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Humeur : Restaurants à Ouagadougou : Cruel quand même !

Publié le lundi 2 juillet 2012 à 00h48min

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"S’il vous plaît, on peut avoir de l’eau à boire ? ", Moussa. " C’est l’eau de 50 francs-là qui est-là… D’envoyer combien de sachets ? ", Tantie Moungn-Zindo* . " Y a pas d’eau simple ?", Moussa. " Non, l’eau est finie dans les carafes ", conclu Tantie Moungn-Zindo. En effet, nous sommes dans un restaurant à Ouagadougou. Restaurant ? Entendez par " restaurant " ici, les " gargotes ", les " boui-boui ", ces endroits de restauration accessibles au commun des Burkinabè. Je ne parle donc pas de ces lieux où l’on vous accueille, vous installe, vous accompagne d’un sourire et où sur les tables vous avez fourchettes et cuillères emballées dans une sorte de lotus. Pas ces lieux où l’on parle de " entrée ", " plat de résistance " et " sortie ".

Je parle des " restaurants un coup k.o ", entrée et sortie, tout ça ce sont de longs discours. Dans les lieux dont il est question, la bonne dame vous demande, pour avoir votre menu : " Eh, ça-là, tu veux quoi ? "Pour revenir au sujet, Moussa venait d’être servi par " Tantie Moungn-Zindo " mais il constatera par la suite qu’il va devoir s’égosiller pour réclamer de l’eau à boire. Il s’insurge du fait qu’on lui a servi à manger sans lui déposer la moindre goûte d’eau. Les autres clients à côté sont moins heurtés par l’humeur de ce client moins vulnérable à une telle dégradation des valeurs sociales. Pour eux, c’est normal, ils sont habitués à de tels traitements à chaque fois qu’ils doivent se restaurer.

Si vous insistez à demander l’eau qui devrait accompagner votre plat, c’est de l’eau tiède, pour ne pas dire de l’eau chaude qu’on vient balancer devant vous. C’est devenu une coutume maintenant dans les mœurs de nos restaurateurs. Parce qu’ils ont leur glacière pleine de sachets d’eau de 25 francs et / ou de 50 francs, on n’offre plus à personne de quoi à accompagner son plat. Tant pis pour le client s’il ne peut pas s’acheter un sachet d’eau ! Il peut retourner de là où il est venu pour aller boire. Pourtant, on a appris qu’une des valeurs partagées dans notre société est ce qu’on appelle communément l’" eau de l’étranger ". Même si nous ne sommes pas dans le même contexte, transposons tout de même. C’est dire qu’une personne que vous recevez, une connaissance ou un étranger, la première des dispositions à prendre, c’est de lui offrir de l’eau.
Dans ce contexte, peut-on imaginer que l’on dépose à manger à un individu sans lui déposer de l’eau à boire ?

L’eau porte en elle un symbole qui dépasse toute considération matérielle. A Ouagadougou, voir un restaurant où l’on vous dépose de l’eau à boire tend à être est geste rare. La bonne dame (ce peut-être aussi un homme) vous dépose la nourriture, à vous de vous débrouiller. D’après tout, ce n’est pas la personne du client qui importe, c’est plutôt son argent. Véritable marketing forcé, agressif. C’est à prendre ou à laisser. Quand on sait que sous nos cieux, certains complètent leur ration alimentaire par une grande quantité d’eau à se bourrer le ventre ! Comme on le dit bien, ce n’est pas en faisant ce minimum de geste de déposer un gobelet d’eau qu’on va se ruiner. Le ventre tenant le comportement des hommes dans leurs activités quotidiennes, il serait vraiment important que nos restaurateurs sachent qu’au-delà de ce qu’un restaurant est un lieu de commerce, il est un secteur pas comme les autres. Faisons en sorte qu’il y ait un minimum d’enthousiasme et d’égards.

C’est toute la société qui y gagne. Si nous devons considérer ces lieux comme le lieu de ceux dont les " mains n’arrivent pas sur leur dos " (ceux qui n’ont pas assez de moyens), il y a quand même raison déjà à ne pas en rajouter. On est " entre nous ", on doit se comprendre. Le bonheur de l’homme commence par là. Il faut qu’on soigne nos mépris autour de ces services existentiels. C’est aussi le lieu d’honorer les " sacrifices " et l’altruisme de ces restaurateurs, aussi infirme soit leur nombre, qui sont arrivés, jusque-là, à concilier recherche d’argent et valeurs humaines (qu’on a tendance aujourd’hui à croire d’inconciliables ". Ces " hommes de Dieu " qui, non seulement vendent accessible (quantité, qualité et prix), mais ont le noble réflexe à croire que l’eau dans ce domaine est une nécessité. Mieux, certains se déploient à déposer un bidon d’eau glacée pour 300 francs ou 250 francs de repas. Ceux-là qui ont placé au cœur de leur activité, l’être humain et qui ont compris que la dignité de l’homme se joue aussi autour du repas.

Kader PALENFO

*Riz sauce, en langue locale, pour désigner les gargotes.

Le Progrès

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