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DISTRICT SANITAIRE DE KAYA : Croisade contre la malnutrition

Publié le mardi 12 juin 2012 à 03h08min

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La dernière campagne agricole a été mauvaise au Burkina, plongeant ainsi des régions du pays dans une situation de déficit céréalier. Dans un tel contexte, ce sont les groupes vulnérables  : femmes et enfants qui souffrent le plus. Heureusement, l’Etat et ses partenaires ont rendu la prise en charge médicale et de la malnutrition des enfants de 0 à 5 ans gratuite dans le district de Kaya. Constat, courant fin avril 2012, d’une révolution sanitaire dans ledit district, situé dans le Centre-Nord.

Imiougou, village situé à 44 km de la ville de Kaya abrite un des CSPS du district de Kaya. Jeudi 26 avril 2012, il est 8 heures, les femmes s’amènent en petits groupes ou individuellement, avec leurs enfants au dos. Ils ont entre 0 et 5 ans. Sous les neems, les agents de santé dont le responsable nutritionniste, Sonia Doh, les reçoivent. La bascule est accrochée à un arbre. Et l’outil de mesure de la taille allongé sur une table. A une vingtaine de mères, leurs enfants attendent impatiemment. A Imiougou, les pesées se font chaque jeudi.

Le petit Abdoulaye Kouanda, âgé d’un an et demi, vient de loin. Il habite Sadba, un village situé à 25 km du CSPS. Dès sa première visite le 18 avril dernier, il a été référé au Centre hospitalier régional de Kaya pour malnutrition aiguë sévère et anémie. Il y est resté pendant une semaine. Et l’urgence étant levée, il a été ramené au CSPS pour continuer la prise en charge en ambulatoire (non hospitalière). Sa mère a rallié les 44 km qui séparent le CHR de Imiougou à pied. Elle a été invitée à laver ses mains et celles de son enfant pour un test d’appétit avec l’Aliment thérapeutique prêt à l’emploi (ATPE) ou « plumpy nut » qui s’est révélé positif.

Chaque semaine, il sera ravitaillé en « plumpy nut » et cela pourrait durer au minimum deux mois. Comme lui, tous les enfants admis dans ce programme de prise en charge gratuite de la malnutrition bénéficient des sachets de l’ATPE. Le nombre de sachets, entre 10 et 30 par semaine, est octroyé en fonction de l’évolution du poids de l’enfant. Le cas de Abdoul Aziz Sayoré, âgé d’un an et 4 mois, est appréciable. Admis dans le programme le 27 mars passé, il avait un poids de 6,3kg. Il est passé à 7,3 kg, le 5 avril pour 20 sachets consommés et à 8, 5 kg le 26 avril, pour le même nombre de sachets.

Ce CSPS qui couvre 5 villages, avec une population estimée à
10 282 habitants, est bien fréquenté. Il reçoit des patients qui ne se trouvent pas dans son domaine de compétence comme ceux venant des villages de la province d’Oubritenga. Au premier trimestre de 2012, 23 enfants malnutris ont été suivis avec 1 à 3 référé(s) au Centre de récupération et d’éducation nutritionnelle (CREN) du CHR de Kaya.
Il est bon d’être un enfant de moins de 5 ans dans le district sanitaire de Kaya. Que ce soit dans les CSPS ruraux, urbains où, comme celui de Imiougou, la prise en charge de la malnutrition donne des résultats significatifs. Au CSPS du secteur 1 de Kaya, le travail se fait également au bonheur des tout-petits.

Selon Mme Adjaratou Kologo/Badini, sage-femme dans ledit CSPS, la sélection des enfants malnutris se fait tous les jours, lorsque ceux-ci sont amenés en pesée. « Cette année, la récolte n’étant pas bonne, nous enregistrons beaucoup de malnutris. Si les mères suivent bien nos conseils, avec le plumpy nut, la récupération est nette. Malheureusement, certaines mères distribuent aux autres enfants la ration prescrite uniquement pour leurs enfants malnutris. Pour ce 1er trimestre 2012, nous suivons 21 enfants malnutris », a ajouté Mme Kologo.

