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Tiébilé Dramé, l’émissaire malien, prend ses habitudes à Nouakchott, au contact des « rebelles » du MNLA (2/2)

Publié le vendredi 20 avril 2012 à 20h42min

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Tiébilé Dramé, président du Parena, gendre d’Alpha Oumar Konaré, candidat aux présidentielles 2002 et 2007, a organisé, les 10 et 11 décembre 2011, dans le cadre de l’hôtel de l’Amitié de Bamako, une concertation sur « les crises » du Sahel à laquelle ont participé des représentants des partis politiques : Mali, Burkina Faso, Maroc, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad. Ne manquait que l’Algérie.

« Outre les menaces de grave famine qui pèsent sur la région, le Sahel est, aujourd’hui, la principale victime de l’accélération de l’Histoire dans le monde arabe, la principale victime des dégâts collatéraux de la crise libyenne, déclarera Tiébilé Dramé […] Notre sous-région subit depuis six mois la forte demande de centaines de milliers de migrants chassés par la guerre, mais aussi d’un nombre indéterminé de combattants revenus avec leurs armes comme seul viatique, assombrissant nos perspectives qui n’étaient déjà pas reluisantes ». Il ajoutera : « Ayons le courage de reconnaître que le Sahel est aussi malade de décision non prises quand il le fallait, des complaisances multiples, de renoncements et de l’accumulation des problèmes non gérés qui nous rattrapent ».
Il dira encore : « Il nous faut, nous situant dans une géopolitique des espaces, voir si le ventre mou de la sécurité collective ne se trouve pas moins dans le Sahel que dans le Maghreb où la bête est née et où les printemps arabes, sans dramatiser ce qui peut bien relever d’un repli identitaire, sont plus que jamais à suivre ».

Tripoli, Bamako, Alger : la boucle était bouclée. Aux activités d’AQMI, aux rapts d’étrangers « libérés contre rançon », aux trafics d’armes, Tiébilé Dramé ajoutera le trafic de cocaïne, « des côtes latino-américaines à celles de l’Afrique », estimant que, de 2004 à 2010, 50 tonnes destinées au marché européen ont transité par le Sahel, soit, en valeur, 2 milliards d’euros. Fin 2011, la dimension politique de ces « crises » ne se posait pas pour Tiébilé Dramé !

Une dimension politique exposée par Ibrahim ag Mohamed Assaleh. Député de Bourem (non loin de Gao) depuis 2007, il est vice-président, chargé des relations extérieures, du Réseau de plaidoyer pour la paix, la sécurité et le développement des régions Nord-Mali (composé de membres des communautés songhaï, peule, arabe et touarègue).

Retraçant l’historique des « rébellions du septentrion », le député notera que « le pacte national n’a […] jamais été respecté » et que les unités spéciales, composées en majeure partie de Touareg pour protéger la zone, n’ont vu le jour qu’en 2010 sans jamais être dotées de moyens logistiques et d’armes. Il dressera alors, un mois avant le déclenchement de la « guerre » contre Bamako, un état des lieux de la situation qui prévaut dans le Nord : « Voilà qu’aujourd’hui, ces mêmes unités spéciales ont déserté pour regagner le nouveau front séparatiste dénommé MNLA […] qui a été créé tout récemment le 15 octobre 2011 et qui regroupe, en son sein, les jeunes combattants des ex-rébellions des années 90, de celle de 2006, des jeunes du MNA (Mouvement national de l’Azawad), des jeunes revenus de la Libye et des officiers, sous-officiers et hommes de rang ayant déserté, une importante colonie de jeunes songhai des ex-mouvements Ganda Koi et Ganda Iso qui ont, eux aussi, rejoint Zakak, base militaire du MNLA, tout récemment, auxquels s’ajoutent, dans leur majorité, les leaders politiques du Nord qui se sont battus, tout au long de ces années, pour la pacification, le développement et le bien être des populations des régions Nord-Mali, toutes ethnies confondues ».

