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IL FAUT LE DIRE : Le grenier du Burkina menacé par le métal jaune

Publié le mercredi 4 avril 2012 à 02h30min

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« Boom minier  », une expression qui, même méconnue, se vit jusqu’aux localités les plus éloignées du Burkina Faso, quand on sait le grand nombre de sites aurifères que compte le pays. Selon les statistiques, on estime à environ 6005 permis d’exploitation d’or qui ont été délivrés dans ce pays à des sociétés canadiennes, australiennes, sud-africaines. A côté de ces exploitants industriels existent plusieurs autres sites semi industriels et artisanaux, légaux ou clandestins. La région du Sud-Ouest, avec une soixantaine de sites dont 47 actifs, doit être à la tête du peloton. Un nombre qui donne de la sueur froide quand on sait que la région s’étale sur près de 16 318 km2 pour une population de 620 767 habitants, selon les données du Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH 2006).

Suivant cette même source, plus de 80% de la population active tire ses revenus de l’agriculture, l’élevage, la pêche. Des activités qui dépendent des ressources de la terre. C’est ce rapport de dépendance qui inquiète plus d’un sur l’avenir de cette population, au regard de la poussée vertigineuse des sites aurifères. L’orpaillage est une activité destructrice de terres, de l’eau, de la flore et de la faune. Et si certains paysans ou autorités vendent volontiers leurs terres aux orpailleurs, d’autres en sont expropriés après présentation, très souvent de fausses licences ou par de simples intimidations. Dans une telle situation, les services administratifs se voient survolés et ne se rendent compte de l’installation d’un site qu’après coup.

Cela a pour conséquences, la dégradation progressive de milliers d’hectares de terres, la déforestation, l’assèchement des cours d’eau, quand des galeries souterraines parcourent les lieux d’exploitation. A titre d’exemple, un maire du Sud-Ouest se plaignait du fait que la population n’a plus de terres pour cultiver, et que leurs animaux sont souvent pris au piège des glissements de terrain sur les anciens sites aurifères. Plus loin, dans la province du Noumbiel, des activités d’orpaillage se mènent seulement à quelques mètres d’une forêt départementale. Et pour les services de l’environnement de la province, l’arrivée des orpailleurs dans la forêt classée de Koulbi, la 7e plus importante du pays en termes de superficie (40 000 ha), est à craindre.

Déjà, un site est installé entre 3 et 5 km de cette réserve et ce n’est pas la dizaine d’agents présents sur le terrain qui pourront freiner l’avancée de ces individus qui ne reculent devant rien quand ils découvrent un « filon ». Des mouvements d’hommes constatés en début du mois de mars 2012 dans cette forêt nous permettent d’affirmer qu’ils y sont déjà, ne serait-ce qu’à la recherche des traces. Ce ne sera pas un crime, de le reconnaître car de façon générale, les sites sont identifiés seulement quand il y a de l’affluence, alors que Koulbi ne peut être parcouru chaque jour. Mais au-delà de Koulbi et de la région du Sud-Ouest, c’est toute la zone ouest, grenier du Burkina, qui souffre du mal de l’orpaillage. Et en dehors des 47 sites, la zone en compte 5 autres dans la Boucle du Mouhoun, 12 dans les Cascades, et 7 dans les Hauts-Bassins.

Il y a comme une concurrence avec l’énorme potentiel (bonne pluviométrie, bonnes terres, grand nombres de périmètres irrigués), dont dispose l’Ouest pour l’activité agro-sylvo-pastorale. Nous en voulons pour preuve, l’excédent céréalier apporté cette année par les quatre régions, pour combler le déficit des 146 communes déficitaires.
Après la campagne humide 2011-2012, ces différentes localités ont été une fois de plus invitées à la production de la campagne sèche, à travers l’opération « Bondofa » lancée le 4 novembre 2011. Sur les 9 000 ha prévues et 50 000 tonnes de céréales attendues, la grande partie devait être fournie par les quatre régions. La région des Hauts-Bassins avait emblavé 1 000 ha pour près de 7 000 tonnes environ.

