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Les barbus d’AQMI et la “barbe” burkinabè

Publié le mardi 3 avril 2012 à 04h53min

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La situation sécuritaire du Mali inquiète ses voisins, en particulier le
Burkina échaudé par les dégâts collatéraux de la crise ivoirienne. Le Faso pouvait-il échapper au statut de médiateur ?
Après avoir éternué quand son voisin ivoirien s’enrhumait, Le Burkina Faso a de nouveau des picotements dans les narines. Cette fois-ci, c’est la situation d’un autre pays limitrophe qui suscite l’inquiétude. L’offensive éclair, de Kidal à Tombouctou, du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) déploie le spectacle d’un Mali coupé en deux où
s’enchevêtrent, dans la confusion, intérêts loyalistes, putschistes,
rebelles et islamistes. Et la ville malienne de Gao se trouve à moins de
200 kilomètres de la frontière burkinabè…

Déjà, du côté du “pays des Hommes intègres”, les autorités de la ville
nordique de Dori se remettent péniblement d’échauffourées qui
nécessitèrent, il y a une dizaine de jours, un couvre-feu suite au
mécontentement d’un mouvement de jeunes à l’égard d’une compagnie minière
canadienne. Déjà, il y a moins de deux ans, les Volontaires du Corps de la
paix, les Peace corps américains quittaient le Nord du Faso sur la pointe
des pieds, arguant que l’ombre d’Al-Qaïda au Maghreb islamique planait sur
le pays.

Sur le plan économique, et même si le Mali ne représente pas un corridor
aussi déterminant que la Côte d’Ivoire, des effets collatéraux de la crise
militaire malienne ne peuvent manquer de se faire sentir au Burkina.
Au-delà du risque supportable de pénurie de bazin, aujourd’hui, comme
d’attiéké, hier, c’est à la complexification de la gestion de la crise
alimentaire annoncée que se heurte le Burkina. L’insécurité croissante au
Mali perturbe, en effet, l’approvisionnement en denrées à prix abordables
des communautés menacées de famine. Selon l’ONG Oxfam, cette crise affecte
13 millions de personnes au Sahel. Au Mali, c’est quelque 3.575.000
personnes qui vivraient dans des zones à risque. Dans des villes comme
Gao, directement concernées par le conflit nord-malien, les prix des
céréales seraient déjà 70% plus élevés que la moyenne de ces cinq
dernières années. Pris dans un étau, entre des marchés régionaux qui ne
fonctionnent plus normalement et une situation politico-militaire confuse,
les populations maliennes n’ont souvent d’autres choix que de quitter
leurs villages. Le HCR, le 19 mars dernier, évaluait le nombre total de
personnes déplacées à 206.000. Plus de 23.000 auraient passé la frontière
du Burkina Faso, exacerbant les problèmes de vivres, d’eau potable ou
d’hygiène.

« Quand la barbe de ton voisin brûle, arrose d’eau la tienne », indique un
proverbe sahélien. Mais quand c’est la case du voisin qui brûle, il
devient dérisoire d’enfouir sa tête dans le sable. Les destins du Mali et
du Burkina sont historiquement parallèles. Même si les populations des
deux pays n’ont pas oublié la « Guerre de Noël » qui les opposa brièvement
en décembre 1985, autour de la bande de terre semi-désertique d’Agacher,
c’est à une franche coopération qu’elles assistent depuis les années 90,
amitié sahélienne sublimée par l’entente cordiale d’Amadou Toumani Touré
et de Blaise Compaoré, deux anciens militaires officiellement ou
officieusement adeptes de putschs « moralisateurs ».
Mais où le parallélisme s’arrêtera-t-il ? Le Burkina célèbre le premier
anniversaire des mutineries qui secouèrent le régime pendant de longues
semaines. Alors, pour que le concept de destins parallèles ne se mue pas
en oracle pour le président du Faso, les autorités burkinabè ne peuvent
pas se contenter d’arroser d’eau leur menton.
Si l’Ivoirien Ibrahim “I.B.” Coulibaly avait pu tranquillement préparer
son hypothétique destin national à Ouagadougou, en 2002, les rebelles
maliens présents sur le territoire burkinabè, eux, se sont vu rapidement
remis à leur place. Lorsqu’en février, le quotidien burkinabè
L’Observateur paalga donna la parole à un colonel touareg présent au
Burkina, le Conseil supérieur de la Communication déplora officiellement
la légèreté avec laquelle le journal ouvrait ses « colonnes à des rebelles
qui tiennent des propos racistes et appellent à la partition d’un Etat
souverain voisin. » Pendant le bras de fer entre l’organe de régulation et
la presse, le ministre des Affaires étrangères et de la coopération
Régionale, Djibrill Bassolé, enfonçait le clou en rappelant leur droit de
réserve à tous les réfugiés présents sur le territoire national. Pas
question que le Faso, longtemps considéré comme un pompier-pyromane dans
les crises de la région, ne devienne une base arrière de la rébellion
malienne. Pour mieux empêcher toute contagion putschiste, le régime a
choisi d’annihiler toute importation politique.
Mais l’implication du Burkina Faso n’a pu se cantonner à la neutralité
passive et à la bienveillance humanitaire.

