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La mauvaise image que donnent les médias de la Guinée équatoriale pèse sur ses ancrages diplomatiques (1/6)

Publié le vendredi 8 juin 2012 à 19h12min

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C’est l’histoire d’un gâchis. Un énorme gâchis. Quand la Guinée équatoriale a cessé d’être une « terre inconnue » sur l’atlas de l’Afrique indépendante (elle ne l’a été que le 12 octobre 1968), personne ne s’est soucié de ce pays soumis (par la grâce de l’Espagne de Francisco Franco, le « caudillo ») à la dictature de Macias Nguema.

Il n’y a guère eu plus d’intérêt quand Obiang Nguema Mbasogo, après douze années vécues dans la terreur, a pris le pouvoir. S’il n’y avait eu Ahmadou Ahidjo, qui alors présidait aux destinées du Cameroun, la Guinée équatoriale aurait vécu dans un isolement plus total encore que celui dans lequel l’avait plongée les « années Macias ». Ahidjo, qui n’était pas un modèle d’extraversion, a amené le nouveau chef d’Etat à s’ancrer durablement dans une sous-région - qui le traitait quelque peu par le mépris - en rejoignant la zone franc, l’UDEAC (devenue la CEMAC), la francophonie.

En 1995, le président Obiang Nguema Mbasogo, après de longues heures d’entretien en français, m’avait confié qu’avant d’accéder au pouvoir, il ne parlait pas un mot de français. « J’ai commencé à apprendre cette langue quand mon pays a rejoint la zone franc, m’avait-il précisé alors. C’est un effort que j’ai fourni pour être à même de communiquer avec mes collègues africains. Il était gênant pour moi d’être à côté d’un chef d’Etat africain et de devoir recourir à un interprète. C’est la raison pour laquelle j’ai appris le français ; mais ce n’est pas facile quand on a un certain âge et que l’on est en charge de responsabilités nationales ».

Il y a moins de deux décennies, en 1995, la Guinée équatoriale a découvert du pétrole et a démarré son exploitation. Le pays est sorti des ténèbres et les hommes d’affaires du monde entier ont considéré qu’il allait devenir un eldorado (un mot espagnol – ce n’est pas un hasard - qui désigne « un pays chimérique où on peut s’enrichir facilement et où la vie est très agréable »). Les communautés africaine et internationale n’ont pas eu, à cette occasion, beaucoup plus de considération pour les Equato-Guinéens (qui s’intéresse à ce pays, à ses peuples, à sa culture, à sa spécificité historique… ?) ; par contre, la préoccupation a été forte d’y « faire du fric » dans un contexte qui s’y prêtait d’autant mieux que dans ce pays en miettes (île de Bioko où se trouve la capitale + Rio Muni, la région continentale, entre Cameroun et Gabon + île d’Annobon + île de Corisco avec ses îlots + île d’Elobey Chico + île d’Elobey Grande) tout était à construire de A à Z.

Dépourvue d’élites en nombre suffisant, d’une main d’œuvre formée, d’une compétence technique, d’un savoir faire… la Guinée équatoriale est effectivement devenue un eldorado pour les compagnies étrangères et des élites locales et d’ailleurs qui entendaient avoir leur part du gâteau. Un eldorado d’autant plus séduisant que la production pétrolière a explosé – la Guinée équatoriale est devenue le troisième producteur d’Afrique subsaharienne – en un temps où les cours ont, eux aussi, explosé. On ne s’est guère soucié, alors, de savoir ce qu’était la Guinée équatoriale qui ne pouvait être qu’un tiroir-caisse. Money, money, money… ! Avec toutes les dérives qu’un enrichissement rapide et parfois mal maîtrisé peut entraîner. Plus encore quand une façon d’être ostensiblement ibérique (il n’y a pas de conquistadors sans « intermédiaires » locaux !) impose sa marque. Comment dit-on « nouveaux riches » en espagnol ?

Flamboyance et dépenses ostentatoires, comportements prédateurs, gestion patrimoniale, etc. Comme dit le dicton : « On ne prête qu’aux riches ». Bien des choses me déplaisent dans la façon d’être en Guinée équatoriale, mais je sais d’où vient ce pays et ce qu’il a dû subir pour rompre avec des décennies d’humiliation et de frustration après des siècles d’exploitation. Si sa diaspora est parfois sévère avec le régime en place, c’est qu’elle n’a pas été confrontée aux mêmes difficultés. Et n’a pas connu la même évolution. En Guinée équatoriale, il n’a pas été facile, avec trois bouts de ficelle, de faire tenir en place un pays soumis constamment à des contraintes internes et externes hors du commun. Pour y parvenir, Obiang Nguema Mbasogo a pensé, un temps, trouver considération et appui auprès de ses nouveaux partenaires : les chefs d’Etat de l’UDEAC puis de la CEMAC, les autorités de la zone franc, les pays de la francophonie. Avec plus de détermination que de savoir-faire, Malabo a joué le jeu qu’on lui imposait ; mais il me semble que les autres joueurs ont été enclins à tricher…

En mars 1995, j’ai fait la connaissance, à Bata ou à Malabo je ne sais plus, d’Agustin Nse Mfumu. Il était entré au gouvernement comme ministre délégué aux Affaires étrangères, chargé de la Francophonie, le 23 janvier 1992 ; Silvestre Siale Bileka était alors premier ministre, chef du gouvernement. C’était la première fois que la francophonie était prise en compte dans l’intitulé gouvernemental. Le 22 décembre 1993, Nse Mfumu grimpera dans la hiérarchie : ministre de la Culture, du Tourisme et de la Francophonie. Il m’a alors raconté son histoire qui est, aussi, une part d’histoire de la Guinée équatoriale. C’est au cœur du Rio Muni, dans le village d’Otong-Ntam (district d’Anisok au Nord-Ouest de la province de Wele-Nzaz) qu’il est né le 18 mai 1949. Il sera scolarisé à Santa Isabel (aujourd’hui Malabo), sur l’île de Bioko.

Après s’être essayé à des études agricoles, il sera inscrit à l’université du Caire pour y étudier les relations internationales, l’anglais et le français qu’il pratique aussi bien que l’espagnol. En 1970, de retour au pays (indépendant depuis moins de deux ans), il va rejoindre les Affaires étrangères : protocole et interprétariat. Quatre ans plus tard, il assumera la direction de ces deux services. Mais le régime dictatorial de Macias n’était pas enclin à faire confiance à ceux qui étaient considérés comme des intellectuels, plus encore quand ils avaient une expérience « internationale ».

Nse Mfumu va se retrouver dans l’œil du cyclone puis en prison ; il y passera le second semestre de l’année 1978. Libéré, envoyé en délégation au Cameroun avec le vice-président de la République, il va parvenir à s’échapper à Yaoundé et à trouver refuge auprès d’un fonctionnaire des Nations unies en poste dans la capitale camerounaise. Nous sommes le 20 février 1979. Six mois plus tard, le 3 août 1979, Macias est renversé par le Grupo de Zaragoza ; ce que l’on appellera « le coup de la liberté ». Obiang Nguema Mbasogo est porté au pouvoir et envoie une mission à Yaoundé chargée d’expliquer à Ahidjo ce qui s’est passé. La mission apporte aussi un billet de retour à Malabo pour Nse Mfumu. En septembre 1979, il réintègre le ministère des Affaires étrangères.

Le 22 janvier 1980, il devient directeur technique adjoint du protocole ; en 1981, il est promu ambassadeur, conseiller du président pour les affaires du protocole, poste qu’il occupera jusqu’en 1982, ce qui lui permettra de participer, à Genève, à la conférence des pays et organismes donateurs de la Guinée équatoriale organisée par le PNUD. Il est alors nommé ambassadeur, conseiller personnel du président pour les affaires du protocole, chargé des traductions. Un job qu’il va assurer pendant dix ans. Jusqu’à sa nomination au gouvernement le 22 janvier 1992. Au cours de ces dix années, il va travailler avec le groupe des experts équato-guinéens pour permettre au pays de rejoindre l’UDEAC.

Au gouvernement, de 1992 à 1996 (il va céder son portefeuille lors de la formation du gouvernement d’Angel Serafin Seriche Dugan, le 10 avril 1996, à Pedro Cristino Bueriberi, mais le tourisme n’était alors plus pris en compte), Nse Nfumu va être un ardent propagateur de la francophonie considérant que l’ancrage de la Guinée équatoriale dans la zone franc et l’UDEAC ne peut pas que l’affaire des économistes et des financiers ou des diplomates mais doit être celle de l’ensemble de la population, le chef de l’Etat ayant décidé de faire du français la deuxième officielle du pays.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 8 juin 2012 à 21:04, par tarte En réponse à : La mauvaise image que donnent les médias de la Guinée équatoriale pèse sur ses ancrages diplomatiques (1/6)

    Teodoro Obiang Nguema est arrivé au pouvoir en Guinée par coup d’Etat en 1982 et depuis se fait réélire à 99%. Il détourne l’intégralité des revenus de l’état pour s’acheter des maisons de luxes en Europe pendant que son peuple meure de faim. Les revenus du pétrole sont versés directement sur son compte
    Sa famille s’enrichie grace au trafic de drogue, il a une fortune estimée à 600 millions de dollars, il est accusé de blanchiment d’argent, est visé par une plainte à Paris (Biens mal acquis) etc. etc.

    Arretez de faire la promotion des dictateurs.

  • Le 9 juin 2012 à 13:50, par Alexio En réponse à : La mauvaise image que donnent les médias de la Guinée équatoriale pèse sur ses ancrages diplomatiques (1/6)

    Pourquoi l accuser sans deposer des preuves concretes emanant ses detournements et blanchissement-Quand la Guinee etait dans le calvaire,Les requins du capitalisme l avait ignorer.Apres la decouverte du petrole,ceux qui n ont pas eu leur part du gateau entament une campagne de destabilisation parce que lhomme a reussi a stabiliser ce pays de l or noire.Il est africain voila son peche sinon.Les europpeens ont ete des sangsues dans les finances internationales.Persone ne parle de Georges W.Busch,ses relations financieres avec la famille du leader Alquaeda.Intouchable ?L arabie Saoudite produit l or noire.Pour il ya des mendiants ?Qui a attaquer la famille royale pour monopoliser la richesse du pays pendant ce temps les pauvres n ont que des almisses.

  • Le 9 juin 2012 à 17:56, par foumoilapaix En réponse à : La mauvaise image que donnent les médias de la Guinée équatoriale pèse sur ses ancrages diplomatiques (1/6)

    Je ne connais pa la Guinée Bissau ,mais ce qui est déplorable c’est cette manière de traiter les étrangers africains en gènérale et surtout les burkinabè en particulier les tenants responsables de la mort du capitaine Thomas Sankara.Je profite de l’occasion pour demander une révision rapide de ce type de traitement afin de permettre aux noirs vivants chez des noirs d’aller et revenir sans avoir peur de la police. Au nom de l’intégration Africaine, je souhaite voir cela ces jours-ci, permettant aux africains d’aller et revenir sans peur. je vis en europe mais je suis plus à l’aise.

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