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Gaston Boyer, ambassadeur de France au Burkina Faso de 1981 à 1983, vient de mourir

Publié le mercredi 16 mai 2012 à 20h06min

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C’est le 11 mai 2012, dans sa quatre-vingt-dixième année, qu’est mort Gaston Boyer, ancien administrateur de la France d’Outre-Mer, ministre plénipotentiaire. La cérémonie religieuse aura lieu le samedi 19 mai 2012 en l’église Notre-Dame-de-l’Assomption, à Taradeau, dans le département du Var.

Fils d’un directeur commercial, Antoine Boyer, et de Jeanne Cailleretz, Gaston Boyer est né à Nice le 24 août 1922. C’est aux lycées d’Alger puis de Nice qu’il fera ses études secondaires avant de s’inscrire à la faculté de droit d’Alger, où il obtiendra sa licence, et de rejoindre l’Ecole nationale de la France d’Outre-Mer. Mobilisé de 1942 à 1945, il servira outre-mer à sa sortie de l’Ecole. Il sera tout d’abord stagiaire puis administrateur de la France d’outre-mer en poste au Soudan français (cercle de Nioro, à la direction des Affaires politiques, au cabinet du gouverneur) de 1946 à 1952. Entre-temps, le 28 décembre 1949, il aura épousé Marie-Madeleine Becker (ils ont eu cinq enfants, trois garçons et deux filles).

A l’issue de son séjour au Soudan français (actuel Mali), il fera publier par l’Institut français d’Afrique noire (IFAN), à Dakar, un petit ouvrage de 123 pages qui demeure fondamental (mais malheureusement n’a jamais été réédité) : Un peuple de l’ouest soudanais : les Diawara. Il rejoindra alors la Guinée où il sera adjoint au commandant du cercle de Beyla avant d’être nommé commandant du cercle de Gaoual. Il restera en Guinée comme conseiller technique du président du conseil de gouvernement puis adjoint au chef et chef de la mission chargée des intérêts français en Guinée.

Dans La France d’outre-mer (1930-1960), édité en 2004 par Karthala, Boyer a témoigné sur cette expérience guinéenne. « En juillet 1958, j’étais en congé lorsque je reçus une lettre du gouverneur de la Guinée, Jean Mauberna, me proposant un poste de conseiller technique au cabinet de Sékou Touré. J’hésitai. Je désapprouvais profondément les méthodes du PDG-RDA pour s’assurer du pouvoir et j’en avais contrarié les excès de mon mieux au cours des deux années pendant lesquelles je venais de commander le cercle de Gaoual. Aussi accepter de coopérer avec celui qui en était le responsable ne me paraissait-il ni très logique, ni très convenable. Mais d’un autre côté, voir la suite des affaires de Guinée depuis un tel poste d’observation me tentait fort. De plus, le général De Gaulle n’avait pas encore entamé son périple africain et nul ne pouvait prévoir, à coup sûr, ce que Sékou Touré allait décider pour l’avenir de son pays. Finalement, j’acceptai le poste, en espérant pouvoir y être, à un échelon modeste, utile… on verrait bien ! ».

Après le « non » guinéen au référendum le 28 septembre 1958, Boyer va quitter son rôle auprès de Sékou Touré pour rejoindre la Mission française chargée de « liquider » les intérêts français en Guinée et notamment de réembarquer les 450 fonctionnaires français et leurs familles. Boyer va se retrouver en charge, dans des conditions difficiles, de tirer un trait sur la colonisation de la Guinée par la France tout en permettant à Paris et à Conakry de nouer des relations diplomatiques. Elles se limiteront à l’envoi d’un simple chargé d’affaires français, en l’occurrence Francis Huré qui sera en place dès le 23 janvier 1959. Boyer et sa famille quittaient alors la Guinée. Il sera, par la suite, en poste en Mauritanie, au titre de directeur de cabinet du Haut-Commissaire (1959-1961). C’est en 1961 qu’il sera détaché auprès du ministère des Affaires étrangères mais restera à Nouakchott comme premier conseiller.

En 1966, Gaston Boyer va rejoindre Paris. Au sein de l’administration centrale, il appartiendra à la coopération technique (1966-1968) avant d’être nommé chef du service social (1969-1973). Il rejoint alors Dakar comme premier conseiller où il travaillera sous l’autorité de Xavier Daufresne de La Chevalerie qui avait été le dernier directeur de cabinet du général De Gaulle (1967-1969). Après deux années au Sénégal, Boyer va revenir à l’administration centrale, Relations culturelles, scientifiques et techniques, comme sous-directeur (1975-1979) puis Chiffre et courrier, enfin communication, comme chef de service (1979-1980).

