Allez donc dans ce lieu particulier où tout le monde se rencontre et où le sens de la vie est partout présent. Vous verrez que même là-bas ce n’est pas facile d’être un mort. Le lieu est silencieux mais plein de mots. Les tombes se côtoient mais n’ont pas le même prix, un peu comme au marché avec les moutons. Voilà un bon point qui va vous faire comprendre le fait que votre voisin a une belle voiture et pas vous. Mais là aussi c’est dur !

Le type il est seul dans sa tombe mais il occupe un espace qui dépasse 4 ou 5 fois la norme. Une tombe qui peut valoir une parcelle à Ouaga 2000 (là j’exagère). Soyez réaliste, les cimetières ne sont pas extensibles et il y a de moins en moins de place pour tout le monde. Alors monsieur, diminuez vos œuvres. Mais c’est comme ça : toi le pauvre, si tu meurs on te met dans un petit trou à côté du mur, si tu as la chance sur la route pour que les gens te marchent dessus jusqu’à ce que ta motte de terre s’affaisse et disparaisse. Mais ce n’est pas grave, dans la vie ou dans la mort les inégalités existent. Mais catégorie 0 ou catégorie VIP c’est même problème tu es mort et tu n’es pas à l’abri des nécrophages.

Les nécrophages ce sont ces espèces d’hommes peu scrupuleux qui vont vous piquer un organe pas pour vos beaux yeux mais pour le vendre au marché du wack. Oh ! Le pauvre gars qui s’est toujours fatigué au sport pour maintenir son beau body, n’a pas bu la bière pour éviter un gros ventre, et qui n’a jamais pensé offrir son corps à la science finira sur le gris-gris d’un scientifique occulte. Ses restes vont peut-être reposer sous un tas d’ordures et de déchets.

On lui pissera dessus et les nécrophages, encore eux, lui voleront son épitaphe et les fers de haies pour les revendre au marché du recyclage. Dieu merci, un de ces réseaux de rapace vient d’être démantelé par une patrouille de la gendarmerie de Boulmiougou. Bravo les gars !

Allez au cimetière, vous pourrez tomber sur un enterrement. C’est intéressant, un enterrement ! Surtout quand vous ne connaissez pas le défunt. Regardez les réactions. Il y a ceux qui sont réellement éplorés et qui ne savent plus comment pleurer. Il y a ceux qui pleurent pour faire comme les autres. Puis il y a ceux qui s’ennuient. Ces derniers trouvent que les commentaires durent, ils attendent à côté pour qu’au moins, à la fin, on puisse voir qu’ils étaient là. Ça s’appelle faire acte de présence. C’est de bonnes tactiques qu’on a tous fait un jour. Un oncle avait rendu l’âme un jeudi. L’alcoolisme avait fini par avoir raison de lui.

Le lendemain au cimetière, ses collègues de maquis étaient là, très éplorés, inconsolables même le propriétaire du maquis (vendeur de wisky frelaté) était là pour accompagner son plus fidèle client jusqu’à sa dernière demeure. J’observe le cirque : on l’enterre et après le groupe se retrouve au maquis en face du cimetière pour lever le coude, comme ils le disent, en la mémoire de l’oncle. Si tu es mort c’est toi qui as perdu dêh ! Mais ça ne m’étonnera pas d’entendre bientôt qu’un de ses potes l’a rejoint de l’autre côté. Le vendeur de frelaté, quant à lui, aura plus d’argent et une plus longue vie.

Revenons au cimetière.

Si c’est à Ouagadougou ça peut aller parce qu’au moins on a commencé à clôturer ces lieux. Chez les autres il faut toujours se débrouiller. Ya pas drap, hé les boss regardez le cimetière et voyez ce qu’on ferra de vous et… nous demain (dans des cas comme ça, même le journaliste évite de se mettre dedans. On a tous peur woo !).

Vous les vivants qui me lisez, j’insiste ; faites un tour au lieu le plus craint par l’homme. Cela vous rappellera finalement que vous êtes vivants, et qu’il est beau le jour quand il se lève, qu’elle est belle votre femme ou beau votre mari, que vous les aimez, vos enfants, que votre patron au finish est le seul qui vous a permis d’avoir un statut, et que même si la poche est trouée et qu’on est membre du club des aigris, la vie vaut la peine d’être vécue.

Par Bendré