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Politique nationale : Vraie angoisse d’alternance et fausses guéguerres de succession

Publié le vendredi 8 juin 2012 à 02h11min

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Alors que le Faso avance lentement mais sûrement vers la fin du mandat constitutionnel du Blaiso national, l’échiquier politique ne sait pas à quelle formule se vouer pour sa recomposition. Les tentatives de déverrouillage du cadenas limitatif du mandat présidentiel étant coincées -du moins jusque-là-chacun ne chercherait-il pas finalement à se caser du bon côté en attendant la tempête de fin de règne ?
En tout cas, de ce que raconte Radio Koulouba, la FM la plus écoutée de Simonville, les vents qui soufflent actuellement sur le giga-parti au pouvoir n’augurent pas de lendemains qui chantent.

Du reste, depuis le dernier congrès de mars à l’issue duquel d’anciens barons -et pas des moindres- ont été priés d’aller faire valoir leurs compétences au poste de simples « conseillers politiques », ils sont plusieurs à se chercher une porte de sortie. Pour aller où ?
Telle est la grande question à laquelle personne n’ose encore répondre ouvertement. Pour le moment, les deux camps se livrent une rude guéguerre par scribouillards interposés. Chacun se garde prudemment de franchir le rubicond au risque de se faire taxer de trouble-fête. Seulement, dans ce pays de savane où il est difficile de se cacher, surtout en cette période de grande sécheresse, tout finit par se savoir. Tout le monde en parle, et on attend de voir comment les intéressés vont « prendre leur responsabilité ».

Du côté de l’opposition radicale et modérée -pour n’oublier personne-, on rit sous cape et on se dit certainement que la division et les délestages politiques n’arrivent pas qu’aux autres. Certains vont jusqu’à souhaiter secrètement que la maison CDP -entendez Congrès pour la démocratie et le progrès, le giga-parti au pouvoir- prenne feu et que ses barons et larrons poussent le bouchon de la discorde jusqu’à laver le linge sale sur la place du marché. Vont-ils en arriver là ? Il ne faut pas le souhaiter.

Car le vrai problème n’est pas de voir le CDP imploser, mais de voir comment l’Etat burkinabè pourrait perdre le nord si jamais le vrai problème de succession à la tête de ce parti ne se règle pas dans les règles de l’art. Après un quart de siècle de règne presque sans partage, le pouvoir a usé pas mal de ces personnalités qui sont en réalité rattrapées par leur incapacité, voire leur peur d’affronter la question fondamentale de l’alternance.

Lorsque le pauvre Salif Dial’Eau -tout-puissant à l’époque- avait osé échafauder un schéma de sortie pour le Blaiso national, ses camarades, notamment ceux du bureau exécutif national, avaient vite fait de le qualifier de « dissident ». Ils lui ont même fait subir le purgatoire d’une suspension de la plus haute instance du parti puis d’un exil à Vienne, en Autriche. Quelques années après ce micmac politicien de caïmans du même marigot qui se mordent la queue, l’équation revient sur le tapis. Quel avenir pour le CDP et pour son « candidat naturel » Blaise Compaoré ? Ce parti peut-il continuer à modifier la Constitution pour éviter de se poser cette question ?

Après plusieurs fuites en avant, le CDP n’a plus désormais le choix. L’horizon de 2015 n’est plus aussi loin qu’on peut l’imaginer. Plus les jours passent, moins les cadres du parti ont du temps pour continuer à tourner autour du pot. Il faut crever l’abcès. C’est le courage politique interne qui manque le plus. La vraie fausse guéguerre qui consiste à montrer qu’il y a une crise de leadership au sein du parti présidentiel n’est en fait que de la diversion bien montée mais mal ficelée.
Ce n’est pas en poussant le Roczilla et sa compagnie d’aigris ou de « frontistes » - c’est selon - à créer un autre parti politique qu’on va résoudre le problème ultime d’une alternative après Blaise Compaoré.

C’est connu, dans tous les pays où l’on a toujours reculé l’échéance de poser ce vrai débat, on a fini toujours par aboutir à un cul-de-sac. Tous ceux qui se targuent aujourd’hui de « contrôler » ou de maîtriser le CDP savent qu’ils le doivent au seul bon vouloir du Blaiso national. Et lorsque celui-ci ne sera plus là, que deviendront-ils ? Quelle légitimité auront-ils vis-à-vis de leurs camarades qu’ils auraient contribué d’une manière ou d’une autre à combattre, voire humilier ?

Les luttes de positionnement, pour les prochaines élections législatives et municipales couplées de décembre prochain, constituent un nouveau motif d’exacerbation des tensions au sein du CDP. Mais l’arbre des mandats des élus locaux ne doit pas cacher la forêt du mandat du grand sachem qui va en s’achevant. Les nouveaux barons et larrons qui réussiront à écraser les anciens pour se faire califes à leur place devront, tôt ou tard, affronter la question de l’alternance.

Car, à la vérité, c’est le débat sur la fin de règne - ou la succession - que l’on a soigneusement évité jusque-là qui angoisse plus d’un. Le CDP est à bout de piste. Son leader charismatique aussi. Il faut trouver de nouvelles pistes de réflexion ; que malgré les inévitables luttes intestines qui minent déjà le parti, l’Etat ne subisse pas ces genres de dégâts collatéraux qui continuent de plomber la marche de certains pays voisins qui croyaient trop naïvement à l’éternité du timonier national.

F. Quophy

Journal du Jeudi

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