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POLLUTION A LA POUSSIERE DE CIMENT : Le martyre des riverains de Diamond cement

Publié le jeudi 5 avril 2012 à 00h57min

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Les populations riveraines de la cimenterie Diamond cement, située dans la banlieue ouest de Ouagadougou, sont inquietes. Une grave pollution atmosphérique due à un rejet massif de poussière de ciment dans l’air menace leur cadre de vie et piège leur survie, avec, à la clé, un cortège de maladies respiratoires et des irritations cutanées. A la base de cette incommodante situation qui dure depuis plusieurs années, une panne technique au sein de l’usine.

Le vieux Adama Sam est devenu asthmatique depuis un peu plus de 3 ans. Il est obligé d’utiliser fréquemment un « médicament de crise ». Nous l’avons rencontré en début mars, assis au pied d’un arbre au milieu de sa cour, dans le village de Nabitenga, non loin de l’usine de Diamond cement. Il a en permanence son inhalateur. Une sorte de petite pompe dont il ne se sépare pratiquement plus depuis un certain temps. C’est du reste ce que lui a conseillé son médecin. Lorsque le vent souffle en provenance de l’usine, raconte le vieil homme, son calvaire devient indicible. Impossible pour lui de respirer. Oppression de poitrine, poussées de toux sporadiques, essoufflements deviennent son lot quotidien. Même retranché dans sa maison, il ne s’en sort pas. La poussière agaçante provenant de la cimenterie s’invite partout et n’épargne pratiquement aucun recoin de la zone. Même dans leurs derniers retranchements au fond de leurs chambres à coucher, les populations en font les frais.

De l’autre côté du village, le chef, celui qu’on appelle ici « Nabiga », se plaint aussi pratiquement des mêmes douleurs. Non loin de là, dans le village voisin de Darsalam, la vieille Zarata est aussi malade. Après une période très cruciale l’ayant même obligée à être hospitalisée, elle continue de suivre un traitement quasi permanent pour faire face à un « gène respiratoire chronique ». Les cas de ces trois personnes ne sont que les manifestations visibles d’un mal plus profond qui se profile pour les populations des villages avoisinant les installations de la cimenterie. La pollution de l’environnement aux alentours de l’usine est manifeste et visible.

Et la psychose est d’autant plus grande au sein des populations qu’une étude réalisée sur l’impact de cette pollution a conclu à l’existence de risques réels pour elles. « La simple exposition aux composantes du ciment, conclut l’étude, peut causer des maladies respiratoires de types obstructifs (asthme), des lésions parfois irréversibles de la peau et des yeux, les brûlures chimiques, la cécité, la lésion des voies respiratoires et digestives, les dermatites. L’inhalation répétée et prolongée de poussière de silice (composante du ciment, NDLR), peut provoquer une silicose qui est une maladie pulmonaire gravement invalidante et mortelle ». Selon les spécialistes, les conséquences de ce genre de pollution sont plus perceptibles, surtout dans le long terme. C’est dire à quel point la situation est préoccupante.

Vivre en sursis !

Les populations, lasses d’attendre la réaction de l’entreprise pour trouver une solution au problème, ont décidé, en 2010, d’ester en Justice, après s’être attaché les services d’un avocat. Diamond cement a préféré éviter la confrontation judiciaire, en proposant plutôt un règlement à l’amiable. Le compromis est trouvé avec l’engagement de l’entreprise de prendre des dispositions techniques en vue d’une diminution significative du rejet de poussière. Et aussi la réalisation d’un certain nombre d’infrastructures sociales au profit des populations. En retour, la plainte des populations a été retirée.

Plus d’une année après, les habitants de la zone font l’amer constat que les engagements pris par Diamond cement ne sont pas respectés. Pire, leurs conditions de vie se détériorent davantage. La poussière devient de plus en plus débordante. En arrivant dans la zone à une période de la journée où l’usine est en activité, l’on reste parfois songeur. Le spectacle est tout simplement pathétique. Le blanc sale qui se substitue progressivement au vert sur le couvert végétal, au fur et à mesure que l’on s’approche de l’usine, est illustratif de l’ampleur du phénomène. Sur les toitures et les persiennes des habitations, l’épais dépôt poussiéreux à la couleur blanchâtre du ciment est constant.

