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Présidentielle américaine : Pour qui va voter Ben Laden ?

Publié le mardi 2 novembre 2004 à 07h12min

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Quatre ans après le désormais bazar électoral américain, lequel, avec un décompte manuel des voix en Floride (les puissantes machines s’étant grippées à l’époque !), avait attribué la victoire à Georges W. Bush, voici encore les habitants du Nouveau monde appelés aujourd’hui 02 novembre à choisir leur président.

Sur la ligne de départ, comme à l’accoutumée aux USA, deux candidats principaux représentant les deux principales forces politiques de la première puissance mondiale : un républicain (Georges Bush) et un démocrate (John Kerry).

Entre les deux, un écolo, Ralph Nader, un forceur, mais non moins faiseur de roi puisqu’il se serait désisté en novembre 2000, qu’Al Gore aurait été élu.

Le champion du camp républicain, Bush Junior, avait battu en 2000 dans un mouchoir de poche (580 voix de plus) son adversaire, Al Gore. On aura retenu surtout que Bush fils avait battu sa campagne sur l’affirmation de la puissance américaine, plus exactement sur sa force de frappe militaire. Il prenait un peu le contre-pied de son devancier immédiat, Bill Clinton, qui, lui, s’était focalisé sur l’économie, et avait levé un peu le pied sur le rayonnement extérieur des USA.

La campagne 2004 a vu exacerbée, cette célébration de gendarme du monde par Bush, avec la nouvelle donne qui s’appelle le "11 septembre 2001".

Le Before 9/11 avait vu un combat contre le terrorisme diffus, une nébuleuse qui frappait aveuglément, tandis que l’After 9/11 a vu, face au président Bush, une organisation apparemment structurée, Al-Quaida, avec à sa tête le légendaire filiforme et barbu, Oussama Ben Laden.

Mais surtout, la campagne de cette présidentielle américaine aura été bâtie sur le brûlot irakien dans le camp républicain. Si en mars 2003 Bush promettait une guerre rapide, avec à la clef la chute du dictateur Saddam Hussein, l’histoire retiendra qu’effectivement le maître de Bagdad est tombé, mais la pacification du pays demeure une arête en travers de la gorge de Bush.

Rien qu’à faire un dénombrement macabre des Boys morts après la chute de Saddam, on se rend compte qu’ils sont largement supérieurs à ceux tués lors des 3 semaines de combat. Des GI’s morts pour un gros mensonge puisqu’on s’est rendu compte que les prétextes avancés pour aller à l’assaut de Bagdad n’étaient que de la poudre aux yeux : les armes de destruction massive n’ont jamais été retrouvées et les liens supposés entre Saddam et Al-Qaida n’ont jamais été établis.

De ce triomphalisme cher payé, le chef de l’Exécutif sortant a fait son thème majeur de campagne, entonnant la même antienne selon laquelle "l’axe du Mal devra être réduit à néant, et il faut bien que les Américains lui octroient un nouveau bail pour achever ce job". A cela s’ajoute le conflit israélo-palestinien, géré souvent depuis la Maison-Blanche...

Si donc Bush a misé sur le cheval de la lutte contre le terrorisme, John Kerry, lui, surfe sur les thèmes du clonage, de l’avortement, et bien sûr de la guerre contre Al-Qaida.

Pour le candidat démocrate, "Bush s’est trop amusé avec Ben Laden", car il aurait dû l’anéantir lorsqu’il s’est réfugié dans les grottes de Tora-Bora, dans les montagnes frontalières entre l’Afganistan et le Pakistan. L’Afganistan qui, soit dit en passant, peut être un exemple de succès pour Bush dans la guerre contre l’axe du Mal, les Talibans ayant été chassés du pouvoir à Kaboul.

Le leader des démocrates joue sur la fibre patriotique américaine également, lui qui a fait ses preuves jadis au Vietnam en ferraillant dur sous le drapeau étoilé. Pour lui, Bush n’est pas digne d’être le chef suprême des armées, car non seulement il n’a pas fait son service militaire, mais il n’a pas pu vaincre le terrorisme qui menace l’Amérique. Seul hic, beaucoup trouvent que le sénateur du Massachusetts n’a pas de charisme et n’est qu’un ... loser.