Malgré les 127,43 milliards de F CFA reversés au budget de l’Etat en 2011 et les 4 556 emplois permanents, l’exploitation de l’or ne doit pas empiéter autant sur les activités agricoles, de l’élevage et détruire l’environnement, facteurs d’un développement durable. L’orpaillage, il faut le dire, nuit véritablement à l’agriculture, l’élevage et même la pêche et pourrait être source de problèmes sérieux. Le paysan par exemple, en abandonnant sa terre aux orpailleurs, se retrouvera sur d’autres terres à la recherche d’un champ de culture, et cela engendrera des conflits entre agriculteurs, ou entre ces derniers et les orpailleurs. Les vieux démons nés des clashs agriculteurs et éleveurs vont s’intensifier et pire, le cheptel pourrait manquer d’eau, et même de pâturages.

L’environnement prendra un coup du fait de la forte dépendance en bois, des activités d’orpaillage, du besoin d’eau pour laver le minerai. Les eaux sont polluées par les produits utilisés (mercure, cyanure) souvent dans les cours d’eau dont beaucoup sont des affluents du Mouhoun, une situation qui peut facilement nuire aux relations avec les pays voisins. Enfin, 45 des 63 forêts classées que compte le pays dans le grand Ouest, sont menacées et la population faunique aussi. A la longue, c’est tout le pays qui pourrait manquer de terres cultivables dans la mesure où il y a des sites d’or dans la quasi-totalité des régions du pays. Alors, plutôt que de jouer la politique de l’autruche, il convient de prendre le problème à bras le corps pour éviter le pire qui n’est peut être pas loin.

Il faut donc sauver notre agriculture qui occupe plus de 80% de la population en limitant le nombre de sites aurifères, plutôt que de s’adonner à l’exploitation de l’or qui ne dure que peu de temps. Autrement, c’est la vie de plus de 15 millions d’âmes qui est en jeu.

Tielmè Innocent KAMBIRE

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 4 avril 2012 à 09:28, par Tiefary En réponse à : IL FAUT LE DIRE : Le grenier du Burkina menacé par le métal jaune

    Formidable article ! Grand merci au journaliste. Mais je parie que ce problème n’intéresse pas pour le moment ces "décideurs". C’est quand les payants dépossédés et affamés viendront remplir les villes et que les hordes des laissés pour compte se soulèveront pour réclamer à manger qu’on dira à la « communauté internationale » d’aider le « pays malheureux ». Et profitant de cette misère, un « Sanogo » opportuniste s’auto proclamera « sauveur » de la république pendant que les uns et les autres demanderons l’indépendance. Ca commence toujours comme-ca. Mais Salifou Kaboré (ministre de l’or) est occupé à se remplir les poches avec la corruption autour de la vente des permis d’exploitation d’or et Blaise Compaoré lui est occupé à chercher des médiations (no time for Burkina), et les pilleurs de la République (chercheurs d’or) profitent de cela pour détruire le Burkina Faso et s’en aller. A bon entendeur salut. Mais c’est aux populations de mettre fin à cette merde en sifflant la fin de la recréation par des protestations. Tiefary.

  • Le 4 avril 2012 à 09:34, par Idée En réponse à : IL FAUT LE DIRE : Le grenier du Burkina menacé par le métal jaune

    Bon article ! De réels efforts d’analyse. C’est toujours bien de sensibiliser une certaine opinion qui ne voit que des intérêts pécuniers dans l’exploitation minière au détriment de ses énormissimes conséquences négatives.Toutefois, il est à douter sérieusement de trouver des oreilles attentives à cet appel,vue l’orientation capitaliste libérale de toutes nos politiques sans exception. Mais cela n’enlève rien à l’intérêt de l’article. Nous sommes victimes de l’orientation économique de notre pays. Au nom du capital, on permet tout ou presque. Le reveil sera douleureux, très douleureux.

  • Le 4 avril 2012 à 10:43, par Sebgo En réponse à : IL FAUT LE DIRE : Le grenier du Burkina menacé par le métal jaune

    Bravo ! et très bel article, au moins quelqu’un pour tirer la sonnette d’alarme, car ce fléau menace directement l’environnement, la santé et l’agriculture. le pire est que les autorités ne voient que l’intérêt immédiat sans tenir compte des conséquences dramatiques qu’en résultent. la question est a savoir s’il y a des redevances prévues pour compenser les dégâts que causeront ces activités, mais la plus grande question reste a savoir si ces redevances serviront vraiment ce pour lequel elles ont été collectées ou si elles finirons leur course dans un canari enterré dans la cour d’un ministre.

  • Le 4 avril 2012 à 10:53, par sam moïse En réponse à : IL FAUT LE DIRE : Le grenier du Burkina menacé par le métal jaune

    Très bien dit !
    Il va falloir que le gouvernement rende publique les accords sur ces mines d’or pour que l’on sache quel est la part du pays, donc des population dans cette affaire.

