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Crise ivoirienne : Et on veut accuser le Burkina !!!

Publié le samedi 23 octobre 2004 à 09h25min

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L. Gbagbo

La Côte d’Ivoire n’est pas prête pour sortir du bourbier. A qui la faute ? Certainement pas au Burkina, puisque c’est le patron du FPI en personne, le bien nommé Pascal Affi N’Guéssan qui vient de prôner sans nuance l’option de la guerre.

En exigeant la démission du Premier ministre Seydou Diarra et plus incompréhensible encore, en demandant au chef de l’Etat de reprendre les hostilités, il a "dédouané" tous les accusés de la terre d’être les responsables du mal ivoirien. De la paix, certains faucons n’en veulent pas et n’en ont jamais voulu. Leur pouvoir ne prospère et ne survit qu’au travers du chaos et du cafouillage généralisé.

L’information majeure de cette semaine est donc venue des bords de la lagune Ebrié. La communauté internationale et les doux rêveurs ont sans doute abandonné leurs illusions et beaucoup de leurs espoirs quant à une prochaine sortie de crise en Côte d’Ivoire.

Le parti au pouvoir, dans ce pays jadis cité en exemple, est en train de faire la preuve par neuf, qu’il tient à se maintenir coûte que coûte, quoi que ce jusqu’au boutisme puisse coûter à la Côte d’Ivoire. En effet, les observateurs avisés ont senti venir le vent d’un tel recul, quand s’approchait inexorablement la date butoir du 30 septembre 2004 pour l’adoption consensuelle des lois en cause et que rien sur ce plan ne bougeait.

En choisissant la tactique du blocage systématique à l’Assemblée nationale, organisé au travers d’un carton d’amendements, vidant les projets de textes de toutes les dispositions propres à dissiper les causes du conflit, le FPI préparait le récent discours maladroit et inintelligent de son président. Il inflige ainsi un vrai camouflet, pour un peu d’humiliation à tous ceux qui s’investissent depuis deux ans pour la Côte d’Ivoire. Sans égard pour tous ces sommets, ces structures et personnalités qui donnent de leur temps, le FPI et Affi N’Guéssan s’orientent inévitablement vers ce qu’il faut bien appeler une prise en otage de la communauté internationale.

L’art de la fuite en avant

La stratégie FPiste est maintenant éventée. Elle se résume en l’art consommé de souffler une fois et de mordre derrière deux fois. Pour qui suit l’évolution de la situation ivoirienne depuis janvier 2003 et l’adoption, faut-il le rappeler à l’unanimité et à la satisfaction de tous, des accords de Linas-Marcoussis, voyait qu’il y avait de l’eau dans le gaz.

De retour de cette expédition, le parti de Laurent Gbagbo sonnait les premières salves de l’hallali contre Marcoussis. Ces accords avaient à ses yeux, le défaut congénital de remettre en cause la constitution et surtout de rogner sur les pouvoirs du chef de l’Etat. Ces prérogatives que ses partisans les plus zélés, Charles Blé Goudé, Mamadou Coulibaly, Affi N’Guéssan et la tête pensante de l’ombre, l’inénarrable Simone Gbagbo ont décrété forteresse imprenable.

Les accords dès lors pouvaient aller se faire cuire un œuf, leur application se trouvant dès l’enfantement plombée. Ce barrage systématique trouvera facilement racine parce que la deuxième tête du pouvoir, le chef du gouvernement, Seydou Diarra n’aura jamais le plus petit espace pour mettre en œuvre ce pourquoi, il avait été nommé depuis les salons de l’ambassade ivoirienne à Paris.

Bien au contraire, il recevra en pleine figure et à intervalles réguliers de vrais missiles scuds, dont le dernier sonne comme le coup de grâce, sa prétendue incapacité à engager le processus DDR. Si Gbagbo qui possède tous les pouvoirs n’y est pas parvenu, que peut faire celui censé être là pour arroser les chrysanthèmes. Assurément assister impuissant au délitement de la situation.

A quelque chose …

Depuis l’élection de Laurent Gbagbo, le Burkina Faso tient la palme de la tête de Turc. L’accusé en chef, celui par qui tout serait arrivé. Mais, le temps faisant bien les choses, chaque jour qui passe les actes du pouvoir ivoirien travaillent pour le Burkina Faso. Son manque de savoir-faire, son égoïsme forcené et sa mauvaise foi, mille engagements pris, mille reniements édifient et finissent par agacer la communauté internationale. Bien que celle-ci reste muette, elle n’en pense pas moins, même si les intérêts qui se croisent dans ce pays contribuent à retarder une issue juste à la crise.

Voyant qu’un de ses lieutenants a gaffé, Gbagbo tente un énième raccommodage, en révélant dans un quotidien français que "l’option militaire n’est pas dans ses plans". Quant à savoir ce qui est dans son plan, mystère…, puisqu’il n’en souffle mot.

A l’image donc de son passé, Gbagbo a encore dédit un de ses proches, une fois que les réactions face à leur habitude d’aller à contre sens furent sans équivoque. Les soutiens à Seydou Diarra et aux accords étant venus de partout, il a vite fait d’essayer encore la diversion.

Pendant ce temps, le statu quo demeure et hormis le gouvernement de réconciliation nationale, du reste peu opérationnel, aucun point de Marcoussis et d’Accra III n’a connu un début d’application. Presque bientôt deux ans que dure cette situation de flou total, on peut se demander si les accords font encore office de fil conducteur.

Quand le dilatoire et la diversion entrent en politique, qui plus est dans le règlement d’un conflit armé civil, c’est que la fracture entre les protagonistes est très béante et sa résolution n’a de solution qu’au plan interne. Plus tôt Gbagbo et ses thuriféraires vont le comprendre et arrêter en conséquence leurs accusations fallacieuses contre les prétendues puissances extérieures déstabilisatrices, plus tôt, la crise va se résorber.

Sinon à poursuivre cette stratégie, d’indexer les rebelles qui bloquent en refusant le processus DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion), d’accuser le Burkina Faso de préparer un coup d’Etat, l’atmosphère nationale et sous-régionale déjà très polluée, deviendra irrespirable. Mais qui fera entendre raison au président ivoirien ? La réponse incertaine rend tout aussi incertaine l’issue de cette crise ivoiro-ivoirienne.

Souleymane KONE
L’Hebdo

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