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Déclaration du CADRe : Pour qui roule le Conseil Constitutionnel ?

Publié le lundi 14 mai 2012 à 02h03min

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Courant mars 2012, le Gouvernement, après délibération en Conseil des Ministres, décida de saisir l’Assemblée Nationale d’un projet de loi portant révision de l’article 81 de la constitution du 02 juin 1991. Cette révision visait à proroger le mandat des députés qui, élus le 06 mai 2007, devraient voir leur mandat arrivé à échéance le 26 /05/2012.

Le respect de cette échéance, selon le gouvernement, se révélait impossible pour des raisons tenant à :
-  la décision du couplage des élections législatives et municipales dont l’organisation est envisagée pour la fin du dernier trimestre de l’année 2012 ;
-  l’option de l’établissement de cartes électorales biométriques dont le mode opératoire impose un délai relativement long et des contraintes techniques importantes pour l’enrôlement des électeurs ;
-  la nécessité de mettre en ouvre les réformes consensuelles issues des assises nationales.

Pour faire suite à cette saisine, l’Assemblée nationale en sa séance du 22 mars 2012 a adopté le projet de loi constitutionnelle à la quasi totalité des membres présents, soit 106 voix pour, 03 abstentions et 01 contre. Six jours plus tard, le Président de l’Assemblée Nationale déféra au Conseil Constitutionnel, la loi ainsi adoptée pour le contrôle de sa conformité à la constitution qu’elle est censée modifier.

Examinant ladite loi quatre semaines plus tard en sa séance du 26 avril 2012, la haute juridiction décide comme suit :
1) la procédure de révision est régulière et acquise ;
2) la loi n’est pas conforme à la constitution.

Comment le Conseil Constitutionnel est-il arrivé au prononcé de cette décision ?

Avant d’en arriver à la décision qu’il a rendue, le Conseil a passé au peigne fin la loi constitutionnelle qui lui a été soumise. Dans son article 1 alinéa premier, cette loi affirme et fixe le principe de la durée du mandat des députés à 05 ans. Par dérogation à ce principe, l’alinéa second dispose que « la durée de la législature tirée des élections du 06 mais 2007 est prorogée jusqu’à la validation des mandats des députés de la nouvelle législature. La durée de la prorogation ne saurait excéder le 03 juin 2013 ».

Pour le Conseil Constitutionnel, la dérogation vise un cas d’espèce ; elle vise en particulier le mandat des députés élus le 06 mais 2007. Et pour cette raison, il estime que la loi constitutionnelle a dérogé « aux principes généraux de droit sur la nature juridique de la constitution » ; et que ce faisant le pouvoir constituant dérivé, auteur de la loi, a méconnu les principes qui constituent les fondements de la constitution. Bien que le Conseil Constitutionnel n’indique pas avec précision le ou les principes généraux auxquels il se réfère, l’on peut déduire de sa motivation que son raisonnement tire son fondement du caractère général de la règle de droit, caractère général auquel ne peut déroger la constitution qui est la loi fondamentale.

Pris sous cet angle, la motivation de la décision du conseil rappelle sans ambigüité que l’exigence de la généralité qui s’attache à la règle de droit requiert que tout texte normatif ne puisse viser des situations particulières mais plutôt des cas abstraits et s’impose aussi bien au pouvoir constituant originaire qu’au pouvoir constituant dérivé. D’où, il s’ensuit selon le Conseil que la loi constitutionnelle portant prorogation du mandat des députés n’est pas conforme à la constitution.

Au-delà de la motivation apparente de cette décision et des commentaires qu’elle suscite, le CADRe invite les acteurs de la vie politique mais aussi le peuple tout entier à la décrypter afin de saisir son sens et sa portée réelle.

Que peut cacher cette « décision courageuse » de nos Sages

A la première analyse, la décision du Conseil semble attester d’une volonté manifeste de la haute juridiction de s’émanciper et d’affirmer son indépendance vis-à-vis d’un pouvoir qu’il a longtemps servi, souvent avec zèle. Ainsi, la haute juridiction semble faire montre d’un courage sans précédent dans l’histoire récente du constitutionnalisme burkinabè et semble donner une lueur d’espoir pour l’émergence d’une véritable justice constitutionnelle, gage de la consolidation de tout processus démocratique. Ce qui lui vaut les félicitations de certains analystes.