La Communauté des Etats de
l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) n’est-elle pas désormais incarnée par un
Burkinabè, le frais émoulu président de la commission Désiré Kadré
Ouédraogo, ancien Premier ministre du président du Faso Blaise Compaoré ?
Blaise Compaoré, lui-même, doyen des chefs d’Etat de la sous-région,
n’est-il pas considéré comme un médiateur tout-terrain, depuis ses
interventions directes dans les crises togolaise, ivoirienne ou guinéenne
et indirectes au Soudan ou en Guinée-Bissau ? Dès les années 90, n’avait-il
pas été mis à contribution pour résoudre les problèmes qui opposaient des
Touaregs –déjà– au pouvoir nigérien ? Nommé officiellement médiateur dans
la crise malienne, par la CEDEAO, en sommet extraordinaire en Côte
d’Ivoire, le président du Faso semble unanimement soutenu par les
chancelleries occidentales. Le 30 mars dernier, le chef de la délégation
de l’Union européenne au Burkina, l’ambassadeur Alain Holleville,
affirmait que l’institution qu’il représente ne pouvait « que s’associer
aux efforts actuellement déployés dans la sous-région (…) surtout par le
médiateur, de façon à favoriser un retour à l’ordre constitutionnel au
Mali ».
Le week-end du 1er avril a été un feu d’artifice d’images incarnant cette
intervention burkinabè dans la crise malienne. Au Burkina, un Compaoré
empêché d’atterrir quelques jours plus tôt à Bamako, recevait une
délégation de la junte menée par le colonel Moussa Sinko Coulibaly.
Quelques heures plus tard, c’est sous l’œil d’un Djibrill Bassolé
omniprésent médiatiquement, que le capitaine Amadou Haya Sanogo annonçait
le retour à l’ordre constitutionnel.

Pas de triomphalisme prématuré. Les accords de Ouagadougou, signés en 2007
par les parties ivoiriennes, n’avaient pas empêché la douloureuse crise
postélectorale de 2010. De même, le chassé-croisé diplomatique du week-end
dernier ne reconduit pas Amadou Toumani Touré au pouvoir, de même qu’il
n’établit pas de négociation formelle avec les rebelles du Nord-Mali. Mais
Compaoré a attiré l’attention sur les dangers que la crise malienne fait
courir à son pays. Une communauté internationale bienveillante,
maintenant, ne devrait pas manquer d’eau pour arroser la barbe burkinabè.
Pour le reste, il faut apprécier le billard à trois bandes à la fin des
parties.

