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Demba Fofana, ancien dirigeant de clubs de football : « Nous ne sommes pas moins doués que les autres en football »

Publié le mercredi 13 juin 2012 à 02h07min

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Prenant prétexte des déclarations de l’entraîneur de l’EFO, suite au match nul de son équipe face à l’ASEC d’Abidjan, Demba Fofana nous appelle à avoir confiance en nous-mêmes, à nos capacités en matière de football. Et à soutenir l’action de la nouvelle équipe dirigeante de notre football national

Dans le « Sidwaya Sports n°983 du 27 mars 2012, l’entraîneur de l’EFO, Séraphin DARGANI, en se prononçant sur le match nul de 2 à 2 contre l’ASEC d’Abidjan en match aller des 1/16è de finales de la coupe CAF avait déclaré, je cite : « …il manque à l’EFO le métier…L’ASEC est une équipe compétitive …mais c’est ça la grandeur d’une équipe…mais c’est le football… on peut mieux réussir à Abidjan que sur notre terrain… je compte encore sur nos garçons et j’en profite pour les féliciter, car c’est la première fois qu’une équipe du Burkina tient tête à une équipe de l’ASEC… et je pense qu’on est toujours à 50 % de chance de se qualifier… ». Aucun problème avec l’essentiel des propos du coach parce que si nous devrions aller à Abidjan, battus d’avance, était-ce la peine de nous y rendre ?

Bien sur que non ! Même si se satisfaire d’un match nul à domicile est un aveu d’impuissance. En rappel, nous avons été battus par 2 à 0 au match retour, donc éliminés. J’étais au stade au match aller, qui fut très équilibré. Ce qui de la part de l’EFO, sans compétition depuis des mois, puisque le championnat n’avait pas démarré, fut remarquable, même si l’ASEC n’est plus celle des Akran, Adjoukoua, Ben Badi et autres. Par contre, ce que Dargani déclare après le match nul de 2 à 2 à Ouaga, à savoir que « c’est la première fois qu’un club burkinabé tient ainsi tête à une équipe de l’ASEC » n’est pas exact. En effet la même EFO devenue championne de la Haute-Volta, saison 64/65, (cf archives) avait représenté notre pays en Coupe d’Afrique des Clubs Champions (ancienne appellation) et avait battu l’équipe championne de la Côte d’Ivoire par 2 à 0 au match aller à Ouaga pour perdre au retour à Abidjan par 4 à 1.

Le Racing Club de Bobo (RCB), championne du Burkina, saison 96/97 avait aussi battu l’ASEC, championne de la Côte d’Ivoire en Coupe d’Afrique des Clubs Champions par 1 but à 0 au match aller à Bobo le 28/03/98, but de Ibrahim Coulibaly. Mais au retour nous avions perdu par 4 à 1 à Abidjan. Dans nos rangs, nous avions : Jules Kadéba, Boureima Zongo, Somé, Belem, Béda Béda (capitaine) et Mohamed Kaboré, notre gardien de but, que l’ASEC avait recruté après ces deux confrontations.

Il y a des circonstances atténuantes à l‘élimination précoce et nullement ridicule de l’EFO :
1) L’équipe cette année encore, a un effectif renouvelé
2) Il n’y a pas longtemps que Dargani en est l’entraîneur.
3) Le championnat national n’avait pas démarré…donc pas de matchs « dans les jambes ».

Face à cette formation moyenne de l’ASEC et au regard de ses occasions nettes de but, l’EFO aurait pu se qualifier en gagnant à Ouaga et en concédant un nul à Abidjan. Ce qui n’aurait rien d’anormal ni de surprenant (cf. déroulement matchs aller et retour).
Il faut se convaincre que nous ne sommes pas moins doués que les autres en football, mais plutôt, mal organisés, complaisants, irresponsables et inconstants. Cela est valable pour l’administration générale du football, pour l’encadrement technique, pour les joueurs et pour les supporters plus portés sur les voyages et les « perdiems » que sur leur rôle de 12è homme. Le programme du nouveau président de la Fédération burkinabé de football semble fort heureusement avoir pris en compte ces insuffisances. Pourvu que 75 à 80 % de ce programme soient appliqués parce que des bons programmes, il y en a toujours eus pour les résultats qu’on connaît.

