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Devant la confusion qui règne au Mali, les diplomates s’activent désormais du côté d’Alger.

Publié le vendredi 4 mai 2012 à 16h01min

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Les jours s’ajoutent aux jours et cela n’en finit pas. La « rébellion touarègue » a ouvert la porte des villes du Nord-Mali aux salafistes qui y font, désormais, régner leur loi. Le coup d’Etat du 22 mars 2012 a mis par terre le régime d’Amadou Toumani Touré sans que, pour autant, les nouveaux maîtres du Mali soient en mesure d’assurer leur hégémonie : le 6 avril 2012, sous la pression, ils acceptaient de se retirer du jeu politique malien.

Un président de la République intérimaire, investi le 12 avril 2002, et un premier ministre qui l’est tout autant, ne semblent pas en mesure, pour l’instant, de faire beaucoup mieux. Et la Cédéao, qui s’était emparée à bras-le-corps du dossier de la « crise malo-malienne », multiplie réunions et prises de décision sans que pour autant le désordre cède la place à l’ordre. Plus que jamais la question se pose de savoir qui est le chef à Bamako. Le capitaine Amadou Haya Sanogo qui, en s’emparant d’un pouvoir en déliquescence le 22 mars 2012, a mis le Mali bien plus « dans le merde » qu’il ne l’était jusqu’à présent, affirme vouloir prendre ses « responsabilités » au-delà d’une transition de quarante jours (qui court depuis le 12 avril !) et « maîtriser la situation » alors que des combats ont opposés « bérets rouges » (ex-garde présidentielle d’ATT) et « bérets verts » (le clan des putschistes).

Quant au Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, et aux trois officiers supérieurs membres du gouvernement, devenus muets, ils sont bien plus spectateurs qu’acteurs. Les événements de Bamako sont l’occasion pour les membres de la junte, et leurs soutiens au sein de la « société civile » (notamment le Mouvement populaire du 22 mars/MP22), de nous rejouer les vieilles rengaines : une Cédéao « responsable de toutes les crises institutionnelles qui se passent en Afrique de l’Ouest », une Cédéao « guidée par la France », une Cédéao qui « en déclenchant des troubles dans le Sud veut rendre secondaire la libération du Nord-Mali »… Ajoutons à cela l’affirmation selon laquelle les attaques dites du « contre-coup d’Etat », le 30 avril 2012, auraient été menées avec le concours de « mercenaires » dont certains seraient « burkinabè ».

Tandis que les militaires maliens se font la guerre dans la capitale, oubliant que leur pays est mis en coupe réglée par des groupuscules salafistes qui font régner la terreur parmi les populations du Nord-Mali, les diplomates cherchent du côté d’Alger des raisons de ne pas désespérer. Jean Ping, président de la Commission de l’Union africaine, accompagné de Ramtane Lamamra, son commissaire pour la paix et la sécurité, était aujourd’hui, mercredi 2 mai 2012, dans la capitale algérienne pour y rencontrer le président Abdelaziz Bouteflika et son ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci. « Nous ne pouvons pas traiter ces questions [des mouvements rebelles dans le « corridor sahélo-saharien » et notamment au Mali] sans recourir à l’action centrale de l’Algérie » a dit le patron de l’UA.

Lamamra, de nationalité algérienne, qui a été secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, ambassadeur auprès des Nations unies et a participé à des médiations en Afrique, lui a servi de poisson pilote au sein de la classe politique et de l’administration. Sadio Lamine Sow, le nouveau ministre des Affaires étrangères et des Relations internationales du Mali, était lui aussi attendu à Alger mais sa visite a été annulée à la dernière minute compte tenu des événements qui se sont déroulés à Bamako. Auparavant, le lundi 30 avril 2012, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, avait reçu le diplomate US James A. Larocco.

Larocco, aujourd’hui âgé de soixante-quatre ans, est depuis août 2009 directeur de NESA Center, centre d’études stratégiques sur le Proche-Orient et l’Asie du Sud. Diplomate chevronné – 35 années de carrière au Département d’Etat –, il a été en poste en Asie et au Moyen-Orient, notamment ambassadeur au Koweït ; il a participé aux négociations et à la mise en œuvre du traité de paix Israël/Egypte. Ses entretiens avec Messahel*, à Alger, ont porté, selon le porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères, sur « les défis sécuritaires en Afrique et en particulier sur la situation prévalant dans la région du Sahel, notamment la crise malienne et les répercussions de la crise libyenne sur la sous-région, confrontée également à la menace terroriste, aux méfaits du crime organisé et aux effets déstabilisateurs de la pauvreté ». On notera que la diplomatie US, à l’inverse de la diplomatie française, établit un lien de cause à effet entre « la crise libyenne » et la situation que connaît la « sous-région ».

