LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Berlin a reçu avec intérêt et considération le président du Faso, Blaise Compaoré (2/3)

Publié le mardi 26 juin 2012 à 09h10min

PARTAGER :                          

La visite de Blaise Compaoré à Berlin lui a permis de prendre contact avec Afrika-Verein, l’association patronale allemande* qui regroupe les entreprises qui investissent ou s’implantent ou souhaitent s’implanter en Afrique. Le président du Faso était d’ailleurs accompagné, pour l’occasion, par Patiendé Arthur Kafando, ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (qui, du même coup, a raté la présentation à Paris du prochain SIAO).

Dans le même temps, à Ouagadougou, le ministre de l’Economie et des Finances, Lucien Marie Noël Bembamba, et l’ambassadeur d’Allemagne, Christian Germann, ont signé, le jeudi 14 juin 2012, un accord de coopération financière d’un montant de 59,5 millions d’euros dont 13 millions au titre de l’appui budgétaire, 11 millions pour l’agriculture, 10 millions pour la décentralisation et le développement communal… A fin 2010, l’Allemagne avait consenti en faveur du Burkina Faso, depuis l’indépendance, 844 millions d’euros auxquels s’ajoutent 82 millions d’euros d’engagement pour lesquels Berlin s’est engagé fin 2011.

Le chef de l’Etat burkinabè s’est également entretenu avec Dirk Niebel, le ministre fédéral de la Coopération économique et du Développement (BMZ). L’entretien a porté essentiellement sur l’aide alimentaire de l’Allemagne au Burkina Faso où 60.000 réfugiés maliens ont été accueillis, ce qui pèse lourdement sur la situation que connaît le pays. L’Allemagne a, dans ce cadre, débloqué 5,1 millions d’euros en faveur du Burkina Faso et a mobilisé 50.000 tonnes de céréales au cours de la période avril-juin 2012. Selon Berlin, 20 % de la population burkinabè souffre de ce déficit alimentaire dont les premiers signes sont apparus en novembre 2011 alors que le BMZ venait de mettre en place son programme en dix points intitulé : « Développement rural et sécurité alimentaire ».

Selon Niebel, le BMZ va débloquer 700 millions d’euros chaque année, soit environ 11 % de son budget, pour le développement rural et l’alimentation dans le monde ; il s’agit de mieux coordonner l’aide d’urgence et les mesures de reconstruction mises en œuvre après les catastrophes grâce à des dispositifs de prévention à long terme ; il s’agit également de mettre fin à la corruption et d’endiguer les phénomènes d’accaparement des terres. Dans le même temps, le BMZ s’attelle à la mise en place d’un projet de recherche mondial visant à lutter contre la dégradation des sols ; le BMZ entend également dénoncer les subventions aux exportations agricoles de l’Union européenne et promouvoir la protection post-récolte et la promotion d’investissements responsables dans le secteur des matières premières agricoles afin qu’elles échappent à la spéculation organisée par les marchés financiers.

Niebel, qui s’est engagé dans la Bundeswehr en 1981, à l’âge de dix-huit ans (il est capitaine de réserve) avant de poursuivre des études supérieures à Hambourg et Mannheim, a milité au sein du FDP, le parti libéral-démocrate. Il a été élu député au Bundestag en 1998 et est entré au gouvernement, comme ministre fédéral de la Coopération économique et du Développement, le 28 octobre 2009. Le BMZ travaille en étroite coopération avec les ONG et s’intéresse non seulement aux aspects économiques du développement mais également à la démocratie, aux droits de l’homme, à l’égalité des sexes. Niebel est attendu en visite officielle au Burkina Faso dans le courant du mois d’août 2012.

Le président du Faso a eu une réunion de travail avec les responsables de la fondation Konrad-Adenauer-Stiftung (KAS). La délégation allemande était dirigée par le docteur Gerhard Wahlers, un philosophe et historien spécialiste des études sur l’Amérique latine qui a rejoint la fondation en 1990 pour y collaborer à la division de la coopération internationale avant de prendre en charge le bureau de représentation de la KAS à Jérusalem puis à Washington. En 2003, il a pris la tête du département Europe et Coopération internationale avant d’être nommé, en octobre 2007, secrétaire général adjoint. La fondation porte le nom de Konrad Adenauer, premier chancelier de la République fédérale allemande (RFA) à la suite de sa naissance en 1949 ; il a été fondateur et président de la CDU, le parti démocrate-chrétien.

