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ONG Il Sole : Christaine, l’orpheline chanceuse de Bilgo

Publié le jeudi 28 octobre 2004 à 07h00min

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Christaine (ainsi est l’orthographe de son prénom à l’état civil) est élève au cours moyen première année (CM1) à l’école primaire publique de Bilgo (département de Pabré). Depuis 2003, ayant perdu son père, elle est, à l’instar de son frère aîné, sous la responsabilité de sa mère qui fait ce qu’elle peut pour gérer sa progéniture.

Et comme aiment à le dire les mentons velus de chez nous « Dieu ne laisse jamais la femme nue », en d’autres termes, Dieu vole souvent au secours des infortunés. En effet, par le plus grand des hasards, une italienne, en l’occurrence Olivia, la présidente de l’ONG Il Sole, a choisi cette année de parrainer Christaine.

Mme Valérie Kafando profite d’une cérémonie de remise de fournitures scolaires aux élèves de l’école de Bilgo pour faire non seulement la connaissance de Christaine mais aussi informer ses enseignants et ses parents de l’engagement d’Olivia. C’est alors qu’elle s’entendra dire que cette dernière ne fait plus partie de l’effectif de l’école de Bilgo.

« Où est-elle partie ? », s’écria dame Kafando. « Christaine était une brillante élève de ma classe », dit son enseignant d’un ton plaintif, avant d’ajouter qu’un de ses oncles, domicilié à Ouaga, est passé retirer son acte de naissance.

Elle devait être baby-sitter

Pour de plus amples informations, on fit appel à un des proches parents de Christaine, habitant à Bilgo. C’est d’ailleurs à la suite de l’entretien avec ce monsieur que Mme Kafando apprendra que Christaine est orpheline de père.

« Vous voyez, dit-elle à son entourage, Dieu ne fait pas les choses au hasard », pour signifier que cette providence en faveur de l’enfant n’est pas gratuite. Pour Mme Kafando, étant donné que l’ONG n’appuie pas les enfants de façon isolée, il faudrait tout faire pour ramener la petite Christaine pour qu’elle ne rate pas sa chance.

Sa mère, qu’on a appelée pour mieux comprendre le problème, a laissé entendre que c’est son frère qui a demandé à la prendre « pour aider sa femme à garder son enfant ». A ce qu’elle dit, son frère venait d’être affecté loin de la capitale mais que sa femme et Christaine, qui étaient toujours à Ouaga, devraient l’y rejoindre incessamment.

Sur la base de cette information donnée par la veuve, Mme Kafando et un de ses collaborateurs, accompagnés d’un guide, se mettent en route pour Ouaga, précisément au quartier Tampouy où habiterait l’oncle de Christaine. Après quelque 30 minutes de parcours, les y voilà.

Malheureusement, l’épouse de ce dernier, leur a-t-on dit, a déménagé de là pour aller chez ses parents au secteur 11. Mme Kafando y obtient un contact téléphonique, passe un coup de fil à la dame en question puis met encore le cap sur le secteur 12.

Christaine, dont le baluchon était déjà fait pour rejoindre le nouveau poste de son oncle, s’y trouvait effectivement. Sa tutrice, visiblement mécontente, fit savoir à Mme Kafando que son mari, qu’elle venait d’avoir au téléphone, s’opposerait au retrait de Christaine.

Voyant la détermination de ses visiteurs d’un soir, elle entra dans la maison puis ressortit avec l’enfant pleurnichant. Mme Kafando approcha Christaine et lui expliqua calmement ce dont il s’agissait réellement. « Est-ce que tu connais Olivia », lui demanda-t-elle.

« Oui ! », répondit Christaine. « Mais c’est elle qui t’a prise comme sa fille ». Christaine, maintenant rassurée, cessa de pleurnicher et embarqua dans le véhicule pour Bilgo. Mais quel aurait été le sort de Christaine ? est-on en droit de se demander.

En tout cas, si l’on en croit la veuve, sa fille Christaine devait servir de garde-bébé, en fait une domestique gratuite au service de sa tutrice. Aussi est-on tenté de dire qu’elle a échappé de justesse à l’exploitation, voire à la traite dont sont victimes nombre d’enfants de son âge et de son sexe.

A supposé que c’est un tel sort qui l’attendait, il faut dire que dans ces conditions, même si elle devait aller à l’école, ses chances de succès seraient réduites car ce n’est pas certain qu’elle aurait disposé de temps pour réviser ses leçons ; s’il est vrai qu’elle devait, selon sa mère, prendre soin de son petit cousin.

Une pratique qui interpelle les intellectuels

Au-delà du cas de cette fillette, il faut souligner avec force que c’est une pratique très courante dans notre pays. Et ceux qui la favorisent sont le plus souvent les intellectuels qui, ne voulant pas engager une bonne, abusent de l’ignorance des populations des campagnes en allant leur solliciter leurs fillettes.

En effet, nombreuses sont les femmes ménagères de fonctionnaires ou salariées qui, après leur premier accouchement ou chaque fois qu’elles ont un bébé, font pression sur leur mari pour leur faire venir une petite sœur, une nièce ou une cousine pour accompagner leur bébé.

Pour avoir la paix, l’homme, avec quelques petites noix de colas et pièces, enfourche sa mobylette pour aller corrompre un parent au village afin d’avoir sa fille. Au cas où leur mari n’en aurait pas, certaines femmes s’en vont voir du côté de leur famille.

Et si ça marche, gare à leur mari s’il ose lever son petit doigt pour dire qu’il n’est pas content du traitement de l’enfant. Ce qui est sûr, ces fillettes qu’on amène des villages sont, pour la plupart des cas, soumises à toutes sortes de corvées, pour ne pas dire de traitements inhumains, dans les foyers.

Les nourrissons, dont elles sont venues prendre soin, vont grandir puis aller à l’école pendant que celles-ci sont condamnées à finir leur vie dans l’analphabétisme. L’expérience a montré que les femmes des villes ou de fonctionnaires tout court demandent rarement, sinon jamais, à accueillir des garçons de leurs parents des campagnes dans leur ménage.

Les garçons, disent-elles, ne sont généralement pas dociles quand il s’agit de les aider à faire la cuisine ou les travaux domestiques. Défenseurs des droits des enfants, peut-être certains d’entre vous hébergeraient des cas semblables à celui dont la petite Christaine a échappé de justesse, orientez donc votre sensibilisation dans ce sens.

Et il faut parier qu’avec l’échec de la campagne agricole, c’est la porte ouverte à ce type de traite des enfants, surtout des fillettes. Leurs parents pensant que ceux qui leur prennent leurs rejetons leur viendraient en aide avec quelques tines de mil.

Hamidou Ouédraogo
L’Observateur Paalga

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