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Editorial de Sidwaya : Paix et salut sur le Mali !

Publié le lundi 2 juillet 2012 à 00h49min

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Onze ans après la chute du régime des Mollahs en Afghanistan, le monde entier regarde, médusé, la résurgence de talibans « version Afrique » au Mali. Comme en Afghanistan, un pays quasi désertique, c’est dans le désert du Sahara en Afrique de l’Ouest que les « fous de Dieu » ont fait leur apparition. Depuis trois mois en effet, la partie septentrionale du Mali, une région vaste comme trois fois le Burkina Faso, abrite des islamistes dont les pratiques sont copie conforme à celles des talibans d’Asie.
Comme en Afganistan dans les années 1994-2000, où plusieurs mouvements islamistes combattaient pour le pouvoir suprême, deux mouvements mènent le combat au nord-Mali : Ansar Dine et le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO).

Comme leurs frères talibans ; le seul but des islamistes du Mali : instaurer la charia, la loi islamique. Le moyen : mener le djihad pour islamiser tout le Mali. Parler leur d’indépendance, ou d’autonomie pour le nord-Mali, ils n’en ont cure.

Mercredi et jeudi derniers, ces deux mouvements ont fait étalage de leur proximité avec les talibans en chassant leur allié du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) de ses bases de Gao et de Tombouctou. On se rappelle que le commandant Ahmad Shah Massoud, le "Lion du Panshir" avait été lui, tué par une caméra piégée par les talibans. Mercredi dernier, les islamistes du MUJAO ont failli rééditer cet exploit puisqu’ils ont tenté d’éliminer le leader indépendantiste du MNLA, Bilal Ag Chérif qui s’en est sorti avec des blessures plus ou moins graves.
Comme en 2000, lorsque les talibans d’Afghanistan ont ordonné l’arrachage des antennes paraboliques, interdit la télévision, les matchs de football et obligé les femmes à porter la burka, les islamistes maliens ont défendu aux jeunes maliens de Gao, Tombouctou, Kidal, Menaka, Gossi, et Anderamboukane de ne plus regarder la télévision, de ne jouer ni regarder les matchs de foot. « Perversion de l’esprit », selon eux. Aux femmes, obligation est faite de porter la burka. Aux présumés adultérins, 100 coups de fouets en public et mariage forcé devant l’imam.

Comme en mars 2001, lorsque les talibans ont fait exploser devant les écrans de télévision (sic) par des grenades les Boudhans de Bâmiyân, leurs alter ego d’Afrique subsaharienne ont commencé à saccager depuis ce jeudi 28 juin les lieux historiques de la ville des 333 saints : Tombouctou.
A l’aide de burins, de marteaux et de pioches, ils ont détruit les sanctuaires de Sidi Mahmoud, Sidi Moctar et Alpha Moya, trois des seize mausolées de Toubouctou et sa périphérie.

Depuis hier dimanche, ils sont passés à la vitesse supérieure. Avec des Caterpillars, ils rasent les différents sites, importants lieux de recueillement, situés dans la ville de Toubouctou ou dans des cimetières en périphérie de la cité avec des tombes portant des stèles et autres insignes funéraires. Selon un porte-parole, Sanda Ould Boumama, Ansar Dine va continuer la démolition de tous les sites similaires, « sans exception ». Ainsi donc, comme Bâmyân en 2001, les Maliens et tous ceux qui s’intéressent aux biens culturels, notamment l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) doivent s’attendre dans les heures et jours à venir à voir exploser les trois grandes mosquées historiques de Tombouctou ; notamment Djingareyber, Sankoré et Sidi Yahia. Un crime contre l’humanité ! Un crime de guerre !

Que faire face à cette situation ? Faut-il attendre qu’ils détruisent tous les biens culturels avant d’agir ? Faut-il attendre des attentats dans un pays africain ou occidental avant de se décider d’intervenir de quelque manière que ce soit pour arrêter le massacre ? Les attentats quotidiens de Boko Haram au Nigeria ne sont-ils pas suffisants pour trouver une solution au péril malien ?

