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Injustice faite aux filles : La justice interpellée

Publié le mardi 26 octobre 2004 à 06h40min

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Oui, cela existe toujours et encore : de nombreuses filles sont données en mariage. C’est vrai, beaucoup de filles ne sont plus soumises à cette pratique. Le plus souvent, les filles scolarisées ne sont pas données et peuvent choisir librement leur mari, mais les filles qui ne sont pas allées à l’école c’est-à-dire 75 % des filles dans les ethnies où la coutume connaît la donation, sont toujours données en mariage.

Il y a quand même une évolution : la plupart des filles ne veulent plus être données à un vieux, et non plus, à un monsieur qui a déjà deux femmes ou plus. Etre la deuxième femme n’est pas le souhait le plus profond, mais on s’y accommode parfois.
Les filles ne sont pas trop exigeantes non plus : dans la situation de donation, il y a des critères de plus en plus acceptés par les filles : un fonctionnaire est l’idéal, un salarié s’approche de l’idéal, un jeune en Côte d’Ivoire, même si la fille ne le connaît pas, est une très bonne prise mais la Côte d’Ivoire commence à perdre la cote.

La donation des filles, qui est plutôt un commerce, continue. Commerce, échange, cadeau, jamais gratuit, ou carrément argent. Un haut fonctionnaire qui prend sa retraite, retourne dans son village et souhaite encore une jeune fille comme femme, l’aura dans le mois qui suit l’expression de son souhait. Ce cas montre clairement le vrai fond de la donation. Tu me donnes une poule et je te donne ma fille. Oui hélas ! au Burkina les femmes ne sont pas vraiment considérées comme des êtres humains à part entière. Il y a la loi pénale de novembre 1996 qui interdit le mariage forcé. Une étude de 2000 sur cette loi par Promo Femme montre clairement où nous en sommes dans l’appréciation de la dignité et des droits des femmes.

Les tribunaux départementaux ne sont pas compétents pour traiter des affaires de mariage forcé. Si une fille porte plainte, c’est la police, la gendarmerie ou le tribunal départemental qui s’en occupe ; pourtant ni l’un ni l’autre n’a l’autorité pour traiter ce cas qu’il doit, après enquête, soumettre au tribunal de grande instance (palais de justice), mais tous aiment à privilégier la paix sociale et la cohésion de leur communauté. Tant pis si la liberté de la fille est violée, une fille illettrée n’a pas beaucoup de valeur.

Une fille réfugiée à la mission

A Kaya en 2000 : Une fille était venue se réfugier à la mission pour échapper au mariage forcé (avec un vieux qui avait déjà sept femmes). Le préfet a rendu la fille contre sa volonté à ses parents qui eux l’ont rendue au vieux. Je suis allé avertir le procureur. Il a confirmé que le préfet n’avait pas le droit de juger ce cas, et qu’il allait prendre contact avec le préfet, ce qu’il n’a jamais fait.

A Kaya, la même fille qui était conduite de force deux fois chez le vieux, a été violée deux fois par le vieux ; elle s’est enfuie deux fois. Jugement du tribunal : le viol n’a pas été prouvé (en tout cas pas de photo) et le vieux a écopé de 6 mois de prison avec sursis. Le vieux est rentré chez lui et tout le monde était content. Il n’y a donc pas eu de punition car pour les villageois, "avec sursis" signifie "sans punition". Le jugement était plutôt un stimulant pour la donation des filles : malgré la loi, on ne risque rien.

D’ailleurs, à Ouagadougou, aucun procès ; à Koudougou aucun procès ; à Kaya, deux procès ; à Ouahigouya, 5 procès en quatre ans.
Il faut vraiment un effort pour que les juges s’occupent vraiment de l’injustice faite aux filles.
Pour le développement : Consommons Burkinabè.

Bonne Nouvelle : Une femme a porté plainte contre l’exciseuse d’une fille en prenant le risque d’être molestée par des femmes. La police a dû intervenir pour la protéger.

F. Balemans BP : 332-Koudougou

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