Le district de Kaya compte 53 Centres de santé et de promotion sociale (CSPS) dispersés dans la ville et villages environnants. Les enfants malnutris sont pris gratuitement, en charge. Il se réfère au CHR, l’hôpital de référence de la région du Centre-Nord. Il n’y a pas de centre médical avec antenne chirurgicale (CMA). Et tous les cas graves de malnutrition sont référés à cet hôpital. Outre la malnutrition, ils souffrent d’une pathologie et ne s’alimentent pas. A ce niveau, ?la prise en charge se fait en deux phases ? : médical (hospitalisation pédiatrique) et traitement diététique (la prise en charge nutritionnelle). Ceux-ci sont faits en même temps. De janvier à fin avril 2012, le CHR a reçu 137 référés et 600 enfants en 2011.

Selon le pédiatre, Dr Koumbo Konaté/Boly, le taux de guérison varie entre 80% et 90%. Cependant, le gros problème reste le taux d’abandon qui tourne autour de 8%.
Les raisons sont dues au fait que les femmes ne sont pas accompagnées dans le CHR. Les enfants sont pris en charge gratuitement, mais pas leur mère et comme elles n’ont pas assez d’argent, elles sont pressées de rentrer chez elles. « Le fort taux d’abandon est constaté pendant les saisons pluvieuses, où elles partent sans avis médical. Elles veulent aller s’occuper de leurs champs », a regretté le pédiatre.

La directrice du CHR, Mme Priscille Kaboré/Ouédraogo, déplore aussi cet état de fait.?« L’enfant, la femme et l’homme constituent le trio gagnant, si un maillon de la chaîne ne fonctionne pas, la chaîne est grippée. Le rôle de l’homme est important dans l’accompagnement des femmes et des enfants pour une meilleure prise en charge de leur santé. Souvent, les hommes démissionnent, laissant les femmes à elles-mêmes avec leurs enfants. Il y a des femmes qui sont au CHR depuis trois mois, leurs maris ne viennent pas leur rendre visite ? ; nous, nous prenons en charge les enfants mais pas leur mère et même que la prise en charge psychologique est importante" ?.
Les intrants (plumpy nut, lait thérapeutique, etc.) sont fournis par le Programme national de la nutrition via l’UNICEF. L’approvisionnement des CSPS est assuré par l’ONG Save the children qui, en cas de rupture, vient en aide également au district selon son coordonnateur nutritionnel du projet renforcement des capacités du district sanitaire de Kaya, Parfait Douamba.

Les ASC, des agents essentiels

Il s’agit d’évaluer la malnutrition avec des paramètres comme le poids, la taille et le tour du bras. Les informations reçues de cet exercice, permettent d’identifier les enfants malnutris et ceux qui sont bien nourris. Selon le pédiatre du Centre hospitalier régional de Kaya, Koumbo Konaté/Boly, le rapport poids/taille est l’une des mesures de la malnutrition effectuée au niveau des centres de formation. Si le pourcentage de ce rapport est en-dessous de 70%, on dit qu’il est malnutri aigu sévère, plus de 75%, il sera modéré ? ; s’il dépasse les 80%, il est bien nourri. L’autre méthode utilisée est le périmètre brachial, (une bandelette servant à mesurer le tour du bras), lorsqu’il est au-dessus de 12 cm ; l’enfant est bien nourri. S’il est à 11,5-12 cm, l’enfant rentre dans le tableau de la malnutrition aigüe modérée, inférieur à 11 cm, il est dans la malnutrition aiguë sévère.

