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Aménagement de la route Bobo-Dioulasso-Léguéma : Qui a la vérité dans tout ça ?

Publié le mercredi 23 mai 2012 à 03h08min

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Des populations riveraines de la route de Léguéma se plaignent des désagréments qu’ils subissent suite aux travaux de réfection de ladite route. Nous leur avons rendu visite le 19 mai 2012. Sur le terrain, la tension monte et pour deux raisons. Des riverains estiment que l’entreprise ECOBAA chargée de conduire les travaux détruit leurs champs sans les avoir prévenus. Avec aucune assurance de dédommagement des victimes par la suite.

Il était 13 heures presque quand nous arrivions dans le champ du vieux Tagampè Sanou, à quelques trois kilomètres environ à l’entrée de Léguéma et distant de 12 km de Bobo-Dioulasso. Le vieil homme porte son âge de 75 ans sur une canne de fortune. Dans son champ, il est entouré de ses fils. Sanou Odette, une ressortissante de Léguéma introduit les échanges. Après cette petite introduction le vieux Tagampè prend la parole pour nous relater sa déception vis-à-vis de l’entreprise ECOBAA. « Je suis content que la route de mon village soit aménagée. Mais, je suis écoeuré.

Parce que comme vous le constatez (ndlr : assis auprès d’un arbre le vieux Tagampè retenait difficilement son souffle) c’est le 8 mai 2012 que la machine a débarqué dans mon champ. Sans nous informer, ils ont commencé à détruire nos arbres utiles et le champ. Ce jour-là, moi j’ai coulé des larmes. Quand nous avons approché le conducteur de la machine, il nous dira que la terre qu’il creuse servira pour l’aménagement de la route. Sous l’effet de la colère, mes enfants voulaient s’en prendre au machiniste. Parce que c’est l’unique champ que j’exploite avec une vingtaine de bouches à nourrir. Pour éviter que les choses ne se compliquent davantage pour nous, j’ai dis à mon fils d’aller voir le conseiller du village et lui demander s’il était au courant de la situation ».

Le septuagénaire déclare avoir eu des sueurs froides quand la réponse du conseiller Lassina Sanou lui a été rapportée par son fils. En effet, le conseiller leur a fait comprendre qu’il était du rôle des autorités de la mairie d’informer et de sensibiliser les populations riveraines. Selon Tagampè, le conseiller n’a pas été responsable. Puisque du moment où eux ils ont placé leur confiance en lui, en cas de problème il devait être en mesure de les informer de tout ce qui se passe dans le village. Car, il est l’intermédiaire entre la population et les autorités. Sanou Ernest est aussi mécontent, corroborant les propos du vieux, s’interroge : « Est-ce qu’on peut commencer des travaux de construction d’une route sans informer ceux-là même qui sont les premiers concernés » ?

« Si c’est le cas, ajoute-il, c’est vraiment désolant et même leur manquer de respect ».
En effet, quand les travaux ont débuté les riverains se sont réunis chez le vieux Tagampè. Et tous ont été unanimes qu’il faut s’orienter vers le conseiller du village. Contacter le 8 mai, le conseiller leur aurait présenté une convocation pour une réunion qui allait se tenir le 10 mai à Bobo-Dioulasso. Avec une mission de sensibilisation. Il aurait souhaité auprès de ceux dont les champs seraient touchés par les travaux de tout faire pour ne pas s’opposer à la réalisation de la route. Pour Sanou Ernest, l’aménagement de la route est une très bonne chose pour eux, mais les circonstances dans lesquelles les travaux ont démarré ne sont pas bonnes. Dans la mesure où c’est un projet de longue date qui comporte des phases d’études et de réalisation.

Actuellement, sur le trajet, on constate d’énormes tas de terre sur deux sites. Selon les riverains les dégâts sont importants. C’est le début de la saison hivernale et certains qui avaient déjà aménagé des espaces pour leurs productions maraichères ont été déguerpis. On estime la superficie occupée par l’entreprise sur chaque site à un ou deux hectares.

Les faits selon le conseiller Lassina Sanou

Après l’entretien avec les propriétaires terriens nous avons tenté de joindre le conseiller du village pour de plus amples informations. Il était 14 heures au moment où nous nous apprêtions à quitter les lieux une pluie menaçait. Il a fallu attendre un peu plus tard pour reprendre le chemin du retour. Sur le chemin, à quelques kilomètres du premier site, c’est l’entreprise ECOBAA qui est en pleine action. Dans le champ de madame Sanou Célestine que traverse le Caterpillar. Cette dernière soutient avoir semé du fonio. Les semis ont été déterrés ou enfermés avec la terre. C’est à 15 heures que nous avions pu épingler Sanou Lassina, le conseiller du village. Voilà ce qu’il nous a dit : « j’ai constaté la présence de l’entreprise sur le terrain. Mais j’ai été convoqué à la mairie le 10 mai 2012.

L’objet de cette rencontre a porté sur l’organisation de séances de sensibilisation des riverains de l’axe, car les travaux vont commencer incessamment. Et je rassure les populations que ce que l’entreprise est entrain de faire est un regroupement de terre. Car, les travaux proprement dits n’ont pas encore démarré. Après la rencontre d’échange, je les ai réunis le 17 mai pour leur faire le compte-rendu. Certains ont posé le problème de dédommagement ; un point que j’avais également souligné à la mission. Le chef de mission a laissé entendre qu’une autre mission viendra s’entretenir avec les personnes qui se trouvent dans cette situation. Donc on attend. ».

Le contexte de l’aménagement de la piste

C’est en 2009 suite aux innombrables inondations que note pays a connu, que l’Etat burkinabè à travers le ministère des Infrastructures et du Désenclavement a décidé la réalisation de 500 km de pistes rurales. Ainsi, un certain nombre de kilomètres a été affecté à chaque région afin de désenclaver les zones à forte production agro-sylvo-pastorale. Mais le choix des pistes à aménager revenait aux gouverneurs. C’est dans ce cadre que la région des Hauts-Bassins a bénéficié de 25 km. Léguéma, village très connu pour sa grande production de fruits et légumes va attirer l’attention du premier responsable de la région. Cette route sera réalisée à 863 000 000 de francs. Ainsi le gouverneur a associé la direction régionale des Infrastructures et du Désenclavement pour l’étude de la route.

Selon Jacques Béremwidougou directeur régional, c’est son service qui a été désigné pour coordonner toutes les phases préliminaires. Comboïgo Adama, chargé de l’étude, soutient que la population de Léguéma a été associée aux différentes phases d’études (sociale, géométrique et environnementale). S’agissant du démarrage effectif des travaux le DR affirme qu’en temps normal l’entreprise n’a aucun droit de commencer les travaux sans que l’Ordre de service (OS) ne soit donné par l’administration. C’est dire que toute activité entreprise sur le terrain par l’entreprise engage la responsabilité de l’entrepreneur. La question du dédommagement des victimes jusque là n’a de réponse exacte. Selon Nikiéma Clément, membre de la commission sensibilisation nous dira que, lors des échanges avec délégation, les missionnaires ont laissé entendre qu’il s’agira d’une affaire de l’entrepreneur et les riverains.

Zanga Souleymane DAO

L’Express du Faso

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