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Editorial de Sidwaya : A toi mon enfant

Publié le lundi 16 avril 2012 à 02h09min

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"La colère est comme la tempête. Elle ne fait que des ravages". Souviens-toi toujours de ce proverbe africain qui, en réalité, est une sagesse universelle. Les grandes réalisations ont été faites sur la base de l’écoute, de la retenue, du consensus, de l’engagement. Les grandes destructions dans l’histoire de l’humanité sont par contre, la résultante de l’hypocrisie, de querelles, de la mauvaise foi, de l’égoïsme.

La vie est parfois moche. Il suffit d’un rien pour que tout s’écroule devant vous ou sur votre tête. Le Burkina Faso de 2011 en a fait l’expérience. Les mutineries en cascade, les casses, les viols, les morts par suite de balles perdues... tous ces faits, aussi méprisables les uns que les autres resteront à jamais comme une tache sombre dans l’histoire de notre pays. Tu en entendras parler quant tu seras plus grande et même plus tard encore. Autrefois, cité comme un havre de paix, une destination sûre des investisseurs, un modèle de stabilité..., les périodes folles de l’année 2011 ont contribué fortement à ternir l’image du Burkina.

La plus grande trahison, est de suivre le monde comme il va et d’employer l’esprit à le justifier. Conscient de cela, le président du Faso Blaise compaoré a décidé, en son temps, de jouer la carte du dialogue pour sortir le pays de la mauvaise passe. Le chef suprême va ainsi, procéder à des réajustements. Un nouveau Premier ministre est nommé : Luc Adolphe Tiao, un communicateur ! Certains ne vendaient pas cher sa peau. Beaucoup se sont étonnés du fait qu’au lieu de nommer un économiste à ce poste pour coller avec les pratiques courantes en Afrique, le président du Faso ait choisi un communicateur. Mais cela ne semble pas être la préoccupation du nouveau Premier ministre. Très vite, il prend ses marques et se met au travail.

Au passage, il met en place, un gouvernement. Comme un sapeur-pompier, il commence à dérouler les tuyaux, à développer des stratégies pour éteindre l’incendie qui consumait le pays. Rien, en effet, ne résistait à la folle rage des manifestants : gouvernorats, commissariats, véhicules publics,... Tout était systématiquement réduit en cendres. Les commerces et autres biens privés en ont également fait les frais. S’engage alors une course contre les pyromanes pour sauver le Burkina Faso, le pays des Hommes intègres. Le diagnostic fait état d’un mal suffisamment grave. Le dialogue, la concertation, la communication ont été prescrits comme les principaux remèdes capables de ramener le pays sur la bonne voie ? : échanges directs avec les étudiants, les syndicats, les militaires et paramilitaires, les commerçants, les forces vives, etc.

A chaque occasion, un appel au calme est lancé, des engagements sont pris pour honorer les attentes des uns et des autres et dissiper les craintes, les angoisses. Une partie de la classe politique a trouvé l’occasion trop belle pour se positionner et espérer que le vent change de direction. Espoir déçu.
Mon enfant, voilà donc, de façon schématisée, ce que ton pays, le Burkina Faso, a connu en 2011. Avec le temps, tu en sauras davantage sur cette crise.

En son temps, mes activités professionnelles qui me contraignaient parfois à passer la nuit au service, couvre-feu oblige, ne m’ont pas permis de veiller véritablement sur toi. Tu en as souffert de cette situation malgré ton jeune âge. Je m’en suis rendu compte seulement le jour où tu as refusé de te rendre à l’école de peur que "les gens ne viennent tirer sur vous". J’ai alors compris que même à cinq ans, on est témoin des réalités du monde. Et qu’à cet âge, on pouvait être aussi affecté par les conséquences de la bêtise humaine. Comme toi, des millions de Burkinabè ont été traumatisés. Des millions d’enfants sont marqués à vie...

Heureusement que l’action gouvernementale a permis un retour au calme. Heureusement que les Burkinabè se sont ressaisis. Heureusement que la fermeté a permis, à un moment donné, de siffler la fin de la récréation. En un an, Luc Adolphe Tiao et son équipe ont réussi de grandes choses. Le pays est redevenu fréquentable. Le Burkina Faso est en train de redorer son blason sur la scène internationale. L’expertise burkinabè est même mise à profit pour ramener le calme, la quiétude, la paix dans certains pays de la sous-région... Le pays revit, prospère, espère.

En un an d’action, beaucoup de choses ont été faites, mais tout n’est pas réglé. Loin de sombrer dans l’autosatisfaction, il faudra plutôt, à l’occasion, faire le point des instances. Il faut éviter d’être comme ces gens qui regardent la télévision, une télécommande en main, changeant sans cesse, de chaîne pour ne voir que les séquences les plus belles. La politique de l’autruche ne saurait être une option salutaire pour un pays qui a besoin du concours de tous ses fils et filles pour se développer. Retiens mon enfant, qu’être Homme est un privilège. Il nous faut donc en être dignes. Aussi, il ne faut pas croire que l’avenir d’un jeune, c’est de devenir vieux. Non ! Il ne faut pas attendre sans agir, sans réagir. Rien n’est jamais définitivement réglé. Le retour au calme obtenu par les autorités du pays, un an après le déclenchement de la crise, n’est qu’une victoire d’étape. Et une simple victoire d’étape ne fait pas toujours d’un coureur cycliste, un maillot jaune ! Pour la victoire finale, il faut maintenir le rythme et au besoin, accélérer.