C’est le 30 octobre 1981 qu’il sera nommé ambassadeur à Ouagadougou. Il ne restera que deux ans dans la capitale de la Haute-Volta mais va y vivre des bouleversements politiques majeurs. Depuis 1980, le colonel Saye Zerbo a pris le pouvoir. Le « Comité militaire de redressement pour le progrès national » (CMPRN), va vite montrer ses limites. Le capitaine Thomas Sankara, qui y avait occupé en 1981 le poste de secrétaire d’Etat à l’Information*, va en démissionner quelques mois plus tard, au printemps 1982. Il sera rejoint par le capitaine Henri Zongo, alors membre du comité directeur du CMPRN, tandis que le capitaine Blaise Compaoré se retirait du Conseil des forces armées voltaïques (CFAV). Les trois officiers seront alors placés en « résidence surveillée ». Armée et syndicats feront monter la pression. Les jours de Saye Zerbo sont comptés. Le 7 novembre 1982, moins de deux ans après qu’il ait pris le pouvoir, le CMRPN est renversé par le Conseil provisoire de Salut du peuple (CPSP). Un médecin-commandant, Jean-Baptiste Ouédraogo, est nommé chef de l’Etat puis sera élu à l’issue d’une présidentielle pluraliste (mais qui n’oppose que des militaires).

Au secrétariat général du Conseil de Salut du peuple (CSP), qui a pris la suite du CPSP, apparaît un nouvel officier, le commandant Jean-Baptiste Lingani qui représente la ligne « progressiste » au sein de l’armée. En janvier 1983, Sankara est nommé Premier ministre par Ouédraogo. Mais quelques mois plus tard, le 17 mai 1983, le colonel Yorian Gabriel Somé va conduire un coup de force contre les « progressistes » sans toucher à Ouédraogo. Sankara est démis de ses fonctions et placé en résidence surveillée en province. Lingani est emprisonné et Henri Zongo est encerclé par les blindés dans le camp Guillaume. Seul, Compaoré, absent de Ouagadougou pendant le coup d’Etat, a conservé sa liberté de manœuvre ; il est parvenu à rejoindre les commandos de Pô. Le mouvement de résistance des militaires « progressistes » va être soutenu, dans la capitale, par les étudiants et les syndicalistes.

Le 23 mai 1983, Jean-Baptiste Ouédraogo est mis en minorité à l’assemblée du CSP. Il voudra démissionner. Boyer l’en dissuadera et lui conseillera « de démanteler les appuis de Sankara, tout en évitant de le faire apparaître comme un martyr » (Ludo Martens – Sankara, Compaoré et la révolution burkinabè – Editions EPO – Anvers, 1989). Boyer deviendra la bête noire des « progressistes ». Au même titre que Guy Penne, le conseiller Afrique de François Mitterrand, arrivé à Ouaga le 16 mai 1983, à la veille de la destitution de Sankara, et de quelques Français qui ont établi une liste de « communistes » voltaïques à tenir à l’oeil. Le 4 août 1983, le Conseil national de la Révolution (CNR) prendra finalement le pouvoir à Ouagadougou. Le 30 novembre 1983, un nouvel ambassadeur de France est nommé dans la capitale de la Haute-Volta, Jacques Le Blanc.

Boyer va quitter l’Afrique de l’Ouest pour une destination plus « cool ». Il va être nommé consul général à Genève (1984-1986) avant d’être admis à faire valoir ses droits à la retraite en 1987. Il quittera la villa Tanit, à Boulouris, non loin de Saint-Raphaël, pour s’installer à la bastide des Selves, à Taradeau, toujours dans le département du Var, non plus en bord de Méditerranée cette fois, mais de l’autre côté du massif des Maures. Il abandonnera, du même coup, la pêche sous-marine pour s’adonner à la peinture et à la gravure.

* Gaston Boyer, qui avait été en proximité avec Sékou Touré, reverra le chef de l’Etat guinéen alors qu’il était en poste à Nouakchott puis, en 1982, à Ouaga. « En 1982, raconte Boyer, il n’était plus le même homme et avait alors adopté l’allure et le ton d’un prophète inspiré et sentencieux. Il avait tout de même impressionné un jeune capitaine qui venait d’être nommé secrétaire d’Etat à l’Information du gouvernement voltaïque, Thomas Sankara. Doyen du corps diplomatique, j’étais placé – à la table du banquet officiel – à côté de ce dernier et je lui demandai ce qu’il pensait du discours que venait de prononcer le tribun guinéen. – Il nous donne des leçons ! m’avait-il répondu. Des leçons qui ne seront pas perdues… ».

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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