C’est cette technique qui est utilisée par les Agents de santé communautaire (ASC). Et chaque village en dispose au minimum de deux. Ils sont au total, 648. Ils ont été formés par l’ONG « Save the children » au dépistage de la malnutrition. « Ce sont des acteurs essentiels ? », lance M Douamba. Les ASC font des visites à domicile. Pendant des jours de rassemblement (baptême, mariage, marché), ils dépistent et sensibilisent les populations à l’hygiène. Les dépistés positifs sont référés au CSPS pour confirmation. En plus de ces visites de routine, l’ONG « Save the children » organise dans l’année, trois des dépistages actifs de porte-à-porte pendant les périodes de pic (avril, août, novembre). Et pour ce travail, les ASC reçoivent des primes de motivation. «  ?Save the children ? » prend en charge gratuitement les enfants malnutris dans le district de Kaya, depuis 2009.

La gratuité étendue à tous les enfants de moins de 5 ans

Dans tout le district sanitaire de Kaya, la prise en charge des enfants de 0 à 5 ans est gratuite, qu’il soit malnutri ou non. Paludisme, toux, diarrhée, rougeole, pneumonie (…) tous les soins liés à ces maux sont gratuits. Les femmes enceintes malnutries bénéficient également de l’exemption des frais. Cette pratique se fait depuis mars 2011. En réalité, la gratuité n’existe pas, il y a quelqu’un qui paie ? : l’ONG Save the children. « Nous pratiquons l’exemption des frais de soins aux enfants de moins de 5 ans, aux femmes enceintes malnutries et femmes allaitantes. Tout enfant de moins de 5 ans malade, qu’il soit malnutri ou pas, bénéficie d’un traitement, d’une prise en charge médicale gratuite et c’est nous qui remboursons », précise le coordonnateur nutritionnel du projet de renforcement des capacités du district sanitaire de Kaya de l’ONG Save the Children, Parfait Douamba. Mais comment cette gratuité s’exprime-t-elle concrètement ? Au niveau de la formation sanitaire, l’ordonnance prescrite comporte trois souches. La mère s’en va au niveau du dépôt pharmaceutiques se faire servir.

Elle garde une souche et les autres restent au dépôt. Une souche sera utilisée pour compilation avec une demande de remboursement envoyée à l’ONG Save the children. « Nous recevons les demandes de remboursement ?par mois pour les CSPS solides financièrement et deux fois par mois pour les formations sanitaires moins fortes. Nous effectuons le remboursement par voie bancaire », a indiqué M. Douamba. Cette exemption qui est encore à ses débuts, améliore déjà les indicateurs de santé. Le premier progrès constaté est l’augmentation du taux de fréquentation des formations sanitaires. Le CSPS comme Imiougou est tout le temps, débordé, car les villages frontaliers ne relevant pas de son territoire de compétence le fréquentent, également à cause de la gratuité des soins des catégories sus-mentionnées. « La consultation des enfants de 0 à 5 ans est prescrite sur l’ordonnance de l’ONG Save the children, elle prend toutes les pathologies et les actes, sauf la circonscription en charge.

Depuis juin 2011, on peut atteindre par jour 25 à 50 consultations. Avant le projet, par jour , ça ne dépassait pas 10 en saison sèche et 20, en saison pluvieuse. Avec le projet, la charge du travail est multipliée par 5. On a trop à faire. Nous recevons des patients d’autres CSPS frontaliers. Nous demandons que Save the children soutienne aussi les agents de santé », a sollicité la responsable de la consultation curative du CSPS de Imiougou, Rachel Demé.

Avec ce programme de nutrition, les CSPS enregistrent moins de complications. Selon le médecin, chef du district (MCD) de Kaya, Dr Franceline Ouédraogo, « le taux de fréquentation des formations sanitaires est acceptable, il y a plus d’un contact par habitant et par an, grâce à la gratuité des soins dans notre district ». Le traitement de la malnutrition réduit l’incidence de la maladie, car un corps malnutri est un terrain favorable à toute sorte de pathologie. La bataille contre les maladies infantiles est sur une bonne voie et les partenaires comptent élargir la gratuité des soins des enfants de moins de 5 ans aux autres districts de la région du Centre-Nord (Barsalgo, Kongoussi, et Boulsa).

Boureima SANGA (bsanga2003@yahoo.fr)

Sidwaya

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