Damien Glez

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Vos commentaires

  • Le 3 avril 2012 à 09:16, par karansamba En réponse à : Les barbus d’AQMI et la “barbe” burkinabè

    Le probleme malien est très simple la France qui se reclame pays des droits de l’homme et qui depuis l’arrivé de son sang chaud de president seme la desolation de par ses actes et paroles en Afrique doit regler cette merde qu’elle a encore une fois organisée je demande à la France de prendre ces responsabilitées comme elle l’a faite en Cote d’Ivoire elle qui ne voulait pas guerre civile en cote d’ivoire et maintenant que le Mali est attaqué par des rebelles partitionnaires la France se permet de dire que c’est un probleme inter Malien il faut pas se foutre des gens s’il vous plait
    qui a negocier avec ses rebelles pour qu’ils abandonne Kadaffi qui a permit à ces memes rebelles de passer le Niger pour atteindre le Mali quel etait le DEAL avec ses rebelles alors je demande à la France et à son president de mettre son 2eme s’il arrivait à passer sous la coupole de reparation des degats qu’il a lui meme fabriqué en Afrique c’est simple et pas compliqué la France semé ce bordel indirectement au Mali que la France ait le courage de prendre ces responsabilitées et non pas jouer couteau double tranchant la CPI n’est pas seulement faite pour des Africains ou pour des Europeens de l’Est.Honte aux pompiers pyromanes.

    • Le 3 avril 2012 à 19:03 En réponse à : Les barbus d’AQMI et la “barbe” burkinabè

      Je suis Malien, et je dis surtout pas ! Que dieu nous préserve d’une intervention Francaise, on sait comment ça fini. Une intervention Africaine oui, mais une intervention Francaise, par pitié non !

  • Le 3 avril 2012 à 09:19 En réponse à : Les barbus d’AQMI et la “barbe” burkinabè

    la caricature de l’élève sanogo s’dressant à ces maitres putschistes att et blaise compaoré est géniale,c’est la triste réalité. tout ce que nos militaires savent faire,c’est fomenter des coups d’état et bander le muscle devant de pauvres civils. sanogo a bien fait de faire son coup d’état au lieu d’aller se battre. qui est fou,l’élève imite son maitre.
    nos militaires du mali au burkina en passant par la cote d’ivoire,le togo,bénin,niger,senegal etc sont des militaires d’opérette. ils sont recrutés sur des bases fantaisistes pcq fils de...,neveu de....,frère de....!voilà on recrute en masse pour diminuer le chomage et on se retrouve avec des jouisseurs handicapés en arme. on verra car ado,ce sous préfet en chef de la france parle de la mobbilisation de 2000 militaires de la cedeao pour le nord mali mais il confond mission de maintien de paix et vraie guerre. certains sont entrain de chercher des dispenses bidon pour ne pas aller pcq ça mouille déjà en bas

  • Le 3 avril 2012 à 12:41, par yabimpargou En réponse à : Les barbus d’AQMI et la “barbe” burkinabè

    C’est bien d’avoir une lecture sur l’actu autour de soi mais attention de ne pas écrire des choses dont vous n’avez pas confirmation.Cet article est parti sur du faux Dori n’a jamais été sous couvre-feu lors des manifestations des jeunes. Vous voulez rendre votre article intéressante ? je comprend votre besoin de vendre mais dites tout de même des choses vraies. A l’école de journalisme on dit toujours de ne publier une info que lorsqu’on l’a vérifiée. De grâce prenez le temps de bien vous informer avant d’informer d’autres.

  • Le 3 avril 2012 à 13:04, par MemoireVive En réponse à : Les barbus d’AQMI et la “barbe” burkinabè

    Ansar Dine est un suppôt de Boko Haram et en son sein et/ou à ses alentours le sentiment d’étendre la charia à toute l’Afrique de l’Ouest est majoritaire ; un de ses démembrements revendique cette extension. Le projet est d’encercler l’Afrique de l’Ouest par une ceinture du Nigéria à Bamako, ceinture qui passerait par Fada N’Gourma au Burkina. Qui dit ceinture dit ceinturer un objet et le maîtriser. L’analyse de Glez est donc à rendre au sérieux.

  • Le 3 avril 2012 à 15:56 En réponse à : Les barbus d’AQMI et la “barbe” burkinabè

    Glez, il n’y a pas eu de couvre-feu à Dori.
    Vérifiez un temps soit peu vos sources.

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