A Zakak, au Nord-Est de Kidal, Ibrahim ag Mohamed Assaleh disait que sont regroupés des milliers d’hommes « qui disposent des équipements les plus sophistiqués en terme d’artillerie, d’infanterie et de missiles sol-sol et sol-air ». « Leurs objectifs, ajoutait-il, est en priorité d’assainir et de rendre visible leur zone étouffée par deux graves calamités qui entravent leur liberté et qui corrompent des membres de leur communauté au vue et au su de nos autorités : AQMI et le narco-trafic qui polluent nos territoires depuis dix ans et qui sont la base de l’insécurité et du sous-développement dans le Sahel ».

Les événements du 17 janvier 2012 ne pouvaient donc surprendre le pouvoir politique à Bamako. Et chacun, à sa manière, a instrumentalisé les tensions qui s’exprimaient dans le Nord. Y compris Tiébilé Dramé qui va surfer sur la vague touarègue. Le samedi 11 février 2012, soit tout juste deux mois après la tenue de la Concertation sur la crise sécuritaire au Sahel, il réunira les fédérations de son parti sur le thème : « Paix, sécurité, cohésion sociale et intégrité territoriale du Mali », et annoncera le report du conseil national du Parena. « Si nous n’arrivions pas à faire taire les armes, et ramener la paix dans les prochaines semaines, n’avons-nous pas à nous poser des questions sur les élections présidentielles de 2012 ? ». Qui pouvait croire, alors, que le scrutin présidentiel pourrait se tenir cette année ? D’autant plus que le déclenchement de la « guerre » par le MNLA permettait aux groupes terroristes présents dans la région de sortir de derrière les dunes. Et, voilà que les militaires maliens, peu enclin à aller combattre au Nord, ont préféré, le 22 mars 2012, s’installer au pouvoir ; d’autant mieux que plus personne ne paraissait l’exercer à Bamako. .

Sur l’échiquier politique malien, chacun cherche désormais à conquérir une position dominante, à nouer une relation clientéliste tout en établissant une connexion privilégiée avec un des acteurs extérieurs. Tiébilé Dramé, fort des relations établies de longue date avec le MNLA et Nouakchott, a pris de court tout le monde. Et s’est imposé comme l’homme de Dioncounda Traoré, président par intérim, n’attendant même pas qu’un premier ministre soit désigné pour s’ancrer durablement dans une négociation avec le MNLA sous férule du pouvoir mauritanien. N’attendant pas, non plus, que la « normalité » constitutionnelle soit établie au Mali où les militaires continuent à jouer au « petit soldat », autrement dit à se croire détenteurs d’une quelconque parcelle de pouvoir dès lors qu’ils ont le doigt sur la gâchette.

C’est la Cédéao, dont le Mali est membre, qui gère le dossier de la « crise malo-malienne » et a confié la médiation à Blaise Compaoré, président du Faso. Or, la Mauritanie n’est pas membre de la Cédéao. C’est à Ouagadougou que se tenait, le week-end dernier (14-15 avril 2012), la Conférence des forces vives du Mali dont les travaux aboutiront à l’établissement d’une feuille de route ; mais, dans le même temps, Tiébilé Dramé jouait solo du côté de Nouakchott sans aucune concertation apparente avec Ouaga.

Bamako, Ouaga, Nouakchott (sans oublier Doha, capitale de l’incontournable Qatar). La « crise malo-malienne » étend désormais ses tentacules bien loin du Nord-Mali. Et cette dispersion des énergies risque fort d’être dommageable à la mise en œuvre d’une solution durable. Les acteurs de la crise sont de plus en plus nombreux et Cheick Modibo Diarra, qui vient d’être nommé au poste de premier ministre, va devoir user et abuser de son intelligence pour contrer les « conneries » de tous ceux qui, au Mali, poursuivent dans la voie qui était déjà celle en vigueur sous ATT ces dernières années : n’importe quoi, n’importe comment pourvu que cela me rapporte ! La Cédéao va se trouver confrontée, désormais, aux ambitions de quelques pays de la région ; et ce n’est pas la meilleure des choses. La Mauritanie et le Burkina Faso sont les deux seuls pays qui ont des frontières communes avec, à la fois, « l’Azawad » et le Mali. Mais chacun sait que les relations entre Nouakchott et Ouaga sont souvent exécrables.

