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Casques bleus : La vache à lait des dirigeants ?

Publié le mardi 26 octobre 2004 à 07h25min

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L’Afrique est un champ de guerre qui nécessite des interventions multiformes. Il y a les humanitaires qui accourent avec vivres et médicaments, les médiateurs de tous bords et les Casques bleus, ces soldats mandatés par l’ONU pour faire régner la paix. Ils sont plus de 36 000 en Afrique, à oeuvrer pour que les foyers de tension s’éteignent définitivement.

Mission difficile sinon impossible, en tout cas, tant que le personnel politique africain privilégiera d’abord ses propres intérêts à l’idéal commun. Tout pays africain réalise, en tout cas, une bonne affaire à envoyer ses troupes pour des missions de paix. On le voit du reste à la solennité avec laquelle les contingents nationaux sont envoyés après une autorisation du parlement.

Fierté de servir l’Afrique mais aussi de participer à une oeuvre de paix, telle est la vision officielle attribuée à ces missions. Mais la formation des soldats et le rayonnement diplomatique sont aussi des objectifs non négligeables qui sous-tendent l’action des gouvernements. Comme s’ils s’étaient partagé les rôles, aux pays riches les contributions financières (les Etats-Unis supportent à eux seuls 28% du budget) et aux pays en développement, l’envoi de troupes. C’est en tout cas la pratique observée en Afrique.

La noblesse d’une mission de maintien de la paix n’est plus à démontrer. Il s’agit après tout de vies humaines à sauver, de paix à restaurer et de pays à reconstruire. Mais une pratique en cours chez certains dirigeants africains est en train d’écorner l’image des Casques bleus, à savoir les ponctions illicites opérées sur les soldes versées par l’ONU.

On sait que l’ONU verse aux Etats ayant envoyé des troupes, 1000 dollars par soldat et par mois. La liberté est laissée aux gouvernements de gérer ces fonds, mais des abus sont fréquents. Certains Etats africains ne jouent pas franc-jeu dans la gestion des sommes versées par l’ONU. Des détournements sont opérés et seule la portion congrue est octroyée aux Casques bleus.

Les manifestations des soldats mécontents ne sont donc pas rares. Elles peuvent même atteindre des extrémités comme ce fut le cas récemment en Guinée Bissau (même si une certaine opinion pense que cette affaire de solde n’est qu’un prétexte pour orchestrer un putsch).

La rapacité de certains dirigeants, qui les conduit à exercer une prédation sur les soldats, est indigne. D’abord, ces hommes bravent chaque jour la mort dans des territoires souvent hostiles. On estime ainsi à 1876 le nombre de Casques bleus tués dans les zones de conflit. Un chiffre à revoir certainement à la hausse avec les agressions dont sont victimes les soldats et leur impuissance à réagir, compte tenu de leur mandat.

Deuxième élément qui devrait faire méditer les Africains, c’est que les paies des forces de la paix proviennent de l’ONU, grâce aux contributions surtout des pays développés. Ils ne sont donc pas autorisés à faire main basse sur de tels montants. La logistique et les hommes qu’ils envoient leur confèrent une respectabilité qui pourrait voler en éclats du fait justement des pratiques mafieuses.

Pire, et comme on l’a vu en Guinée Bissau, les frustrations de soldats spoliés peuvent générer une instabilité grave. Ce qui serait le comble pour un pays censé apporter la paix aux autres. Cette situation a conduit certains observateurs à se demander s’il n’est pas temps d’opérer une sélection rigoureuse des pays candidats au maintien de la paix.

Les critères de bonne gouvernance, de respect des droits humains et des valeurs démocratiques devraient prévaloir dans le choix des pays africains. Car il est très facile, sinon hypocrite, de vouloir instaurer la démocratie ailleurs alors que l’on traîne soi-même des tares.

Pour certains pays aussi, la présence sur des théâtres de conflits constitue un parapluie : "Je vous envoie des troupes, vous me laissez en paix". La communauté internationale devrait, évidemment, éviter de tomber dans un piège aussi grotesque en acceptant de transformer ses Casques bleus en objets de chantage ou de monnaie d’échange. Ceux qui ne sont pas dignes de porter ce casque sacré devraient être désormais écartés. Il y va de la crédibilité des missions de maintien de la paix.

Le Pays

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