C’est donc une campagne sur fond d’invectives qui s’est achevée, et où l’ombre de la nébuleuse Al-Qaida a plané puisque le cerveau de cette dernière s’y est invité vendredi dernier.

En effet, à 72 heures du vote, le patron de la multinationale du terrorisme a choisi de s’immiscer encore dans la vie politique américaine.

La chaîne arabe Al-Jazira a en effet diffusé une vidéo de l’ennemi numéro 1 des USA dans laquelle il a réaffirmé son aversion pour ce pays, et son message a été on ne peut plus limpide.

Que ce soit Bush ou Kerry que les Américains auront choisi, ce sera kif kif bouriko pour lui ; les USA restent une cible privilégiée pour Al Qaida et pour lui la sécurité des USA dépend plus des citoyens américains que de ces deux candidats, qu’il a renvoyés dos à dos. Car chacune des parties peut tirer la couverture de son côté.

Pour les républicains, c’est la preuve qu’il faut reconduire le va-t-en guerre de Bush à la Maison-Blanche tandis que, vu du camp des démocrates, cette vidéo est la preuve que le président sortant a distrait les gens en allant inutilement guerroyer en Irak au lieu de concentrer ses efforts dans la traque de Ben Laden. C’est peut-être au résultat final qu’on saura pour qui a voté le chef de "La Base". De nombreux analystes politiques conviennent pourtant que cette réapparition de Ben Laden n’aura pas un grand impact sur les résultats du vote.

En tout cas, jusqu’à la date d’hier, les sondages donnaient les deux candidats au coude-à-coude (48% d’intentions de vote chacun). Mais les expériences ont montré les limites des sondages, démentis souvent par la réalité. Et le "cas" américain s’accommode mal de ce baromètre préélectoral, ce pour diverses raisons.

D’abord le suffrage indirect comporte toujours une marge d’incertitude surtout que le système américain y a inclus le système des grands électeurs : en 2000, Al Gore avait gagné le vote populaire, mais avait perdu chez ces grands faiseurs de président (il faut 270/578 grands électeurs).

Ensuite, les Etats clés, notamment l’Ohio, la Floride et la Pennsylvanie, pèsent lourdement dans la balance électorale, sans oublier les minorités noires (13 millions, dont 80% votent démocrate) et les hispaniques (40 millions, avec des penchants démocrates aussi). Bush a donc vraisemblablement ceux-ci en sa défaveur, sans oublier des icônes telles Eminem (Star du Rap), dont le dernier CD est foncièrement anti-Bush, ou encore Michael Moore (avec son film Farenheit 9/11), qui professent mezza voce que les carottes sont cuites pour Bush.

Tandis que dans la victoire des Red Soccer en baseball à Boston (fief du démocrate Kerry), certains, à commencer par l’intéressé, voient un signe de sa victoire.

Qu’importe le résultat définitif, attendu pour demain mercredi, pourvu que le vaudeville électoral de 2000 (déjà 58 000 bulletins ont disparu en Floride, où Jeb, le frère de Bush, est gouverneur) ne se répète plus, sinon les USA auront donné la preuve qu’ils ne sont pas mieux en la matière que le Cameroun de Biya ou la Tunisie de Ben Ali.

Le reste n’a pas souvent d’importance, les Européens, les Africains et le reste du monde, étant donné que, démocrate ou républicain, sur les grands dossiers, la politique américaine reste mutatis mutandis semblable. Qu’il s’agisse du Proche-Orient, où Washington soutient Tel Aviv les yeux fermés, ou de l’Irak, où Kerry, s’il était élu, ne pourrait changer radicalement les choses.

Tout au plus peut-il espérer une large coalition et une plus grande implication de l’ONU dans la gestion de la patate chaude irakienne.

Mais moins d’arrogance et d’unilatéralisme comme nous en donne à voir les "néocons" américains depuis 4 ans ne serait déjà pas si mal.

Z. Dieudonné Zoungrana
L’Observateur

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