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COTE D’IVOIRE : Quand l’insécurité plombe la réconciliation

Publié le lundi 25 juin 2012 à 00h29min

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Les Casques bleus et les civils tués à la frontière ivoiro-libérienne ne sont pas tombés pour rien. Ces martyrs des Nations unies viennent d’être en partie vengés, et de la plus humaine des manières. En réaction à cet acte barbare ayant coûté la vie aux sept soldats nigériens officiant sous mandat onusien ainsi qu’à une dizaine de civils, la Justice libérienne a permis l’extradition de quarante et un miliciens pro-Gbagbo réfugiés au Liberia. Ceux-ci sont accusés d’avoir commis des crimes graves pendant la crise postélectorale ivoirienne. Des mandats d’arrêt ont aussi été émis contre dix autres suspects ivoiriens et libériens dont le tristement célèbre Blé Goudé. Le pouvoir de Monrovia se rattrape ainsi de sa trop grande sollicitude envers les fidèles combattants irréguliers de l’ex-régime ivoirien.

Une attitude équivoque qui était interprétée comme un jeu trouble dont les intentions restaient à préciser. Les autorités libériennes ont ainsi saisi l’opportunité qui leur a été offerte par l’attaque du 8 juin dernier, pour agir. Il était en tout cas grand temps que ce pays qui a accueilli un important nombre d’exilés de la crise postélectorale ivoirienne, coopère franchement et concrètement avec son voisin ivoirien pour sécuriser leur frontière commune et permettre au processus de réconciliation ivoirien de faire un bond en avant. Car, l’insécurité demeure le facteur qui plombe dangereusement la réconciliation en Côte d’Ivoire. Le gouvernement ivoirien se trouve face à un choix cornélien devant lequel il ne peut que faire des mécontents dans ses options. En effet, comment concilier réconciliation, qui suppose un minimum de méthodes douces, et prise de mesures sécuritaires, qui impose une certaine rigueur dans l’action ?

Et le comportement de certains éléments de la « galaxie patriotique », comme on appelle les partisans du Front patriotique ivoirien (FPI), ne laisse point le choix au régime de Alassane Ouattara. En même temps que ceux-ci demandent qu’on leur garantisse un minimum de sécurité pour qu’ils acceptent de revenir au pays et participent au processus de stabilisation, ils essaient de se servir de leur pays d’accueil comme base-arrière pour déstabiliser le nouveau pouvoir. Certes, il y a ceux d’entre eux qui ont peur de revenir au bercail parce qu’ils redoutent les arrestations systématiques et arbitaires. Il est donc impérieux que le pouvoir recadre son action pour éviter que le zèle ne grippe la machine des mesures visant à ratisser large pour ne laisser aucun crime postélectoral impuni. Sinon, l’on risque de verser dans une logique de vengeance ou de règlement de comptes qui desservira à coup sûr le noble objectif poursuivi par la recherche de la justice pour les victimes et leurs ayants droit. C’est en cela que le coup de gueule de Charles Konan Banny, président de la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR), est de bon ton.

La mise en garde de l’ex-Premier ministre était nécessaire pour éviter de se rendre complice des exactions dont sont victimes des militants du FPI qui, sans être blancs comme neige, méritent tout de même que l’on les traite avec les égards auxquels a droit tout être humain. Pour être justifiées, les interpellations doivent se faire dans le strict respect de la loi. Toutefois, le prêche de Banny risque d’être inopérant si, malgré le coup de gueule qu’il a adressé au gouvernement ivoirien, les nostalgiques de l’ex-président ivoirien n’arrêtent pas de fournir eux-mêmes les verges au pouvoir en place pour les fouetter. Ils doivent comprendre que rien ne leur sera offert sur un plateau d’or. Ce ne sera pas en restant à l’extérieur et en tentant vainement de déposer le régime ou de mettre des bâtons dans ses roues, qu’ils parviendront à prouver leur innocence. Ce n’est pas non plus de cette manière qu’ils prouveront la culpabilité des partisans du Rassemblement des républicains (RDR) dans les crimes qu’ils leur reprochent.

C’est plutôt en passant, eux aussi, par la voie légale qu’ils auront l’opportunité de se défendre et de confondre leurs accusateurs. En s’agitant de l’intérieur comme de l’extérieur au point de se créer une situation qui oblige à la répression, les mauvais perdants de la guerre ivoiro-ivoirienne légitiment, à leur détriment, la méthode forte employée par le régime pour éviter, légitimement, d’être déstabilisés ou de laisser se réunir les conditions d’instabilité dans la sous-région. D’abord, en désertant le pays, ils ont prouvé qu’ils avaient quelque chose à se reprocher, ce qui complique davantage la constitution de leur mémoire en défense.

Ensuite, en se rendant coupables d’actes subversifs, ils aggravent leur cas qui aurait pu bénéficier de circonstances atténuantes s’ils avaient accepté de faire amende honorable et de s’inscrire dans la dynamique des travaux de la CDVR. Quoi qu’il en soit, le linge sale ivoirien que d’aucuns ont étalé hors des frontières du pays, ne sera mieux lavé qu’une fois ramené en famille. D’où la nécessité pour les deux camps de dépasser leurs contradictions pour éviter que la réconciliation et partant la paix en phase de consolidation, n’en soit l’otage malheureux.

« Le Pays »

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