Le tout, c’est de rester vigilant et de ne pas baisser la garde. Quand tu tiens une personne qui se débat, ton étreinte se resserre à chacun de ses soubresauts, ton attention reste braquée, guettant toute tentative de fuite. Mais quand elle se laisse faire, alors toute méfiance s’endort progressivement et ton étreinte se relâche inconsciemment. C’est psychologique. Mon enfant, il est vrai que tu as souffert, mais sache que le temps ne s’est pas arrêté.

La vie continue. Ressaisis-toi. Il ne faut jamais oublier cette belle pensée de Jean-Paul Sartre, selon laquelle, "l’essentiel pour l’homme, ce n’est pas ce qu’on a fait de lui, mais plutôt ce qu’il fait de ce qu’on a fait de lui". Porte-toi bien.

Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA (rabankhi@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 16 avril 2012 à 11:02, par Sougri En réponse à : Editorial de Sidwaya : A toi mon enfant

    Chapeau l’artiste...Eh oui c’est de l’Art

  • Le 16 avril 2012 à 11:42, par Yéti En réponse à : Editorial de Sidwaya : A toi mon enfant

    Belle plume M. ZIDA ;
    c’est le premier de tes éditoriaux que je lis. Ton français est parfait (en tout cas beaucoup mieux que le mien et celui de bien d’autres). Ton sujet ne m’a pas paru clair et ta façon de le traité encore moins. Enfin c’est ton droit. Moi je perçois dans cet écrit un potentiel qu’il ne faut pas gâcher en poésie. Tu peux être plus simple plus direct et faire des propositions concrètes. Il faut dire ici par exemple clairement que tu fais le bilan ou le récit d’un an de LAT. Mais pourquoi ce sujet ? Si c’est parce qu’on fait la médiation au Mali tu es à côté car ça c’est depuis Laurent Bagbo jusqu’à Soudan et Darfour.
    Pour le "compaoré" de Blaise là, on ne va pas continuer à accepter que c’est l’ordi dèh ! il faut t’assurer que tout est en majuscule même si pour cela tu restera encore longtemps au bureau au détriment de ton enfant. Ne fais pas croire à ta petite qu’étant DG, tu auras plus de temps à lui consacrée:Bien au contraire !
    Bon courage et merci de nous redonner gout à la lecture de l’Éditorial de Sidwaya.

  • Le 16 avril 2012 à 12:09 En réponse à : Editorial de Sidwaya : A toi mon enfant

    Bel édito ! Très poétique...Ah 2011 ! c’était la prémière fois que j’entendais un coup de fusil résonné ainsi. Vivement que le Faso retrouve sa quiétude d’antan. Chacun de nous a sa partion à jouer : journalistes, lecteurs, politiciens, etc. God bless Burkina Faso

    • Le 16 avril 2012 à 13:58, par ld En réponse à : Editorial de Sidwaya : A toi mon enfant

      C’est bien beau de susciter de l’espoir pour les burkinabés ! Malheureusement notre Gouvernement a perdu le contrôle du gouvernail ; il ne gouverne plus depuis l’arrivé de la crise ! Il s’emploie tout simplement à résoudre les crises qui naissent spontanément par moment.Et il en sera ainsi jusqu’en 2015 !!!!!!!! Les burkinabé sont devenus tous des poudrières ambulantes ; si tu bute sur lui il explose avec toi comme un kamikaze.La mal-gouvernance de Blaise depuis le 15 octobre 87 en ait la principale cause.Prions que Dieu nous sorte de là !!!!!!!!!

  • Le 16 avril 2012 à 14:03, par dinkous En réponse à : Editorial de Sidwaya : A toi mon enfant

    Quelle plume ! Félicitations pour votre article.
    En effet l’avenir d’un jeune n’est pas seulement de devenir vieux, mais quel vieux sera-t-il ?
    Très sagement, avec profondeur et sans voyeurisme, vous avez relaté des faits troublants que nous avons tous vécus, les fesses serrées. Que Dieu continue à bénir le Burkina et que surtout qu’il change davantage la mentatlité des concitoyens contenus par un instinct revenchard et un trait arbitraire.
    Autrement, nous vivrons avec sursis sous la menance de cette géante épéé de Damoclès.

  • Le 16 avril 2012 à 19:25 En réponse à : Editorial de Sidwaya : A toi mon enfant

    griotisme
    tu suis la voie de celui qui est à la présidence
    bon vent

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