Pour ces analystes, le mérite majeur du Conseil réside dans le fait que celui-ci ait pu retenir sa compétence et censurer la loi alors qu’en la matière ni la constitution du 02 juin elle même, ni la loi organique portant création et fonctionnement du Conseil Constitutionnel ne prévoient expressément le contrôle de conformité de la loi constitutionnelle à la constitution.

La haute juridiction, faut-il le rappeler n’a qu’une compétence d’attribution, laquelle compétence la fonde à statuer dans les seuls cas prévus par la loi.

Peut-on penser que les neuf juges ont méconnu les règles de compétences qui les régissent. Probablement pas ! Ni eux, ni l’autorité saisissante(le Président de l’Assemblée Nationale) ne pouvaient ignorer lesdites règles. Cette dernière savait que s’agissant du contrôle des lois constitutionnelles, seule la vérification de la régularité de la procédure lui est ouverte mais jamais le contrôle au fond. Et il ne pouvait en être autrement parce que les seules limites qui s’imposent au pouvoir constituant dérivé sont essentiellement d’ordre procédural et en tout état de cause sont fixées par la loi n° 001/97/ADP du 23 janvier 1997 fixant les conditions de mise en œuvre de la procédure de révision de la constitution.

Au demeurant, le Conseil Constitutionnel, avant de se prononcer sur la question de fond notamment celle de la conformité de loi constitutionnelle à la constitution, a considéré que la procédure de révision est régulière et acquise. Pourquoi la haute juridiction n’a t- elle pas décliner sa compétence ?

De la portée de la décision

En se déclarant compétent pour connaître, quant au fond, de la constitutionnalité de loi constitutionnelle qui lui a été soumise et en la déclarant non conforme à la constitution pour le motifs sus mentionné, le Conseil constitutionnel vient de créer un précédent grave qui risque de réserver à notre pays des lendemains troubles quand on sait les velléités des dirigeants actuels de se maintenir au pouvoir au-delà de 2015 au mépris des prescriptions de l’article 37 de notre constitution.

En effet, la haute juridiction n’a pas jugé la prorogation
anticonstitutionnelle mais la formulation de la disposition qui proroge les mandats des honorables députés. C’est dire que si la loi est réintroduite-elle le sera- avec les amendements nécessaires, alors, elle sera conforme à la constitution.

C’est dire aussi, que le Conseil serait également compétent pour connaître également de la constitutionnalité d’une éventuelle prorogation du mandat du Président du Faso. Et comme il a déjà par cette décision considéré que le principe est conforme à la constitution, c’est logiquement qu’il jugera conforme à la constitution une éventuelle prorogation du mandat du Président du Faso.

Cette décision, contrairement à ce que l’opinion pense, pourrait être une perche tendue par le Conseil constitutionnel aux gouvernants qui sont confrontés, dans leur volonté de déverrouiller l’article 37 de la constitution qui fixe le nombre des mandats présidentiels à 02 et ce non renouvelable, à l’hostilité du peuple. En effet, à défaut de pouvoir sauter le cadenas de l’article 37, le pouvoir pourrait, comme l’y autorise désormais le Conseil, travailler à la prorogation dudit mandat. Pour cela, il lui suffira d’une part, d’être majoritaire à l’assemblée nationale et d’autre part, de créer les circonstances de l’impossibilité de la tenue en 2015 de l’élection présidentielle.

De ce qui précède et en deuxième analyse, pour le CADRe, loin de constituer une volonté de s’émanciper d’un pouvoir qu’il a toujours servi, le Conseil Constitutionnel a plutôt confirmé son « rattachement » et son « attachement » audit pouvoir. Plus qu’une perche, il lui montre la voie pour un contournement éventuel du barrage érigé par l’article 37 de la Constitution.