Le premier contact avec l’air ambiant ne laisse pas le visiteur qui y va, pour la première fois, indifférent. Le picotement des narines, donnant lieu parfois à une toux passagère ou des éternuements intempestifs, ainsi que le fin larmoiement consécutif au croisement des vents en provenance de l’usine avec les yeux, sont autant de signes tout aussi parlants. A croire que des gens vivent permanemment dans un tel environnement, l’on a le tournis. Pourtant, c’est bien cela, le triste sort de ces populations. Dans le village, explique une habitante de Darsalam, « si jamais une femme s’aventure à conserver de l’eau dans un récipient non couvert, au bout de quelques temps, cette eau est polluée.

Elle est recouverte par cette poussière blanchâtre ». Inutile de dire que la consommation d’une telle eau est dangereuse pour la santé. « Nous vivons en sursis ici », lance un jeune homme quelque peu résigné. Puis il poursuit : « Figurez-vous que même tout ce que nous consommons est pollué par cette maudite poussière. Impossible de prendre un repas en plein air, au risque de le voir polluer. Même dans les maisons, la poussière est présente… ».

A l’école primaire de Nabitenga, située non loin de là, enseignants et élèves subissent de plein fouet les effets de cette poussière. Toux, rhume, teigne, bronchite, angine, conjonctivite, … sont autant de maux dont souffrent les élèves au quotidien, témoigne un enseignant. Selon lui, cela a forcément des répercutions négatives sur le rendement scolaire des enfants. Préoccupés à tousser ou à se moucher permanemment, l’enfant ne peut suivre convenablement les cours. Aussi, l’enseignant est obligé de se protéger avec un cache-nez. Or, poursuit-il, en se couvrant le nez et la bouche, il devient difficile de parler.

Les animaux aussi…

Il n’y a pas que les hommes qui en pâtissent dans cette affaire. A en croire l’étude évoquée plus haut, le sol et, par ricochet, les productions agricoles s’en trouvent aussi affectés. Les cultures ne peuvent produire de façon efficiente parce que le dépôt chimique a un impact négatif sur les feuilles des plantes. Les arbres fruitiers, tels les karités et les manguiers de la zone en font aussi les frais. Au moment de la floraison, les composés chimiques du ciment sont très nocifs.

Autres victimes de taille, les animaux. La consommation des feuilles recouvertes de poussière de ciment leur est souvent fatale. L’étude le relève. En plus, selon les témoignages, il est fréquent que des animaux tombent malades et succombent, à la suite de longues diarrhées. Les diagnostics des vétérinaires appelés, à certaines occasions, pour faire les constats n’infirment pas cette thèse d’ « intoxication au ciment »… Aujourd’hui, la tension est remontée d’un cran entre les deux parties. Les populations commencent à montrer des signes d’impatience. Et on n’hésite pas à exprimer son ras-le-bol. Pour certains, le temps est venu d’en découdre définitivement avec l’entreprise pour avoir la paix. Du côté de l’entreprise, on soutient être à pied d’œuvre pour tout régler.

Le « MIP », une pièce de l’usine dont la défaillance serait à la base de cet important rejet de poussière, serait sur le point d’être changé. Une nouvelle pièce commandée serait en cours de route. Chez les villageois, on ne semble pas l’entendre de cette oreille. Il y a eu, dit-on, trop de promesses non tenues. « Cela fait maintenant près de 8 ans que le problème perdure », rappelle un vieillard…

Par Y. Ladji BAMA


Au-delà de la poussière !

