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MAURITANIE : La preuve d’une justice aux ordres

Publié le mercredi 30 mai 2012 à 02h37min

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Aux yeux du président mauritanien, cela devait être une simple nomination d’un juge à un poste d’ambassadeur. C’est un peu la tradition dans ce pays, depuis l’avènement de Mohamed Ould Abdelaziz. De hauts magistrats sont récompensés (ou sanctionnés, comme c’est le cas qui défraie actuellement la chronique) par une offre de poste d’ambassadeur, de ministre et autres hautes fonctions. Avec le président actuel de la Cour suprême, apparemment, le président mauritanien s’est fourvoyé. Il croyait pouvoir se débarrasser d’un membre gênant de la Cour suprême, en lui faisant miroiter un poste d’ambassadeur au Yémen. Il en fait plutôt un héros pour bien des Mauritaniens. Il doit donc faire face à une fronde, qui prend les proportions d’une affaire d’Etat.

Car le juge Seyid Ould Ghailani n’est pas homme à se laisser acheter. Et il le crie à qui veut l’entendre. Mieux, il oppose à la médiocrité des autorités consistant à mettre aux pas la justice, son devoir citoyen de résistance. Il refuse purement et simplement de quitter son poste. Mais il sait que son combat a peu de chances de réussir. Il quittera de gré ou de force ses fonctions, et les choses rentreront dans l’ordre, une fois que les projecteurs de l’actualité se seront détournés de l’affaire. La vie des institutions reprendra son cours, selon le bon vouloir du maître de Nouackchott, avec une justice soumise aux ordres de l’exécutif. Mais le juge sortant n’aura pas mené un combat vain. Certes, son action ne déplacera pas les montagnes, et la corporation elle-même demeure figée dans sa dépendance envers le pouvoir, mais elle a le mérite de réveiller une société engourdie.

La preuve, les avocats et la classe politique se sont solidarisés de sa fronde. En outre, la médiatisation de l’affaire ne peut que mettre en évidence le peu de considération que le régime mauritanien a du principe de la séparation des pouvoirs, qui est fondamental dans toute démocratie. Dans tous les cas, sous les tropiques africains, il ne faut pas s’attendre à voir la Justice devenir indépendante, comme par enchantement. En dehors des pays récemment balayés par le printemps arabe – et encore !- la Justice demeure un peu partout un essuie-pieds pour les dirigeants. Bien des juges se prêtent volontiers à ce jeu avilissant pour la Justice et destructeur pour la démocratie, en préférant se soumettre aux injonctions des autorités.

Ils ne leur viendraient jamais à l’idée de braver les décisions iniques d’un régime par respect du serment qu’ils ont prêté. Place est donc faite aux injustices sous toutes leurs formes, allant des règlements de comptes politiques au harcèlement contre les journalistes, syndicalistes et défenseurs des droits humains parce que trop critiques. Le président mauritanien s’est donc forgé une seule certitude : la Justice, ça existe pour protéger les intérêts du pouvoir. C’est triste, mais c’est encore la conception que nombre de dirigeants africains ont du rôle de la Justice. Et les magistrats comme celui de Mauritanie qui récusent leur limogeage –à juste raison- sont au mieux traités de rebelles, au pire de fous.

Mahorou KANAZOE

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 31 mai 2012 à 10:18, par Un Magistrat En réponse à : MAURITANIE : La preuve d’une justice aux ordres

    M. Kanazoe, au Burkina aussi on ne fait pas mieux ! Si vous saviez ce que le PF fait de la Justice et de son CSM, lui ancien Garde des Sceaux sous le Revolution...

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