Regroupée au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Afrique de l’Ouest peine à trouver une voie consensuelle de sortie de crise au Mali. Ecartelée entre partisans du dialogue pour raisonner, ceux qui sont encore raisonnables parmi les islamistes maliens, son action se fragilise par les partisans de la méthode forte, qui prônent la guerre –dont elle n’a pas les moyens de conduire- pour casser de l’islamiste. Cette dernière option d’ailleurs, ne rencontre pas trop l’assentiment des Etats-Unis dont le sous-secrétaire aux affaires africaines, Johnnie Carson a mis en garde contre une aventure militaire dans le septentrion malien.

D’ailleurs, le Conseil de sécurité a renvoyé la CEDEAO à la vieille école, en lui demandant de relire sa copie en prenant bien soin de préciser davantage la stratégie militaire et la durée de sa mission guerrière avant toute résolution onusienne. Cette option militaire se trouve davantage brouillée lorsque les autorités de transition maliennes tenues en laisse par les putschistes du 21 mars 2012, ne veulent pas voir de soldats ouest africains combattre à la place des guerriers descendants de Soundiata Keïta, Mansa Oulé, ou encore Kankan Moussa.

Incapables de réunir les moyens matériels, logistiques, financiers et de renseignements pour mener un blitz krieg dans le nord-malien, certains dirigeants ouest-africains jouent à l’autruche en ne donnant pas toutes les chances de succès à la médiation enclenchée à leur demande par le chef de l’Etat burkinabè Blaise Compaoré. En effet, depuis quelque temps, le plus important mouvement islamiste a accepté la médiation de la CEDEAO et a même dépêché à cet effet une importante délégation dans la capitale burkinabè. Pourquoi ne pas donner toute la chance à ces discussions, quoique difficiles, on le sait, pour arriver à une paix durable ?

Comme tout le monde le sait, toute guerre se termine toujours autour d’une table. Est-ce besoin de le rappeler bonnes gens ? Après douze ans de présence en Afghanistan, la plus importante force militaire jamais déployée par les Etats-Unis depuis la Seconde guerre mondiale s’est résolue à plier bagages sans véritablement terminer le « job ». Les Américains ont d’ailleurs amorcé, incité et instruit le gouvernement afghan d’entrer en négociation avec les différentes factions talibanes tapies dans les creux des montagnes pour instaurer le dialogue et parvenir à la paix. Pourquoi alors, les dirigeants de la CEDEAO feignent d’ignorer cette donne ?

Avec des troupes mal entraînées et mal équipées qui méconnaissent le terrain, avec une armée malienne complètement défaite par les islamistes et donc démoralisée, sur qui les partisans de la guerre comptent-ils pour mener cette offensive d’autant plus que les Occidentaux qui ont déployé un impressionnant arsenal pour chasser Mouammar Kadhafi du pouvoir semblent laisser l’Afrique de l’Ouest seule s’occuper des conséquences de leurs actions. Le problème de la "talibanisation" du Mali mérite certainement qu’on privilégie une autre approche que celle bien guerrière prônée par certains dirigeants ouest-africains. En tous les cas, tant que les islamistes d’Ansar Dine, le plus militarisé et le plus puissant mouvement islamiste, semblent prêts à discuter, mieux vaut donner sa chance au dialogue que de mener une guerre dont personne ne peut présager de la durée et de l’issue. Engluée dans le bourbier de la maladie, du chômage, et de la pauvreté, l’Afrique de l’Ouest, région la plus pauvre du monde n’a vraiment pas besoin de « s’afghaniser ».

Après tout, l’apartheid a été finalement vaincu par le dialogue, on peut donc utiliser cette arme à fond au lieu de mener nos soldats dans un gouffre pour se donner simplement bonne conscience ou pour contrer simplement l’hégémonie d’un homologue dont on craint l’ombre qu’il nous fait et les succès qu’il engrange dans ses actions de pacification de la sous-région. En attendant le retour de la raison, que Dieu sauve le Mali et l’Afrique de l’Ouest

Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA (rabankhi@yahoo.fr)

Sidwaya

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