Les nuisances sonores constituent un autre casse-tête pour les populations riveraines de Diamond cement. Parfois, témoigne un habitant, il est impossible de fermer l’œil la nuit. En plus des vrombissements quasi permanents des machines, le déchargement des camions transportant les gros cailloux à concasser engendre des bruits assourdissants. Sans oublier ces hauts-parleurs stridents, utilisés pour appeler les camions d’expédition du produit fini à se positionner pour le chargement. Toutes ces nuisances ont contribué à faire de la vie dans cette localité un véritable enfer sur terre, aux yeux de nombreuses personnes. Et ce n’est pas tout. Les conditions de vie et de travail des agents au sein de l’entreprise suscitent des gorges chaudes…

BYL

Le Reporter

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Vos commentaires

  • Le 5 avril 2012 à 04:48 En réponse à : POLLUTION A LA POUSSIERE DE CIMENT : Le martyre des riverains de Diamond cement

    Ces gens vivent un enfer ! Que fait l’etat pour faire executer les decisions judiciares ? Que ces populations repartent en justice avec Diamond avec une armee d’avocats ! C’est quoi cette folie ? C’est vraiment injuste d’infliger de telles souffrances a des personnes deja demunies ! Oh, mais c’est parce qu’elles ne sont pas les MOGO PUISSANTS que tout cela se passe...Mon pauvre pays...

    Amnatou

  • Le 5 avril 2012 à 08:49 En réponse à : POLLUTION A LA POUSSIERE DE CIMENT : Le martyre des riverains de Diamond cement

    depuis 8 ans que ça dure et avec ça on dit que les burkinabè ne sont pas patients. que font les différents ministères comme la santé,l’environnement etc ? c’est un permis à tuer qui a été délivré à la société diamond cement sinon elle devait etre fermer depuis longtemps

  • Le 5 avril 2012 à 12:44 En réponse à : POLLUTION A LA POUSSIERE DE CIMENT : Le martyre des riverains de Diamond cement

    L’état est toujours aussi incapable de faire respecter la loi et textes en vigueur pour les industries. Il existe un code de l’environnement et toute industrie se doit d’empêcher toute pollution de son environnement. Il faut que tous ces malades aillent en justice pour un procès car, de toute façon, même s’il y avait un accord à l’amiable, il n’a pas été respecté par l’entreprise. Et, puis, même si l’entreprise l’avait fait, ils ne retrouveront plus leur santé d’antan et, pire peuvent mourrir de cancer ou autres maladies pulmonaires dégénératives. A cause des souffrances et des traitements, ils doivent être dédommagés.

  • Le 5 avril 2012 à 13:14 En réponse à : POLLUTION A LA POUSSIERE DE CIMENT : Le martyre des riverains de Diamond cement

    Bonjour
    Pour répondre à cet article , merci au journaliste qui a bien voulu écouter la population qui vit cette situation depuis de nombreuses années. Il ne faut pas oublier que l’entreprise se trouve en terre africaine et se donne le privilège de faire tout ce qu’elle veut en oubliant la santé de la population et même de ses employés.Ce que Diamont cement fait au burkina elle ne peut le faire dans aucun autre pays en Europe.Il reste à cette population de se mettre debout et touver une solution à sa survie car Diamont cement se moque éperdument de leur situation.(voyez le cas de TOTAL ou SHELL au Nigeria )

  • Le 5 avril 2012 à 23:28 En réponse à : POLLUTION A LA POUSSIERE DE CIMENT : Le martyre des riverains de Diamond cement

    Et dire que cette même entreprise est sur le point d’acquérir un terrain à 25 km de Bobo pour implanter une seconde usine principalement dans le village de Noumoudara. Les habitants sont beaucoup divisés aujourd’hui sur l’opportunité de cette usine mais les responsable de Diamond particulièrement Mr Diendéré directeur commercial use de tous les moyens pour arriver à ses fins : corruption, achat de conscience, abus d’auutorité. Pauvres villageois de Noumoudara, Finlandé tout Tiéfora reveillez vous. Ne vous laissez pas entrainé par un chef corrompu, irresponsable, lèche-botte, opportuniste.
    A bon entendeur salu

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