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Autant le dire… : Quand j’ai séjourné à Bouaké…

Publié le lundi 2 juillet 2012 à 23h37min

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La ville de Bouaké a été ces dix dernières années la capitale des Forces nouvelles. Ou si vous voulez des rebelles qui ont pris les armes le 19 septembre 2002 pour renverser le régime du président Laurent Gbagbo. Ainsi, Bouaké est devenue célèbre. Mais, de célébrité, il n’en est pas du tout une. Car, Bouaké, pendant cette crise et après cette crise est devenue une ville fantôme. Une ville délabrée, oubliée, insalubre : en ruines. Où chacun fait ce qu’il veut. L’exemple de la circulation anarchique dans la ville en est la parfaite illustration.

En arrivant à Bouaké ce mercredi 27 juin peu avant 2 heures du matin, nous ne savions pas que la ville était si en ruines. Surtout que c’est la première fois que nous nous y rendions. La présence de deux postes de contrôles policier et militaire pratiquement à l’intérieur de la ville nous a paru un peu bizarre. Mais, nous nous rassurons tout de suite car Bouaké revient de loin.

De Belleville, un quartier de la banlieue Est, nous étions assez pressés le matin de découvrir la ville. Où Guillaume Soro avait assis ses bases. D’où Sidiki Konaté commentait sur les ondes de radios internationales les voltes-faces de Laurent Gbagbo. Où Shérif Ousmane et Wattao cordonnaient les actions militaires. Où les Sukkoï de Laurent Gbagbo avaient bombardé les bases militaires des rebelles, tuant des soldats français de la force Licorne.

Que ne fut notre déception de constater, en rentrant donc en ville que Bouaké était en ruines. Le constat est bien triste. Pratiquement tous les édifices publics, et même des habitations privées ont été pillés, décoiffés, portes et fenêtres emportées. Toutes les casernes (militaires, de gendarmerie, de sapeurs pompiers) sont des murs dans des cours vides de personnes mais touffues de hautes herbes. Qui attendent qu’on les reconstruise. Un adjoint au maire de Bouaké nous explique : « ça été comme cela. Rien n’a été épargné. Quelqu’un a dit qu’on a décoiffé Bouaké pour aller construire le Mali. Jusqu’à aujourd’hui, des habitations sont illégalement occupées par des dignitaires rebelles qui refusent de les libérer ». Puis il conclut dans un long silence : « on espère qu’ils comprendront finalement et libéreront ces maisons ».

Une dame, secrétaire dans un établissement privé qui a vécu la crise nous raconte que pendant la crise, « nous nous nourrissions de patate ». « Dieu est fort, n’eut été cette production inattendue de patate dans la ville, on se demande aujourd’hui de quoi nous nous serions nourris », se demande-t-elle, le regard dans le vide. « Il y a des enfants qui sont nés dans la crise et qui, aujourd’hui ne connaissent Bouaké que le visage que la crise lui a donné », regrette-t-elle. Mais, « on espère que tout va vite rentrer dans l’ordre pour que nous retrouvions la joie de vivre ». Le constat est donc là, aujourd’hui. Désagréable.

Il est certain que de nombreux Bouakois et Ivoiriens le regrettent. Il faut donc reconstruire après dix ans de crise, dix ans de temps perdu. Si les bâtiments et autres infrastructures routières peuvent être reconstruits, ce n’est malheureusement pas le cas des vies perdues, des familles disloquées…

En allant à Bouaké, juste après Ouangalo, l’état de la route montre à quel point la Côte d’Ivoire a été détruite par la guerre. Sérieusement dégradée, elle ne permet à aucun conducteur de rouler à plus de 40 kilomètres à l’heure. Multipliant par deux, voire trois le temps normal qu’il faut mettre pour rallier Bouaké. En même temps, elle est source de pannes répétitives des camions et autres véhicules qui l’empruntent. En allant à Bouaké, la physionomie des principales villes sur le chemin (Ouangolo, Ferkéssédougou, Niagaramandougou, Katiola) montre à quel point la Côte d’Ivoire a souffert de la crise politico-militaire qu’elle a traversée.

L’état d’esprit des forces de l’ordre sur le chemin est également révélateur du désastre que ce pays a connu. La présence des forces de l’ONUCI, visibles un peu partout dans la ville est le signe que la paix peut encore être menacée. C’est pourquoi, dit-on, on sait quand débute un conflit, mais il est très difficile de mesurer son impact et sa fin. Finalement, on se dit, ici au Faso on est bien.

Dabaoué Audrianne KANI

L’Express du Faso

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