Le Faso, la République des « hommes intègres », intervient comme médiateur dans le cadre d’un mandat qui lui a été confié par une organisation régionale, la Cédéao. La République islamique de Mauritanie, quant à elle, est un électron libre et, dès lors qu’elle cesse d’être un régime autoritaire, une véritable pétaudière sécuritaire. Autant dire qu’après la « crise malo-malienne » on pourrait bien assister à une crise « mauritano-mauritanienne ».

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 20 avril 2012 à 22:30, par karim En réponse à : Tiébilé Dramé, l’émissaire malien, prend ses habitudes à Nouakchott, au contact des « rebelles » du MNLA (2/2)

    OUF enfin c’est fini cet article á charge. Mediateur par-ci et mediateur par la pour le PF. Il oublit les problèmes du Faso notre preseident. On dit chez nous en Afrique Mr.Bejot,ce n’est pas une seule plui qui remplit le marigot du village : les malien dont Dramé peuvent entreprendre des mediations parallèles avec qui ils veulent, si ca peut amener la paix et moins de misère et de mort dans leur pays le Mali-Ba. Blaise n’a pas le monopole de la mediation d’autant qu’il est téléguidé par la France et ses conseillers occultes comme vous. Les millitaires ont bien vu le rôle du mediateur de la CEDEAO,Blaise Compaoré ainsi que le président de la cedeao, ADO qui defendent les interêts de la France. Voila pourqoui ils ont tenu á garder la réalité du pouvoir et á ne pas aller. Bravo cher Capi Sanogo. Une question á vous Mr. Bejot : pouquoi Alain Juppé, le Ministre Francais des Rélations Exterieures réclament le dialogue avec les Touaregs et son MNLA (Dont les vrais dirigeants resident en France) alors ATT, le pauvre ne faisiait que ca et que la France l’a insultée, lâchée ? et que dites-vous du Ministre Ivoirien chargé de la coopération qui fait la médiation avec Djibril Bassolé au nom d’ADO et cela ne vous pose pas problème ? pourqoui celui de Mr. Dramé vous pose-t-il problème ?

  • Le 21 avril 2012 à 12:43, par MemoireVive En réponse à : Tiébilé Dramé, l’émissaire malien, prend ses habitudes à Nouakchott, au contact des « rebelles » du MNLA (2/2)

    Sans être versé dans le triomphalisme notoire des medias burkinabé, au contraire de leur peuple plus vigilant, vous auriez du ajouter à vos arguments le fait que la Mauritanie connait mieux le Nord Mali que le Burkina (elle a une forte population touarègue plus proche de celle du Mali que la notre, elle a déjà combattu AQMI et les salafistes, c’est un pays islamique et les rebelles sont des musulmans) ; le Burkina est ignorant de tout çà et si la CEDEAO avait une stratégie et si le Président du faso n’était pas trompé par son rapide triomphalisme, le mandat de la CEDEAO ne devrait pas être géré sans la participation pleine de la Mauritanie. Le Burkina n’a pas à utiliser cette crise pour régler son différent avec la Mauritanie. Et, quel est même ce différent : le Burkina s’est attaché les services d’un opposant mauritanien, le conseiller personnel du président, marchand de rebelle alors que le Mauritanie et le Mali d’Att ont lancé la Fatwa contre le paiement des rançons. Bref, l’appartenance burkinabé du monde diplomatique ne devait pas biaiser votre analyse, hélas !

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