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Editorial de Sidwaya : La biométrie, un combat national

Publié le lundi 4 juin 2012 à 03h08min

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L’enrôlement biométrique pour les élections municipales et législatives couplées de décembre 2012 est engagé au Burkina Faso depuis ce 1er juin 2012. Ouf de soulagement pour le gouvernement, la Commission électorale et la Majorité. Victoire pour l’opposition, la société civile et certains partenaires extérieurs. Car, il faut le reconnaître, la biométrie a été un combat porté par l’opposition, la société civile à laquelle le parti majoritaire s’est joint par réalisme politique. Et pour cause, au Burkina Faso comme dans la plupart des pays d’Afrique- les résultats électoraux depuis 1991 ont fait l’objet de contestations systématiques de la part de l’opposition, celle-ci pointant du doigt généralement des fichiers électoraux mal élaborés. Point de départ d’une élection équitable et transparente, le fichier électoral cristallise les passions.

Au Burkina Faso, le parti au pouvoir est souvent accusé de manipuler les listes électorales pour s’assurer une victoire avant même que le vote n’ait lieu. En décidant d’opérer un recensement biométrique des électeurs, le gouvernement burkinabè veut améliorer le taux de participation électorale et assurer des compétitions électorales équitables, débarrassées de toute contestation qui peut déboucher à la violence politique.

Ainsi donc, ce 1er juin, une autre étape a été franchie, une bataille de gagner dans l’enracinement de la démocratie au Burkina Faso. En fait, un fichier biométrique permettra d’ « égaliser le terrain du jeu démocratique » afin que tous les partis concourent en sachant dorénavant que la balle est bien ronde pour tous. Que le meilleur parti et le meilleur programme triomphent et que le Burkina Faso demeure une démocratie apaisée. Le fichier électoral en effet est la base, la garantie de l’égalité de chances pour tous pendant un scrutin. Dans notre cas, la confection d’un fichier biométrique supprimera un des points de la fraude électorale. Le fichier biométrique permettra notamment d’éviter les inscriptions multiples.

En effet, il est souvent évoqué les cas de cartes de famille collectées pour l’enrôlement de membres de famille sans distinction d’âge, certains parlent d’extraits de naissance réunis en vrac pour faire inscrire des mineurs ou même des morts. Avec la biométrie, l’électeur se présente en chair et en os devant l’agent recenseur. Cela évite qu’on recense des absents, des personnes décédées ou mineures sur les listes électorales. Avec la biométrie, on ne va pas non plus retirer des extraits d’acte de naissance dans les écoles pour des inscriptions fictives comme l’ont souvent dénoncé opposition et société civile réunies.

Il n’y aura pas non plus de vol ou de commercialisation de cartes d’électeurs puisque celles-ci sont maintenant délivrées sur place à l’inscription. Cela permettra d’ailleurs de mettre fin aux détournements de cartes d’électeurs que l’on a souvent enregistrés, surtout dans les campagnes. La biométrie sonnera également le glas des votes multiples qui consistent à faire voter un citoyen plus d’une fois, ce qui est contraire au principe « un électeur, une voix ». Naturellement, le convoyage d’« électeurs professionnels » dans le cadre des votes multiples s’en trouvera écarté.

La biométrie est en marche au Burkina. Vive la technologie pour des élections propres ! Mais pour que ce rêve devienne une réalité, le pays a dû casquer la bagatelle de 11,6 milliards de francs CFA ! Une somme importante en ces temps de crise alimentaire, de flux de réfugiés fuyant les barbus installés au nord du Mali. L’ardoise est certes, salée mais la dépense en vaut la peine. C’est un investissement pour la démocratie. Ce n’est pas de trop ! Un investissement pour la paix, la stabilité, le développement. "On ne fait pas d’élection avec des prières" indique un proverbe québécois.