Cependant, les peuples ont muri et le peuple burkinabè l’est encore plus. Tous les pouvoirs qui ont tenté d’user de ce stratagème l’ont tous appris à leur dépens. Ce fut le cas du Président TANJA au Niger et de Maître Abdoulaye WADE au Sénégal qui, après avoir essayé vainement de modifier la constitution qui limite le nombre de mandants afin de pouvoir se représenter à l’élection présidentielle, ont trouvé « l’ingénieuse » idée de faire proroger leur mandat arrivé à échéance. Tous ont trouvé sur leur chemin un peuple mobilisé qui a fait échec à leur ambition de se maintenir au pouvoir au mépris des règles constitutionnelles. L’un a été balayé par un coup d’Etat militaire qui a permis par la suite l’avènement d’un gouvernement civil alors que l’autre, contraint à aller aux élections a été proprement battu. Les peuples Nigérien et Sénégalais ont de ce seul fait réaffirmé leur attachement aux valeurs de démocratie et de l’Etat de droit.

C’est pourquoi, le CADRe invite les dirigeants de la quatrième République à se souvenir de ces faits qui ont marqué l’histoire récente de ces deux Républiques sœurs et d’en tirer tous les enseignements nécessaires qui puissent les guider sur le chemin de la sagesse.

C’est pourquoi, encore, le CADRe lance un appel à tous les démocrates sincères à rester vigilants afin que soit fait échec à toute volonté de confiscation de notre démocratie en construction et à travailler sans relâche à son enracinement.

Le CADRe invite, pour ce faire, la CENI à mettre tout en œuvre afin que les élections couplées puissent se tenir effectivement et dans les meilleures conditions possibles à la date indiquée du 02 décembre 2012 quand on sait que l’enrôlement des électeurs est prévu pour être fait à une période où près de 90% du peuple sera occupé par les travaux champêtres. Le travail de construction de la démocratie et de l’Etat de droit étant du ressort de tous, il nous appartient autant que nous sommes d’œuvrer à son effectivité.

Pour le Cadre de réflexion et d’actions démocratiques

Hippolyte DOMBOUE
Secrétaire exécutif national

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Vos commentaires

  • Le 12 mai 2012 à 05:28, par DIEU SAUVE LE BF DU CDP En réponse à : Déclaration du CADRe : Pour qui roule le Conseil Constitutionnel ?

    Merci pour cet excellent article
    ça nous ouvre grandement les yeux.
    continuez à nous faire voir les manigances et diversions en gestation qui sont des entorses à l’état de droit, à la démocratie, à l’honneur de l’honnête homme.
    Vive le CADRe, A bas le facilitateur !

  • Le 12 mai 2012 à 05:41 En réponse à : Déclaration du CADRe : Pour qui roule le Conseil Constitutionnel ?

    parlez d ce que viys savez, la decision du conseil est un grand pas dans la construction democratique et il n’y a que des gens comme vouscqui voyez le mal partiut, au moment venu, nous apprecierons

    • Le 14 mai 2012 à 14:35, par bawuros En réponse à : Déclaration du CADRe : Pour qui roule le Conseil Constitutionnel ?

      Monsieur du grand pas de la construction démoncratique, savez combien d’éminents juristes dont l’Assemblée Nationale dispose pour commettre des erreurs aussi visibles ? remettez vous à l’oeuvre pour la gymnastique juridique pour créer des précédents pour des prorogations futures... on vous à l’oeil. Merci au CADRe pour la déclaration courageuse.

    • Le 14 mai 2012 à 15:25, par lepaysan En réponse à : Déclaration du CADRe : Pour qui roule le Conseil Constitutionnel ?

      Vous êtes un yes man et vous pompez l’air autour de votre homme indispensable. Attention le réveil sera douloureux et la chute encore plus fracassante. Continuez à dire que tout va bien dans le meilleur des mondes possibles en particulir le vôtre.

  • Le 12 mai 2012 à 10:38 En réponse à : Déclaration du CADRe : Pour qui roule le Conseil Constitutionnel ?

    Encore une analyse pertinente.Le peuple burkinabè doit rester TRES vigilent pour parer a toute eventualité:prolongement du mandat du president,revision de la constitution a son article 37.Combattants de la liberté nous devons etre tres vigilent.MALHEUR a ceux qui baillonnent leur peuple.

  • Le 14 mai 2012 à 09:50 En réponse à : Déclaration du CADRe : Pour qui roule le Conseil Constitutionnel ?

    Qui êtes-vous au fait ?
    Djaaa, là où nos dirigeants croient se chacher, c’est la-bas vous vous dormez.
    Continuez de les dévoiler.