Dans l’édition de ce jour (mercredi 2 mai 2012), le quotidien algérien El Watan écrit sous la signature de Salima Tlemçani : « Entre un Nord embrasé et un Sud en guerre pour le pouvoir, le Mali fait sa descente aux enfers ». El Watan ajoute : « La situation au Mali va de mal en pis. Au Nord, le MNLA peine à contrôler son territoire, l’Azawad, qu’il dispute à Al Qaïda et aux cartels de la cocaïne. A Bamako, des affrontements ont opposé la garde présidentielle loyale au président renversé Amadou Toumani Touré aux militaires putschistes […] En tout état de cause, la situation au Mali est en train de basculer vers l’inconnu. Il n’est pas exclu que dans les jours à venir, de nouveaux affrontements peuvent éclater entre les différentes factions armées au Nord du pays, et que Bamako soit le théâtre de la lutte armée pour la prise du pouvoir. Le pire des scénarios ».

L’Algérie est touchée directement par la « crise malo-malienne ». Le 5 avril 2012, à Gao, dans le Nord-Mali, son consul a été enlevé avec six de ses collaborateurs par le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), une dissidence d’AQMI dont on ne sait pas grand-chose si ce n’est que son « porte-parole » serait Adnan Abu Walid Sahraoui. Le MUJAO détient également deux Espagnols et une Italienne, des humanitaires enlevés à Tindouf (Ouest de l’Algérie) le 23 octobre 2011. Le groupe vient de réclamer 45 millions d’euros pour la libération de 9 de ses 10 otages et exige, par ailleurs, celle de « frères » emprisonnés en Algérie et en Mauritanie.

Selon Al Watan, Alger collaborerait, en matière de renseignement, avec le MNLA afin d’éradiquer les groupes salafistes. Les chefs de tribu de « l’Azawad » doivent se rassembler « incessamment » à Kidal afin de faire reconnaître le MNLA comme seule « structure habilitée à instaurer l’autorité sur le territoire ». « Nous voulons débarrasser le Nord de tous les étrangers qui menacent notre sécurité et celle de nos voisins » aurait déclaré, selon Al Watan, le commandant du camp militaire d’Ashebrach, au Nord de Kidal. Ce seraient, par ailleurs, des notables de Gao et de Kidal qui négocieraient la situation des otages du MUJAO, Alger se refusant de négocier avec des « terroristes » et de « répondre à leurs revendications ».

Dans un papier publié le 25 avril 2012 par le Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix, le chercheur Ibrahima Sidibé Pommier, considère que seule l’Algérie, est capable d’être militairement opérationnelle. « La Cédéao, écrit-il, pourrait s’appuyer sur les capacités opérationnelles de l’Algérie, bon connaisseur du dossier AQMI et des différents soulèvements touareg pour avoir participé activement à tous les accords de paix (Tamanrasset 1991, Djanet, Pacte national 1992, Accords d’Alger 2006). Avec une armée aguerrie, adaptée à un terrain désertique, le pouvoir algérien n’a toujours pas clarifié sa position. S’il a rejeté l’indépendance de l’Azawad, à l’instar de tous les voisins du Mali, Alger n’est toutefois pas favorable à une intervention militaire. L’Algérie pourrait malgré tout aider la Cédéao sur le terrain. Ses seules réserves portent sur une éventuelle intervention française dans un territoire qu’elle considère seule comme son arrière-cour depuis la disparition de Mouammar Kadhafi ».

* C’est Abdelkader Messahel qui préside la délégation algérienne qui participe aux réunions de la Cédéao relatives à la « crise malo-malienne ». Il estime que « la solution, qui ne peut être que politique et pacifique, sera la résultante d’un dialogue inclusif entre Maliens et notamment entre le gouvernement et la rébellion touarègue […] dialogue qui doit tenir compte des revendications légitimes des populations du Nord ainsi que de l’impératif du respect de l’intégrité territoriale du Mali ».

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 5 mai 2012 à 07:30, par Beurk En réponse à : Devant la confusion qui règne au Mali, les diplomates s’activent désormais du côté d’Alger.

    Un vrai capharnaüm causé par la légèreté de nos gouvernants et maintenant que ce mal a plusieurs inconnus est devant nous,on voit se dessiner de multiples intérêts divergents.Prions tous pour que le PM malien par ailleurs astrophysicien puisse réussir sa mission en faisant parler sa science car il est mieux placé pour savoir que dans les lois universelles,les contraires n’existent pas et donc le Mali doit redevenir un et indivisible

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