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Paramanga Ernest Yonli, président du Conseil économique et social du Burkina Faso. Recasage d’une « élite » ou relance d’une institution de la République ? (2/3)

Publié le jeudi 26 avril 2012 à 14h37min

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Le 9 février 1996, Kadré Désiré Ouédraogo (actuel président de la commission de la Cédéao) est nommé Premier ministre. Ce n’est pas un politique ; il était vice-gouverneur de la BCEAO. Paramanga Ernest Yonli va obtenir la direction de son cabinet. Un an plus tard, Yonli sera élu député de la Tapoa lors des élections législatives de mars 1997. Le 11 septembre 1997, il entre au gouvernement : ministre de la Fonction publique et du développement institutionnel.

Au Burkina Faso, la modernisation de l’administration n’est pas qu’un slogan. A l’automne 1993, alors que Youssouf Ouédraogo était Premier ministre (il a, aussi, présidé le CES quand il n’était encore que le CRES), avait été initiée la Conférence annuelle de l’administration publique (CAAP). Un travail considérable avait été mené pendant cinq longues journées de débat et de confrontation. Qui devait trouver son aboutissement alors que Yonli prenait en charge la fonction publique.

Du 27 novembre au 5 décembre 1997, la deuxième session du Conseil économique et social aura pour thème : « Quelle administration pour le Burkina à l’aube du XXIème siècle ? La réforme globale de l’administration publique », tandis que du 18 au 21 décembre 1997, 600 participants débattront du « rôle et des missions de l’Etat » au cours d’assises nationales. Yonli va s’attacher à mettre en place une réforme en quatre temps : 1 – Répartition des domaines d’intervention et de compétences (qu’il appelait le volet macro-organisationnel) ; 2 – Gestion adaptée des ressources humaines ; 3 – Bonne gouvernance (« induire de nouveaux comportements basés sur la possibilité de créer les conditions de lisibilité des institutions, de la transparence à l’intérieur des structures de l’Etat, de l’action des autres acteurs du développement et aussi de la possibilité de faire participer au maximum les couches sociales de notre pays, depuis la campagne jusqu’à la ville ») ; 4 – Valorisation de l’expertise nationale.

Le 7 novembre 2000, Compaoré nommera Yonli Premier ministre. Il a 44 ans. Il est le premier chef de gouvernement non mossi de l’histoire du Burkina Faso. Dans un pays où la discrétion est érigée en qualité suprême, Yonli est plus discret encore que le reste de la classe politique. C’est d’ailleurs, lors de sa nomination à la primature, un homme relativement nouveau sur le devant de la scène politique. Il hérite d’une situation politique, économique et sociale difficile. Son gouvernement est « d’ouverture » (un tiers des postes ministériels était détenu par des membres de « l’opposition ») mais il lui faut faire face à la grève des étudiants, à « l’affaire Norbert Zongo », au ralentissement de l’activité économique, au déficit agricole, à la fermeture des entreprises industrielles symboliques de la période « révolutionnaire », etc.

Le CDP, parti gouvernemental, remportera les législatives du 5 mai 2002, permettant à Marc-Christian Roch Kaboré de prendre la présidence de l’Assemblée nationale. Six semaines plus tard, un nouveau gouvernement sera nommé, un « gouvernement de combat », celui du « développement économique et social, du renforcement de la paix sociale et de la consolidation des acquis démocratiques ». Exit « l’opposition » : équipe resserrée (31 contre 36) avec des représentants de la société civile et deux poids lourds de la vie politique nommés ministres d’Etat : Youssouf Ouédraogo (Affaires étrangères) et Salif Diallo (Agriculture).

