financier et technique pour conduire les activités des SBC. Il joue un rôle-clé dans la sécurisation des produits contraceptifs. « Nous accompagnons le gouvernement dans ses efforts d’amélioration de la santé maternelle et l’accès universel aux services de santé de la reproduction. En moyenne, nous déboursons 5 millions de dollars par an pour faciliter l’accès aux services de la PF. Ainsi, le Burkina fait partie des principaux bénéficiaires du Programme mondial de sécurisation des produits de santé de la reproduction », a précisé le Dr Mamadou Kanté, représentant-résident de l’UNFPA au Burkina.

Tous les acteurs s’accordent sur les efforts réalisés, mais reconnaissent que beaucoup de défis restent à relever pour un succès efficace à la PF au Burkina Faso. Ces défis, sont entre autres, la mobilisation des ressources financières pour soutenir l’extension de la stratégie DBC, afin de couvrir tous les villages et secteurs du pays ; la motivation des acteurs de la mise en œuvre, notamment les animatrices et les ASC, la gestion des produits contraceptifs et leur disponibilité dans les villages.

Pour réussir le pari, il faut également renforcer la collaboration entre structures de santé et organisations à base communautaire. La direction de la santé de la mère et de l’enfant souhaite toujours bénéficier d’un appui accru de l’UNFPA et également, le ralliement d’autres partenaires techniques et financiers dans le cadre du Programme d’appui au développement sanitaire (PADS) mis en place par la contractualisation. L’implication de tous (communautés, individus, associations, Etat, partenaires techniques et financiers) est nécessaire.

Il le faut, car la PF a permis de réduire de 30%, la mortalité maternelle au Burkina qui, selon l’Enquête de santé et démographique (2010), est de 341 pour 100 mille naissances vivantes. La PF constitue donc une solution à ce que la femme donne la vie en restant en vie. La réussite de la DBC permettrait de réduire les naissances non désirées, les fausses couches et les décès infantiles. Chacun, à son niveau, peut faire quelque chose pour la PF au Burkina, il suffit de se décider.

Boureima SANGA (bsanga2003@yahoo.fr)


Le petit Emmanuel, sauvé de justesse

Fatimata Guiguemgdé et Baga Alassane Sawadogo forment un jeune couple. Ils habitent en milieu rural dans le village de Sablogo, situé à 28 km de Tenkodogo dans la région du Centre-Est du Burkina. Fatimata est titulaire du Certificat d’études primaires. Mais après ce diplôme, elle quitte l’école et retourne à la terre. Elle n’a pas eu la chance de continuer ses études. Le mari n’est pas du tout allé à l’école. Ils vivent ensemble depuis quatre ans. M. et Mme Sawadogo ont deux enfants : Emmanuel et Olivier. L’aîné a trois ans et le petit frère, un an et demi. Quand Fatimata portait la grossesse de ce dernier, le premier était loin d’avoir atteint son second anniversaire. Cette grossesse n’a pas été désirée.

Cependant, elle s’est installée et il fallait faire avec. Le bébé est arrivé dans un environnement d’insécurité, non seulement pour lui, mais également pour ses parents et surtout pour son grand-frère qui avait toujours besoin des soins maternels. Cependant, ni le nouveau venu ni son grand frère ne sont responsables de la situation que va traverser la famille. Les problèmes s’invitent. Emmanuel est sevré précocement. Malnutri, son organisme devient le terrain fertile de maladies : diarrhée, toux…Tout le temps, son père était obligé de l’emmener au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS). Les frais occasionnés par les soins lui troublaient le sommeil. Pas question de consulter les féticheurs jugés moins chers comme le conseillaient ses camarades par conviction religieuse. Son seul souci, sauver son enfant. « J’ai eu énormément peur. J’attendais impuissant le jour où le petit Emmanuel allait nous quitter. J’ai cru qu’il allait mourir.

Il n’était pas loin de la mort », se rappelle-t-il. Après avoir frôlé le drame et grâce à la sensibilisation des infirmiers et de l’agent communautaire de santé, « j’ai demandé à ma femme d’adopter une méthode de contraception. C’est une solution pour sauver l’amour dans le couple, sans pour autant compromettre le bien-être des enfants », nous a-t-il dit. Ainsi, Mme Sawadogo s’est rendue au CSPS et a adopté le norplant. D’un commun accord, ils avaient opté pour une période de cinq ans. Mais à présent, la femme souhaite renégocier la durée. Cinq ans lui paraissent un peu trop longs. Trois ans seraient plus raisonnables. Elle ne veut pas trop tarder avant de donner naissance à un autre bébé.

Le mari n’est pas de cet avis ; il souhaite qu’elle maintienne le contraceptif jusqu’à la fin de la période initiale convenue. Car, il ne veut plus vivre le même calvaire dû à des grossesses trop rapprochées. Comme le dit un proverbe africain, « on ne marche pas deux fois sur les testicules d’un aveugle ». « Nous allons discuter et je pense la convaincre pour les 5 ans ». Si dans d’autres foyers, c’est la femme qui lutte pour espacer les naissances, dans le couple Sawadogo, c’est l’homme qui cherche à les espacer le plus possible. « Je trouvais les cinq ans trop longs ; je ne lui ai pas dit que je voulais 3 ans ; comme il le sait maintenant, nous allons nous entendre », se résigne Mme Sawadogo.

B.S.


Un modèle de mari

Assis côte à côte sur un banc avec Alima, son épouse, au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Moaga, Harouna Sana a le visage décontracté. Ce quadragénaire a accompagné sa femme au dispensaire. Polygame, il habite Malinga Yarsé, village situé à plus d’un km du centre de santé. Alima est sa deuxième épouse. Il y a un an, elle a perdu un de ses enfants, des suites de maladie. Aujourd’hui, elle a un enfant de 4 ans et porte une grossesse de 6 mois. Le couple attend avec joie et impatience, ce bébé. Et pour cela, il faut suivre rigoureusement, les conseils des infirmiers et de l’agent de santé communautaire du village. « Je suis les consultations ; je ne reste pas sous les arbres, je suis témoin oculaire des prescriptions de l’accoucheuse auxiliaire ou de l’agent de santé. Parce que la grossesse se fait à deux et nous devons nous supporter », déclare Harouna Sana.

Accompagner sa femme au dispensaire est nécessaire pour cet homme. « Si la femme part seule, on peut lui révéler certaines maladies qu’elle peut te cacher pour une raison ou une autre. Aussi, on peut lui prescrire des produits qu’elle va refuser de prendre ou mal appliquer. Mais à deux à la consultation, tous ces problèmes peuvent être résolus », témoigne-t-il. M. Sana est venu avec Alima au CSPS, au moins 6 fois. Il le fait avec plaisir et le raconte sans gêne. Il accorde la même attention à sa première femme avec qui il est marié depuis 17 ans. Ce changement de comportement est un peu récent. Il ne date que de fin 2011 et cela, grâce à la sensibilisation des infirmiers et de l’agent de santé communautaire. Il soutient que toutes ses femmes utilisent des méthodes de contraception. « La PF est une bonne chose ; elle assure le bien-être de la famille et permet au couple d’être joyeux. On n’a pas besoin d’attendre qu’un enfant marche avant de "rentrer" avec sa femme.

On peut être tout le temps avec sa femme, sans qu’il y ait une grossesse non désirée. Il n’y a plus de mésententes liées au sexe dans le foyer », croit-il fermement. Alima affiche une gêne en parlant de sexe. Elle fixe à peine son vis-à-vis. Le mari de temps en temps, l’interpelle pour qu’elle confirme ou infirme certains de ses propos. Si tous deux reconnaissent l’importance de la planification familiale, il reste que des efforts doivent toujours être menés pour un changement de comportement, afin que la femme puisse exprimer haut et fort ses points de vue.

B.S.


« Nous n’allons plus enfanter, si ce n’est dans l’au-delà »

Naaba Sanemboulga, septuagénaire, est chef du village de Tinoghin situé à trois km du Centre de santé et de promotion sociale (CSPS), mais séparé par un bas-fond qui rend ce village inaccessible pendant la saison des pluies. Le chef du village n’a jamais pratiqué la planification familiale. « Je n’ai pas espacé mes naissances », dit-il. Il soutient qu’en principe et même au temps des ancêtres, entre un garçon et son petit frère ou sœur, il doit y avoir 3 ans d’écart et quatre ans, si c’est une fille. « Il y a beaucoup d’avantages dans la planification familiale. Je n’ai pas été à l’école, mais j’ai beaucoup voyagé. J’ai fait Accra au Ghana, Lagos au Nigeria, Cotonou au Bénin, etc. Je comprends plus que celui qui n’a jamais bougé du village ». Le Naaba (chef) sait que l’espacement permet à la femme de travailler, de se reposer et aux enfants de grandir, sans souffrir de maladies. Conscient de ces avantages, le Naaba Sanemboulga a affirmé qu’il est disposé en tant que leader religieux, à soutenir et promouvoir la PF dans son village. Il souhaite que les jeunes suivent
les conseils des infirmiers et
de l’agent de santé communautaire.

« C’est tard pour nous. Nous n’allons plus enfanter, si ce n’est dans l’au-delà », affirme-t-il. Il est satisfait du travail que mène l’ASC. « Je suis le travail de l’ASC. Elle est du village et c’est nous qui l’avons désignée. Elle fait bien son travail et on est satisfait d’elle. Je lui ai trouvé un espace d’animation », se réjouit l’homme, coiffé d’un bonnet multicolore.

B.S.


Elle prenait des pilules de la rue

Nadège Ouaba est animatrice à l’ARF, l’association pour la rééducation fonctionnelle. Elle a en charge trois villages situés dans le district sanitaire de Tenkodogo : Sablogo, Malinga et Ladwenga. Dans sa zone d’intervention, les femmes et les hommes ont compris les avantages de la planification familiale. « Les hommes et les femmes s’accordent à dire que tant que leur enfant n’a pas 4 ou 5 ans, ils ne feront pas un autre bébé », se satisfait-elle. Nadège organise des rencontres mensuelles de sensibilisation qui peuvent regrouper au minimum 45 personnes. Cependant, le début n’a pas été facile. Elle raconte qu’avant la distribution à base communautaire des produits contraceptifs, les femmes avaient vraiment des besoins non satisfaits.

Car des femmes s’approvisionnaient au « marché des pilules par terre », à l’image des médicaments de la rue. Elles le faisaient sans aucun avis médical. Une qui prenait tout le temps ces produits est tombée enceinte. Croyant qu’elle pourrait avorter, elle a continué la prise de ces pilules jusqu’à ce qu’elle tombe malade. Evacuée au dispensaire, elle a été suivie jusqu’à terme. Depuis, elle a opté pour les pilules « certifiées » et s’approvisionne désormais, chez l’agent de santé communautaire. La distribution à base communautaire permet également de lutter contre les médicaments de la rue : condoms et pilules.

B.S.

Sidwaya

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