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TIÈNA COULIBALY, MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET DU MALI : « Nous ne voulons pas la guerre mais nous la préparons »

Publié le lundi 9 juillet 2012 à 01h49min

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Présent à Abidjan dans le cadre de la table ronde des bailleurs de fonds sur le financement du Programme économique régional phase 2 de l’UEMOA tenue les 2 et 3 juillet 2012, le ministre malien de l’Economie, des finances et du budget, Tièna Coulibaly a accordé une interview à Sidwaya. Dans cet entretien, Tièna Coulibaly se prononce sur la crise qui secoue depuis plusieurs mois son pays, notamment dans sa partie Nord et les conséquences de cette crise sur l’économie malienne.

Sidwaya (S) : Que retenez-vous du séjour que vient d’effectuer la Banque mondiale dans votre pays ?

Tièna Coulibaly (TC) : Cette mission de la Banque mondiale est venue notamment s’imprégner de l’environnement économique et politique de notre pays et ce, suite à la crise que connaît notre pays depuis mars 2012. Les émissaires de la Banque mondiale ont donc rencontré au cours de leur séjour, le ministère des Finances, les différentes institutions de la république (l’Assemblée nationale, le Haut conseil des collectivités, la société civile…). Les échanges ont été très fructueux. En effet, au regard de ce qu’elle a pu constater sur le terrain, la mission est répartie sur un air de satisfécit. L’activité économique, en dépit de la situation actuelle, se déroule normalement. La preuve est que les ports d’Abidjan et de Dakar qui étaient très congestionnés de mars à la première décade du mois d’avril 2012 sont aujourd’hui décongestionnés. Les marchandises remontent sans grandes difficultés vers le Mali.

S : Plusieurs établissements bancaires, lors de la crise, ont été victimes des assauts répétés des différents groupes armés. A combien sont estimées ces pertes subies par ces banques ?

TC : Nous ne disposons pas pour l’instant de bilan chiffré. Les banques concernées sont toujours au stade de l’inventaire. Ce qui peut déjà donner une idée de l’ampleur des pertes occasionnées par ces différentes attaques. Une chose est sûre, la plupart des agences bancaires situées dans le Nord du pays (Gao, Tombouctou et Kidal) ont véritablement fait les frais des différentes bandes armées avec en toile de fond des coffres-forts éventrés.

S : Il se susurre que les impôts sont confrontés à des difficultés de recouvrement et que l’aide budgétaire aurait été suspendue du fait de la crise. Qu’en est-il exactement ?

TC : Les aides budgétaires attendues étaient de l’ordre de 522 milliards de F CFA. Malheureusement, elles ont toutes été suspendues. Par ailleurs, dans le budget de l’État, puisqu’il est adopté, il y a les recouvrements qui sont faits par les services nationaux. Ces recouvrements sont basés sur des prévisions des activités économiques. Après les événements (NDLR : le coup d’État), les activités économiques ayant été fortement ralenties, les services de recouvrement ont demandé que soient revus à la baisse les objectifs qui leur ont été assignés. Nous avons discuté et nous nous sommes entendus sur une réduction de 78 milliards de F CFA. 78 milliards de F CFA plus 522 milliards F CFA cela fait les 600 milliards de F CFA, c’est l’évaluation la plus pessimiste.

Si dans les faits au niveau des ressources nationales on recouvre un peu plus que ce qui est prévu, ce sera autant en moins sur les 600 milliards de F CFA et si certains partenaires reviennent avant la fin de l’année, ce sera autant en moins sur cette somme. Les 600 milliards de F CFA, c’est donc dans le pire des cas.

S : Il est également question de salaires qui auront des difficultés à être payés dans les mois à venir. Concrètement le Trésor de l’État a-t-il de quoi tenir, surtout que l’on sait qu’un budget doit être mobilisé pour l’armée ?

TC : Dans les faits, le budget de l’État prévoit un total de 1 350 milliards de CFA de recettes. Nous avons considéré que 600 milliards de F CFA sont perdus. Il reste 750 milliards. Une bonne partie de ce montant est affectée à l’armée, au ministère de la Sécurité, aux salaires des fonctionnaires, aux bourses. Il y a également les anti-rétroviraux, les césariennes, la lutte contre le paludisme et bien d’autres. Dans la foulée certains programmes d’investissements ont été reconduits à cent pour cent. Par exemple : les Américains étaient en train de refaire la piste de l’aéroport de Bamako. Ils se sont retirés, mais les travaux continuent. Nous ne pouvons pas laisser que ce qui a été entamé soit perdu. Le reste du budget a été affecté au fonctionnement des ministères. Mais je puis vous dire qu’il n’y a aucun péril sur les salaires.

S : Le Mali était très optimiste concernant le développement du secteur minier avant la crise. Aujourd’hui, certaines compagnies minières envisagent tout simplement de se retirer. Le confirmez-vous ?

TC : Tout le monde s’est posé la question après le 22 mars sur ce qui allait être la suite. Dans un premier temps, les Occidentaux ont eu pour reflexe de rapatrier leurs familles. Ensuite, je crois qu’ils ont estimé qu’il n’y avait pas véritablement péril en la demeure. Au jour d’aujourd’hui, toutes les mines fonctionnent normalement et elles paient leurs impôts.

S : Qu’est-ce qui est fait par le gouvernement malien pour apaiser les cœurs des populations du Nord du Mali ?

TC : Cela fait 19 jours que j’ai quitté le Mali (NDLR : l’entretien a eu lieu le 3 juillet), mais le principe du gouvernement malien est que nous ne voulons pas la guerre mais nous la préparons. Lorsque nous avons refait notre budget pour réajuster les dépenses, nous avons fait la part belle au département de la Défense et de la sécurité. J’ai appris par la presse que le Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, était à Alger, à Paris et à Ouagadougou. Il y a une réunion du conseil de cabinet aujourd’hui même. Peut-être qu’il fera le point de toutes ces démarches, du point de vue des négociations ; où est-ce qu’on va aller effectivement à la guerre ou pas. Nous souhaitons pour notre part que les choses puissent être réglées de manière pacifique, mais nous nous tenons prêts à l’éventualité de la guerre.

Entretien réalisé par Paténéma Oumar OUEDRAOGO

Sidwaya

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