C’est maintenant que tous ceux que la chose politique (opposition, majorité, société civile, médias) intéresse doivent se bouger pour faire enregistrer le maximum de Burkinabè. Cette période est davantage capitale pour l’opposition qui, au lieu de crier à la fraude à chaque fois, doit se défoncer pour faire enrôler ses partisans afin de se mesurer le 2 décembre prochain au Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti dominant de tous les temps au Burkina Faso depuis 1991. Tous, devraient éviter que la montagne n’accouche d’une souris après tant d’argent et d’énergie dépensés. C’est peut-être maintenant que certaines actions politiques qui consistent à mobiliser les chefs coutumiers, à distribuer des moulins aux femmes, des vivres ou de l’argent aux électeurs ou à organiser des tournois de football pour les jeunes, doivent se multiplier afin que les populations s’inscrivent biométriquement sur les listes électorales.

Pour que l’opération d’enregistrement biométrique réussisse, les partis doivent multiplier les actions de communication, d’information et de mobilisation sociale en vue de bons taux d’inscription, toute chose qui peut augurer une bonne participation aux élections couplées législatives et municipales du 2 décembre prochain.

La biométrie n’est peut-être pas une panacée à tous les problèmes électoraux, mais elle peut régler la question de la fiabilité du fichier électoral. Le fichier électoral biométrique permettra aussi de minimiser ces multiples contestations électorales. C’est déjà ça de gagner. Une victoire d’étape. Une victoire importante pour la démocratie, la stabilité. Les débats politiques pourraient désormais prendre de la hauteur. Des sujets tels que le respect des droits humains, l’éducation, l’emploi des jeunes, l’agriculture, etc. pourraient prendre corps dans les débats politiques. Pas que ces sujets n’étaient pas évoqués, mais ils l’étaient de façon timide, furtive, superficielle.

Ces sujets étaient quelque peu relégués au second plan, la question du fichier ayant pris le dessus. La biométrie vient revitaliser la démocratie burkinabè. Elle n’est pas pour autant un remède miracle si tant est que l’enrôlement n’enregistre pas un réel engagement et engouement. L’essentiel, ce n’est pas l’investissement réalisé. Le plus important, c’est l’adhésion des populations. L’adulte, dit Pierres Desproges, ne croit pas au père Noël. Il vote. A lui de choisir les hommes auxquels il confie son destin ou alors le destin de sa commune ou de son pays.

Or, pour le cas présent, nul ne peut voter que s’il n’est préalablement enrôlé. Se mobiliser pour les inscriptions est d’autant patriotique, que chacun de nous sait, la consolidation démocratique est un processus autrement plus long et complexe que la phase de la transition démocratique qui aboutit à la mise en place des nouvelles institutions démocratiques.

Donc, Burkinabè, électeurs de tout le pays, mobilisez-vous ! La campagne pour l’enrôlement biométrique est ouverte. En politique, tout est permis, sauf de se laisser surprendre. Jusque-là, les inscrits sur le fichier étaient estimés à 4 millions. L’enrôlement biométrique doit enregistrer un meilleur score. Sept à huit millions de personnes enrôlées seraient un score honorable, et représentatif des ambitions du pays en matière de démocratie. La biométrie viendrait ainsi redonner un coup de fouet et faire la preuve d’une nette adhésion des Burkinabè à leur système politique. Elle signe l’ancrage de la transparence et apportera là, une réconciliation des populations avec la chose politique et électorale. Le combat pour l’enrôlement biométrique n’est pas partisan. Il est juste national

Par Rabankhi Abou-Bâkr Zida (rabankhi@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 4 juin 2012 à 12:50, par konmenim-moogo En réponse à : Editorial de Sidwaya : La biométrie, un combat national

    Arrêtez de vous exciter. la boimétrie à elle seule ne peut pas constituer la garantie de la transparence des elections.On l’a vu dans beaucoup pays développés avec des systèmes hautement névralgiques.Comme le disait l’autre, la boimétrie n’est fondamentalement ni un objectif ni une finalité politique ou sociale. C’est un moyen, à côté d’autres (institutionnels, juridiques, etc.), de réalisation du modèle social souhaité par un peuple et ses dirigeants.
    Une petite question : la biométrie peut elle venir à bout de la volonté de ceux qui veulent réviser les article 37 afin de se maintenir au pouvoir à tout prix ?

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