Par conséquent, il est indispensable et urgent que tous les acteurs de notre football se ressaisissent et accompagnent le colonel Sita Sangaré et ses collaborateurs du nouveau comité directeur afin qu’ils puissent mieux faire que leurs prédécesseurs qui ont fait ce qu’ils ont pu. Pour cela il faut « aller à l’essentiel » en oubliant tout ce qui s’est passé autour des différentes élections, et des différentes compétitions (coupes d’Afrique…). Bien sûr, il faut aller au stade, payer le ticket d’entrée, aider les équipes et éviter les critiques prématurées, infondées, nuisibles, inutiles et stériles.

Quant à la presse sportive, maillon essentiel mais faible au Burkina, elle semble mieux s’investir depuis le début du championnat et mérite notre soutien et nos encouragements. Il y a 35 ans, pour pallier ce déficit, nous avions créé à Bobo un journal sportif dénommé « Le Stade ». C’était avec feu Moussa Koné alors Directeur régional de la BCEAO, Maître Tahirou Ouattara et moi-même Directeur de la CICA Bobo. Nous avions recruté deux journalistes : l’un Camerounais, feu Benoît Vouvlong, décédé accidentellement en 1998 à Ouaga et l’autre, Burkinabé, Berthé.

Pour être un bon dirigeant dans le sport, surtout amateur, il faut des moyens personnels, pas forcement considérables, des idées, de l’initiative et, un minimum de passion. Ce que n’ont malheureusement pas 70 à 80 % de nos dirigeants impliqués souvent pour d’autres raisons. Et si nous n’avions pas un Président comme Blaise Compaoré, sportif et passionné, nous aurions certainement un niveau et un classement plus bas que ce qu’ils sont aujourd’hui. Mais comme c’est un homme volontaire, constant, patient, indulgent, afro et burkinooptimiste il a toujours continué d’accompagner nos sportifs en dépit des résultats que chacun connaît.

Je me souviens avoir fait payer 25 paires de chaussures de foot par Blaise Compaoré sur son salaire de jeune officier pour le RCB à Bobo en 1978 ; idem en 1984 à Ouaga, toujours pour le RCB, mais avec des maillots en plus. Soit 25 paires et un jeu complet de maillots (j’ai conservé la note manuscrite signée de Blaise jusqu’à ce jour). Combien de salariés, même millionnaires consentiraient de nos jours un tel sacrifice sans aucun calcul ? Excepté bien sûr pour les coupes des ministres, maires, députés et autres personnalités, estimées, à environ 2 000 000 000 FCFA par an.

Enfin, il faut que nous nous organisions mieux au niveau de toutes les composantes des différentes disciplines sportives pour faire autant que les autres pays en volley, basket, hand, foot, etc. L’exemple du cyclisme est là et peut-être bientôt le basket dont le nouveau président Mr Baki est visionnaire, organisé et ambitieux… Car nous n’aurons jamais des milliards pour le sport, mais en utilisant efficacement l’existant, nous pouvons améliorer sensiblement nos performances. Au RCB, nous jouions 5 à 6 matchs amicaux internationaux par an et, à l’extérieur, sans moyens exceptionnels. Nous n’avions pas de millions, mais nous organisions tous les week-ends les compétitions des minimes, cadets et juniors à Bobo ; tous les clubs de la ville y prenaient part : ASFB , Bobo sport, JCB, USFRAN, RCB.

Notre football, malgré son inconstance ne devrait pas nourrir de complexe. En effet, qu’il s’agisse du Kadiogo FC, des Silures, de l’ASFB, de l’EFO, de l’ASFA-Y, du RCB,… chacun de ces clubs a déjà battu une des grandes équipes africaines : Ashanti Kotoko, ASEC et Africa sports d’Abdjan, Zamalek (Egypte), Kalum, Hafia et Horoya de Guinée Conakry, etc.

Vivement que nous nous ressaisissions pour enfin jouer les premiers rôles en équipe nationale et en clubs au niveau africain. Chose possible si tous les acteurs se comprennent et s’entendent sur l’essentiel.

Très sincèrement

Demba FOFANA

L’Express du Faso

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