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Afrique : Aider les présidents-baobabs à partir

Publié le jeudi 28 octobre 2004 à 07h00min

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Qui ou qu’est-ce qui prend les chefs d’Etat en otage ? Le pouvoir est-il enivrant au point que les dirigeants africains s’y accrochent à vie ?

Pourquoi les pays africains engagés, pour la majorité, dans le processus de démocratie gardent-ils, pour la plupart, leur statut de république bananière avec en prime, un président qui se comporte exactement comme nos rois d’antan ?

Ces questions restent d’actualité et ce serait difficile de les confiner dans des espaces géographiques donnés, tant le phénomène s’est répandu et, à l’image d’une pandémie, s’enracine dans l’Afrique entière. Ils sont rares, pour ne pas dire en voie de disparition, ces hommes d’Etat qui se retirent tranquillement, après avoir accompli le mandat qui leur est imparti.

Pire, il n’en existe pratiquement plus, ces chefs d’Etat qui résistent à la "pression des populations" qui "les supplient", par des marches et manifestations de toutes sortes, de rester au pouvoir. "Car sans vous comme président, rien ne peut aller dans ce pays", martèlent les courtisans et zélateurs, toutes catégories confondues. Comme si, en dehors des monarchies, il y a des gens qui naissent avec une couronne de président sur la tête.

C’est ainsi que tout un peuple se rend coupable, actif ou passif, du culte de la personnalité que développent et entretiennent nombre de dirigeants, au prix fort de la dictature et de l’arbitraire. Non seulement les populations n’arrivent pas à influer sur les décisions de leurs dirigeants parce que très éloignées de la chose politique, mais elles ne s’engagent pas, comme dans les pays occidentaux, sur la voie du vote-sanction.

Peu initié à la chose politique et pas du tout associé à la sphère décisionnelle, le citoyen lambda donne son blanc-seing souvent malgré lui, à des régimes ayant pour seule ambition le maintien au pouvoir et l’entretien du mieux-être d’aparatchiks dont la vie est étroitement liée au règne sans fin de "leur" président.

Dans cette situation où chacun ne défend que sa chapelle, l’Afrique garde une fois de plus jalousement le premier rang des nations engluées dans les ténèbres du sous-développement. Le système de gouvernance, faisant fi de toute option alternative, se sclérose et constitue un véritable boulet de plomb empêchant tout décollage économique. Aucune idée novatrice ne jaillit pour sortir les pays africains de cette léthargie profonde dans laquelle les plongent des dirigeants à vie.

Pourquoi, comme au Venezuela par exemple où Hugo Chavez a mis son pouvoir en jeu par le biais d’un référendum, les dirigeants africains ne soumettent-ils pas, à mi-parcours de leur mandat, leur exercice du pouvoir à la sanction du peuple, afin de le consolider ou de le rectifier selon les aspirations de celui-ci ? Ont-ils peur de la réalité que leur projetterait ce miroir qui ne ment presque jamais et qui leur renvoie ce reflet d’hommes fatigués par le pouvoir mais incapables de s’en défaire ?

Dans leur soif de s’agripper éternellement au pouvoir, nos dirigeants bénéficient du soutien inconditionnel d’hommes et de femmes, de vieux "sages", d’opérateurs économiques, de jeunes, de scolaires et d’étudiants, etc., qui se suicideraient si le chef d’Etat "providentiel" décidait de se retirer. Savent-ils seulement que blasé par les vertiges du trône ou victime du culte de la personnalité très poussé, leur "dieu" se mue inéluctablement en monstre incontrôlable dont ils seront les premières victimes ?

Il faut espérer qu’un jour, cette race de "faiseurs de président à vie" disparaisse pour le bonheur d’un continent qui se passerait bien de cet autre fléau qui s’abat sur lui. Et si on aidait plutôt les "présidents-baobabs" à s’en aller pour faire la place à une nouvelle équipe animée d’idées novatrices ? Ce serait faire preuve de bon sens et d’esprit patriotique, car cela insufflerait sans doute une nouvelle dynamique d’ensemble à tout un continent toujours en quête d’un développement qui le fuit depuis des siècles, du fait de tous ces comportements anti-démocratiques.

Inexorablement, le syndrome est en train de se répandre partout sur le continent où différentes couches socio-professionnelles se succèdent à la tribune pour supplier de nombreux présidents à être candidats à leur propre succession. A l’orée de rendez-vous électoraux, c’est l’occasion pour certains de se positionner en avant-gardistes, pour pouvoir jouir des fruits après "la victoire éclatante" de leur candidat.

A la décharge de tous ces "fans" de la présidence à vie, il y a un célèbre adage selon lequel on ne change pas une équipe qui gagne. Il faut donc se faire le devoir de juger les dirigeants en fonction du bilan de leur mandat et à l’aune de l’évolution du quotidien des citoyens sous leur règne. Or, ce que nous observons, ce sont plutôt les intérêts très personnels et égoïstes qui servent d’unités de mesure dans le jugement des régimes africains. Et à ce rythme, c’est l’alternance, baromètre d’une démocratie en marche, qui en pâtit.

Le Pays

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