Le 1er août 2002, l’ex-ministre ivoirien Balla Keïta, secrétaire général de l’UDPCI (le parti créé par le général Robert Gueï à la suite de son accession au pouvoir à Abidjan) est assassiné à Ouaga où il séjournait. C’est le point de départ de la régionalisation de la « crise ivoiro-ivoirienne » qui va s’exacerber avec la tentative de coup d’Etat des 18-19 septembre 2002, provoquant un afflux de réfugiés à la frontière ivoiro-burkinabè et des tensions économiques qui vont s’ajouter aux tensions diplomatiques. La crise ivoirienne sera gérée avec ce qu’il faut de rigueur et de sérénité par le chef de l’Etat et le chef du gouvernement. Non sans qu’elle ait quelques effets collatéraux assez inattendus (notamment « l’affaire Hermann Yaméogo » et la mise en cause du Burkina Faso dans des opérations de déstabilisation au Togo et en Mauritanie). S’ajoute à cela la crise togolaise. Les relations entre les deux pays n’étaient pas fameuses.

Les président Compaoré et Gnassingbé Eyadém étaient véritablement fâchés l’un contre l’autre ; le chef de l’Etat togolais ne venait même plus chasser, comme il le faisait par le passé, dans le Sud-Est du Burkina Faso. Sa mort sera pour Ouaga l’opportunité de reprendre le dialogue interrompu avec Lomé. Et va même aller au-delà. La succession, à Lomé, est difficile et la classe politique, une fois encore, se déchire. Le Burkina Faso va s’impliquer, avec succès, dans la recherche d’une solution comme elle le fera, par la suite, en Côte d’Ivoire. Des démarches essentielles pour la région mais également pour les pays sahéliens enclavés dont les ouvertures sur le monde passent par les ports d’Abidjan et de Lomé.

Pendant ce temps, Yonli doit poursuivre la mise en place des institutions, le dialogue social, la décentralisation des activités, le soutien de la croissance économique, etc. Il définira alors cinq lignes d’action : travailler à accélérer la croissance ; approfondir les réformes économiques de façon à réduire la pauvreté ; assainir l’économie pour maintenir un cadre macro-économique stable ; développer les institutions à travers une réforme de l’Etat et une meilleure répartition des rôles entre l’Etat et les autres acteurs du développement national ; bâtir et consolider la bonne gouvernance afin de préserver les acquis de la paix sociale et de fortifier les acquis démocratiques. L’évolution du Burkina Faso est alors exemplaire pour la région. Yonli ne manquera pas de me le faire remarquer. « Depuis 1991 [La Constitution de la IVème République a été adoptée par référendum le 2 juin 1991 et promulguée le 11 juin 1991], me dira-t-il, nous sommes retournés en démocratie et avons choisi de faire des réformes politiques marquées par le dialogue, la concertation, l’esprit d’ouverture. Et malgré quelques crises de croissance de cette démocratie, nous avons pu ramener toute la classe politique dans la voie de la consolidation du processus démocratique. Le choix de la démocratie était sans doute le bon choix au bon moment, l’Etat de droit offrant le maximum de chances à chaque citoyen. Nous avons travaillé à consolider la démocratie en donnant les pleines possibilités à chaque institution démocratique de fonctionner normalement en donnant la possibilité à l’ensemble de la classe politique de participer au débat national mais toujours dans le cadre des règles établies ».

A la primature, Yonli avait une ambition qui ne saurait étonner compte tenu de son parcours. Il voulait aller plus loin dans la performance « institutionnelle ». « Ce que j’aimerais le plus, en tant que Premier ministre, me confiera-t-il, c’est de transformer de façon radicale l’administration publique burkinabè. Non pas que nous ayons à en rougir ; elle est une des meilleures dans la sous-région et même en Afrique […] Mais cette administration peut mieux faire ; elle a des potentialités qu’elle n’exprime pas encore totalement ».

En novembre 2005, Compaoré va être réélu à la présidence du Faso avec 80,30 % des voix. Yonli, en fonction depuis le 7 novembre 2000, va être reconduit le jeudi 5 janvier 2006 à la tête d’un gouvernement constitué dans la foulée (6 janvier 2006). Il va battre ainsi le record de longévité à la tête du gouvernement. C’est sans doute, que tout le monde y a trouvé son compte. Il est vrai que le bilan était plutôt positif ; plus encore si on prenait en compte les contraintes externes auxquelles l’économie burkinabè avait été soumise : crise ivoirienne ; chute du dollar ; flambée des prix du pétrole ; chute « vertigineuse » du prix du coton dont le Burkina Faso était devenu le premier producteur africain…

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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