    • Le 4 avril 2012 à 13:00, par Dima En réponse à : IL FAUT LE DIRE : Le grenier du Burkina menacé par le métal jaune

      C’est trop gros comme morceau. Demandez d’abord le point sur le document de l’aménagement du territoire. Ensuite au MATDS le niveau de collaboration avec le Ministère en charge des mines en ce qui concerne le droit du public à l’information pas sur l’or mais sur les retombées locales au le plan social, environnemental et économique.
      Quelles synergies entre ce boom de l’or et les structures de contrôle des contrats signés. Ou bien c’est le sauve qui peut MEF ?

  • Le 4 avril 2012 à 12:01, par max En réponse à : IL FAUT LE DIRE : Le grenier du Burkina menacé par le métal jaune

    Belle analyse avec une belle plume. Article très intéressant à lire. Votre problématique est bien posée sauf que je ne perçoit pas une franche interpellation aux autorités afin que des mesures idoines soient prises pour freiner la mauvaise pratiques d’exploitation des mines et d’assèchement de nos terres spoliant ainsi les paysans de leur bien.
    Votre article peut être mise en compétition car à ce que je sache, le ministère de la communication prîme certains articles lors de certaines compétitions.

  • Le 4 avril 2012 à 12:44 En réponse à : IL FAUT LE DIRE : Le grenier du Burkina menacé par le métal jaune

    Voilà qui est bien dit et bien analysé. De cette exploitation minière c’est vraimentl’orpaillage qui est la plus dangereuse car elle n’est pas du tout encadrée , chacun fait ce qu’il veut sr les sites ,rien n’est respecté en matière de protection de l’environnement ce qui compte c’est se faire plein les poches le plus vite possible ,peu importe la manière et c’est vraiment domage. Jai peur pour l’avenir de ce pays. A laisser les choses aller ainsi je n’ose pas imaginer ce pays dans 25 ans ou 30 ans de plus mais ce qui est sure ce sera loin du burkina émmergeant que nos politiciens entonnent sans connaitre véritablement à quoi cela rime !

  • Le 4 avril 2012 à 14:32 En réponse à : IL FAUT LE DIRE : Le grenier du Burkina menacé par le métal jaune

    Brovo !Monsieur le journaliste pour ton analyse et courage la population compte sur vous pour se faire entendre.

  • Le 4 avril 2012 à 14:58, par Merde@.fr En réponse à : IL FAUT LE DIRE : Le grenier du Burkina menacé par le métal jaune

    J’aurai prefere qu’on vende mon plus beau pays et nous laisser la paix.Que se passe t-il ?
    On pale de permis d’exploitation ;je pense que l’etat encaisse pour lui ?Qui est l’etat ?Pouquoi alors toujours augmenter le prix du carburant sous pretexte de charge ?
    Que l’ame de ma chere patrie repose en paix.
    Amina.

  • Le 4 avril 2012 à 15:24, par TIENFO En réponse à : IL FAUT LE DIRE : Le grenier du Burkina menacé par le métal jaune

    je loue la pertinance de l’analyse. Il faut effective se mettre à l’évidence que nos dirigents se moquent de leur peuple quand ils leur font croire que cet type d’exploitation de notre or apporte des dividente au trésor public. ils se remplisse plutot les poches. il n’ya qu’a voir les chateaux qu’ils construisent ( nos dirigent). où trouvent t-ils ce argent ? pas leur salaire en tout cas. on connais les salaires au Burkina. tot ou tard la vérité se manifestera. pourvu que ca soit tot et sans effusion de sang.

  • Le 4 avril 2012 à 16:33, par SueDany En réponse à : IL FAUT LE DIRE : Le grenier du Burkina menacé par le métal jaune

    Article pertinent ! merci monsieur le journaliste. Il est plus que temps de nous réveiller et de penser à la protection de notre environnement pour le bien-être de nos enfants.

  • Le 4 avril 2012 à 20:15, par Gaps En réponse à : IL FAUT LE DIRE : Le grenier du Burkina menacé par le métal jaune

    merci Mr le journalisme. Mais que dire de ceux qui publient de fausses statistiques. il serait mieux de s’informer au niveau de la direction des mines pour avoir le nombre reél des permis d’exploitation. ça ne devrait pas atteindre 10 pour le moment.

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