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Autant le dire… : Pour le coton, il fallait faire le point

Publié le mercredi 11 avril 2012 à 02h40min

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« Nous ne voulons plus de ces fora où la rhétorique prend le pas sur les résultats. Soyez donc pragmatiques et réalistes. Je demeure convaincu que toutes les compétences sont ici réunies et vous êtes capables de trouver des solutions consensuelles et des approches susceptibles de donner un nouvel élan au développement et à la pérennité de notre filière cotonnière ». A lancé le Premier ministre Luc Adolphe Tiao à l’ouverture des états généraux de la filière cotonnière. Il n’a pas tort car la filière cotonnière burkinabè mérite bien qu’on lui trouve un cadre bien défini dans lequel elle se dynamisera durablement.

En effet, il n’est un secret pour personne que depuis 2004, la filière qui procure des rentes à plus de 4 millions de Burkinabè, en même temps qu’elle leur assure la production céréalière est dans les tourments. Assaillie de partout, elle fait face à plusieurs difficultés. Sur le plan international, la filière dépend énormément des cours mondiaux de la fibre, mais également de celui du dollar et doit affronter les subventions des Etats-Unis et de l’Europe à leurs producteurs. Ce qui est une réalité ; mais là n’est pas seulement le problème de la filière cotonnière burkinabè. Elle se trouve également confrontée à ce qui apparaît comme des intérêts divergents de ces acteurs. Notamment entre les producteurs et les sociétés cotonnières.

Les uns accusent les autres de « construire leur avenir sur leur dos » et les autres, comme des enfants de chœur, soutiennent le contraire. Ce qui est évident, est que les producteurs de coton tels qu’ils sont actuellement ne sont plus les mêmes, il y a dix ans, voire cinq en arrière. « Nous avons fait les mêmes écoles, seulement ils ont eu plus de chance que nous. Ce qu’ils savent faire, nous le savons. Souvent mieux parce que nous sommes sur le terrain », avait lancé un producteur des documents tirés sur internet dans la main au cours des manifestations sur les prix des intrants. Autrement dit, chacun sait aujourd’hui où se trouvent ses intérêts et en aucun cas, ne se laissera gruger par l’autre. C’est pourquoi, il était temps de poser les vraies questions. Qu’est-ce que gagne un producteur de coton après avoir emblavé cinq ou dix hectares de coton ? On le sait très bien.

Le coton a de nombreux sous-produits dont les plus en vue sont la graine à partir de laquelle on extrait de l’huile et des aliments pour le bétail. Quelles sont les conditions d’accès des producteurs à ce dernier produit du moment où ils sont producteurs de coton et en même temps entretiennent des troupeaux avec lesquels ils produisent (fumure et traction) ? Est-ce que les parts dans les capitaux des sociétés cotonnières sont assez bien reparties pour permettre au producteur de bénéficier au mieux du fruit de son travail ? Qu’on le dise, le premier acteur de la filière, c’est bien le producteur.

Aussi, la fixation du prix du kilogramme de coton doit être suffisamment transparente pour ne plus faire l’objet de protestations, souvent violentes ; comme on l’a observé l’année dernière. Il doit en être de même du conditionnement du coton graine sur les marchés autogérés où de petits agents découragent et annihilent les efforts de producteurs pour des intérêts souvent très personnels. Quant aux travailleurs des sociétés cotonnières, qu’ils apprennent franchement à cacher leur haut niveau de vie. C’est souvent si ostentatoire, moqueur et à la limite des foutaises que les autres acteurs ont tendance à croire qu’ils sont les dindons de la filière.

Quant à la faitière des producteurs, l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina, elle doit reconquérir sa place de défenderesse des intérêts des producteurs. Parce que, autant le dire, elle a été ces dernières années vue comme un partenaire des sociétés cotonnières, plus qu’une structure mise en place par les producteurs eux-mêmes pour les organiser et lutter pour leur cause. Et certains de ses membres ont malheureusement renforcé cette vision à travers leur train de vie. Si bien qu’aujourd’hui, il n’est pas surprenant qu’elle se trouve au milieu du débat. On peut croire que ses premiers responsables en sont suffisamment conscients et travaillent à corriger ce boulet qu’elle traine. Le gouvernement a bien fait d’asseoir le débat. Car, au-delà du coton, la filière accompagne fortement la production vivrière. Ne serait-ce que pour cela.

Dabaoué Audrianne KANI

L’Express du Faso

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