  • Le 14 mai 2012 à 11:25, par Espérance En réponse à : Déclaration du CADRe : Pour qui roule le Conseil Constitutionnel ?

    Très grande analyse. Voilà au moins des gens qui ne se laissent pas divertir par tout ce qu’on tente de nous faire avaler. continuez ainsi à nous éclairer comme vous le faite à chacine de vos interventions.

  • Le 14 mai 2012 à 12:26 En réponse à : Déclaration du CADRe : Pour qui roule le Conseil Constitutionnel ?

    Je suis heureux que le CADRe intervienne dans les debats publics ! Cela vaut meix que de se murer dans la clandestinité, ne pas avoir le courage de s’assumer tout en jouant les donneurs de leçons !!!. Bon courage à vous même si je ne partage pas cerains points de l’analyse qui prejugent de la deciIon du Conseil Conseil par rapport à une éventuelle modification de l’ARTICKE 37.
    Bon ça peut être une manière de prevenir et de mettre la pression au cas où....

  • Le 14 mai 2012 à 12:35 En réponse à : Déclaration du CADRe : Pour qui roule le Conseil Constitutionnel ?

    Je suis heureux que le CADRe intervienne dans les debats publics ! Cela vaut meix que de se murer dans la clandestinité, ne pas avoir le courage de s’assumer tout en jouant les donneurs de leçons !!!. Bon courage à vous même si je ne partage pas certains points de l’analyse qui prejugent de la deciIon du Conseil Conseil par rapport à une éventuelle modification de l’ARTICKE 37.
    Bon ça peut être une manière de prevenir et de mettre la pression au cas où....

  • Le 14 mai 2012 à 15:06, par GOIKO Madarne Sidnoma 2 En réponse à : Déclaration du CADRe : Pour qui roule le Conseil Constitutionnel ?

    Meci mon frère, c’est la vérité qui manque à ce pays et vous tranchez d’avec tous les fossoyeurs de la vérité. Je l’avais dit, ceete décision du Conseil Constitutionnel est une farce. CC’est Blaise et le CDP qui veulent soigner leur image. Encore merci.

  • Le 14 mai 2012 à 17:20, par samsam En réponse à : Déclaration du CADRe : Pour qui roule le Conseil Constitutionnel ?

    Merci pour l’article, courage Cadre, il faut également noter qu’un serieux problème est entrain de se dresser dans ce pays , qui es entrain d’arriver en GUINEE avec les multiples repports de date d’élection. Ici au BURKINA , si la CENI ne prend pas garde , nous assisterons à cela. Tout fait croire que la CENI est entrain de passer à coté des ses objectifs de première heure car ecoutant le gouvernement. Savez vous que la mise en place de la biométrie à ces cout de milliard est la constatation de la désafection des burkinabé vis à vis de la politique et des fraude. Il es noté que les échéances passées, le taux d’inscrit etait faible alors que l’enrolement etait fait en période propice sans contrainte. Maintenant on assiste à une CENI qui veut forcer faire l’enrolement en saison pluvieuse alors qu’elle utilisera du matériel fragile à des localités sans accés (avec pirogue, traversé,sans route) pour une population mojoritairement rurale et mobile en saison pluvieuse. SVP , sans terminer, sachez que nous sommes en période de soudure et le paysan fera le choix de son champ par rapport à vos mensonges.Bref, SVP, je respecte la CENI et j’aimerai qu’elle saches se prendre pour ne pas être utilisée par les politiciens. On n’atteindra même pas le taux du précedent enrolement. Maitre KERE, je vous conseille d’ouvrir l’oeil car les politiciens !!!!!!!!!!! Sans oublier que les sociétés françaises ne marchandent pas sur leur argent , un jour de plus, F CFA de plus....Merci

  • Le 15 mai 2012 à 13:41 En réponse à : Déclaration du CADRe : Pour qui roule le Conseil Constitutionnel ?

    Bel article le mandat des Maires a été prorogé, celui des Députés est entrain de l’être jusqu’à nouvel ordre, le mandat présidentiel le sera en 2015 si nous dormons puisque c’est leur principal objectif et ce sera la suppression pure simple des élections au Faso n’est-ce pas une bonne innovation ça ?pauvre Faso à quand le bout du tunnel ?

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