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CHRONIQUE : Solidarité, où es-tu ?

Publié le vendredi 1er juin 2012 à 01h21min

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Les riverains de la « Place du paysan de Kaya » se souviendront, longtemps, de cette scène atypique. Le 10 mai 2012 au petit matin, un taximan a débarqué, audit endroit publique, un cadavre et ses accompagnants, pour la simple raison que ceux-ci n’étaient pas en mesure d’honorer les frais de course. Coup de théâtre ! S’étant attachés les services du taximan, les occupants voulaient transférer le corps d’un proche qu’ils venaient de perdre à l’hôpital, dans un village pour l’inhumation. Leur volonté ne s’est pas faite : ils se sont retrouvés dans la rue avec le cadavre, aux premières heures de la journée ! Personne ne s’en revenait. Tous les témoins de la scène étaient, parait-t-il, sous le choc.

Du jamais vu ! Même s’il tenait coûte que coûte à faire recette, le taximan, par respect pour le défunt, devrait au moins le renvoyer à la morgue. Au lieu de le laisser en rase campagne ! Mais ainsi va le monde, et le Burkina avec, un monde où l’argent prime tout. En clair, la solidarité semble avoir foutu son camp et c’est chacun pour soi, Dieu pour tous, comme on le dit couramment. Sinon, comment comprendre l’attitude de ce taximan qui, au-delà de tout intérêt fut-il économique, devrait rendre hommage au corps. Le bon sens (si cela existe encore) aurait voulu que celui-ci se montre solidaire, à tout point de vue, avec les passagers éplorés.

Mais rien de tout cela. Les instincts de capitaliste du taximan ont pris le dessus sur la déférence dévolue à tout être humain, encore plus à un cadavre. Pourtant, l’histoire et les sages nous enseignent que l’homme n’est rien sans les autres.

Il est au début et à la fin de tout. Il est l’alpha et l’oméga sur terre ! L’être humain a beau placé ses intérêts au-dessus de son semblable, il aura toujours besoin d’autrui, en toutes circonstances. Le taximan (on respecte son souci de se faire des sous) est inévitablement appelé à mourir, et ce sont ses proches et des tierces personnes qui auront le devoir de le porter à sa « dernière demeure ». « L’enfer, c’est les autres », disait avec réalisme, le philosophe français, Jean-Paul Sartre. A Contrario, le paradis, disons-nous, c’est aussi les autres. Nul ne peut nier l’importance de l’autre, aussi bien dans les épreuves douloureuses que dans les moments de joie. Et c’est là que la solidarité agissante ou solidarité tout court prend son sens. Valeur morale fondée sur le partage, elle se veut un acte sans condition et sans intérêt, surtout quand il s’agit du volet social.

C’est cette solidarité, parfois spontanée, qui permet aux uns et aux autres de porter secours à un inconnu, victime d’un accident, d’une crise maladive ou d’une agression dans la rue, sans aucune considération. C’est également cette solidarité qui permet à tel ou tel voisin de soutenir moralement ou financièrement, ou de bénéficier de l’aide de quelqu’un d’autre, en temps de malheur ou de bonheur. La solidarité est également à la base d’actes de générosité et de compassion entre collègues de service, membres d’une même famille, amis, promotionnaires, etc. Bref, c’est l’assistance d’autrui qui nous rassure, qui nous grandit, qui nous élève, qui nous fait prendre goût à la vie et qui nous permet de nous sentir entouré et aimé en tant qu’être humain. La solidarité est donc au-dessus de l’argent, de l’univers matérialiste et capitaliste.

Autrement dit, les riches allaient continuer à prêter aux riches, comme le dit l’adage. Les riches prêtent aussi aux pauvres, et la preuve est que les pays en voie de développement, par exemple, sont soutenus par les puissances économiques mondiales. Cette aide n’est pas forcément gratuite, mais elle vaut son pesant d’or. Les riches éprouvent le besoin d’aider les pauvres, renonçant ainsi à l’égoïsme sous toutes ses formes. Le Nord est solidaire du Sud et c’est une cause hautement noble et humanitaire.

Au Sud, particulièrement au Burkina, il y a des bonnes volontés qui sont généreuses envers la Nation et nombre de ses fils, même si ces bonnes volontés sont en nombre limité. A titre illustratif, le richissime El Hadj Oumarou Kanazoé, de son vivant et ce n’est un secret pour personne, a aidé les populations nécessiteuses, en leur offrant argent, vivres, etc., et en leur construisant des infrastructures sociales. La solidarité est un bien universel qui, malheureusement, commence à disparaitre de l’entendement de certains d’entre nous. Les actes en la matière sont de plus en plus rares dans la vie courante, surtout en Afrique où les sociétés ne sont pas individualistes.

Le comportement du taximan, loin d’être un cas isolé, témoigne de cette situation. Chacun protège ses intérêts, crée son monde, sa tour d’ivoire…et se moque du reste. Vivons autrement, car il n’y a rien de tel que la solidarité. Elle fait l’homme !

Kader Patrick KARANTAO (stkaderonline@yahoo.fr)

Sidwaya

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