Artisan de l’ancrage de l’Allemagne dans l’Europe de l’Ouest (réconciliation franco-allemande, membre fondateur de Communauté économique européenne) et dans la sphère « occidentale » (adhésion à l’OTAN) et de la reconquête de sa souveraineté (création de la Bundeswehr), sa fondation, créée en 1956 mais qui porte son nom depuis sa démission en 1963, met l’accent sur la question de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance dans la tradition de la démocratie chrétienne allemande.

Blaise Compaoré s’est également entretenu, à l’occasion d’un petit-déjeuner de travail, avec Hartwig Fischer, le président au Bundestag du groupe d’amitié interparlementaire pour les relations avec les Etats d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale francophones. Fischer, un commerçant de 64 ans, député au Bundestag depuis 2002 sous les couleurs de la coalition CDU-CSU (chrétiens démocrates et chrétiens sociaux), est un vieux routier de l’Afrique qui aime à séjourner sur le continent. Il était accompagné, lors de sa rencontre avec le président du Faso, par Johannes Selle, également député au Bundestag sous les couleurs CDU-CSU (de 1994 à 1998 puis depuis 2009), un mathématicien de 56 ans particulièrement actif au sein du mouvement évangélique ; il siège d’ailleurs au conseil d’administration d’Evangelischer Entwicklungsdienst (EED), association dont le siège est à Bonn et qui regroupe plusieurs églises évangéliques allemandes.

On ne s’étonnera pas de trouver ainsi les évangéliques en première ligne dans cette relation entre Berlin et l’Afrique. Les missions protestantes, suisses et allemandes, ont été le fer de lance de la pénétration européenne en Afrique subsaharienne avant que l’Eglise catholique ne prenne le relais dans cette alliance qui aura été celle du « sabre et du goupillon ». Et l’Allemagne a été, par excellence, la terre de la « Réforme ». Quand l’Allemagne a entrepris d’avoir une politique impériale en Afrique subsaharienne (Togo, Kamerun, Tanganyika, Ruanda-Urundi, Sud-Ouest Africain), ce sont des intérêts privés, ceux des grandes compagnies marchandes prussiennes, qui se sont ainsi engouffrés là où les missions protestantes avaient d’ores et déjà pris pied ; et bien avant que les missions catholiques ne se lancent à leur tour dans la conquête des « âmes africaines ».

Nul ne s’étonne d’ailleurs, en Allemagne, que l’actuel président de la République, Joachim Gauck, soit un ancien pasteur luthérien. Faut-il s’étonner, dès lors, que le président du Faso se soit rendu à Berlin à l’invitation du Parlement fédéral allemand, pour participer à la 17ème Conférence internationale de Berlin dont le thème a été : « Notre responsabilité devant Dieu et les hommes pour la promotion de la paix et la solidarité entre les peuples » ?

* Avec plus de 650 adhérents, de la PME à la multinationale, Afrika-Verein est, depuis 75 ans, une institution dont la présence en Afrique s’ancre dans un partenariat étroit avec les organisations patronales du continent. La présidence de l’association est assurée par Stefan Liebing, directeur international du secteur gazier d’Energie Baden-Württemberg AG (ENBW), troisième entreprise allemande du secteur énergétique avec 20.000 salariés et six millions de clients. Originaire de Stuttgart, formé à Mannheim, il a acquis son expérience internationale lorsqu’il a créé et dirigé un cabinet de consultants avant d’être candidat au Bundestag puis de rejoindre le groupe Shell à La Hague (Pays-Bas). Afrika-Verein est dirigé par Hans W. Meier-Ewert qui a une longue expérience de l’Afrique sur le terrain ayant fondé une joint-venture à Arusha (Tanzanie) avant d’occuper des responsabilités au sein de la DEG, l’équivalent de l’AFD française, qu’il a représenté en Afrique de l’Est et en Afrique du Sud.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique