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Editorial de Sidwaya : L’incertitude malienne

Publié le lundi 2 avril 2012 à 02h47min

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Le Mali  ! On en parle. Et on en reparlera certainement, dans les jours, semaines et mois à venir. Depuis que la junte militaire a donné un coup d’arrêt au processus démocratique dans ce pays, les choses sont allées vite, très vite même. Une nouvelle constitution a été instituée, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est réunie et a lancé des «  fatwas  » en un temps record, les pro et anti-coups d’Etat se disputent la rue à Bamako. Pendant ce temps, la rébellion gagne du terrain. Elle ne s’est jamais autant bien portée dans l’histoire du Mali.

Venue pour pallier « l’incompétence » du général-président renversé, Amadou Toumani Touré (ATT), le capitaine Sanogo et ?sa bande semblent avoir capitulé.

A l’heure actuelle, les putschistes ressemblent à ces soldats sans armes qu’on avait habillés pour un autre destin. Le capitaine qui voulait se faire passer dans son pays pour un messie en treillis, s’est rendu compte en moins d’une décade d’exercice du pouvoir suprême, que face à la batterie de sanctions prises par la CEDEAO et la communauté internationale, il risque de ne pouvoir décrocher que le rôle du Judas dans la tragédie malienne dont il en est le principal metteur en scène.

Après avoir commis la "bêtise" de trop en empêchant les chefs d’Etat ouest-africains, émissaires de la CEDEAO, d’atterrir à Bamako, la junte s’est, elle-même, tiré une balle dans le pied. Elle s’est fait hara kiri. Et ce qui devait arriver arriva. Voilà qu’elle se retrouve actuellement comme un navire dans la tempête : elle n’a plus le choix qu’entre la fuite et la perdition.

Que faire pour sortir du bourbier ? Question simple, mais réponse difficile, voire compliquée pour la capitainerie bamakoise.
Difficile pour la junte qui, de plus en plus, donne des signes de panique, affiche son impréparation, son amateurisme. Compliqué pour les militaires qui ont pris le pouvoir car, ils risquent, vu la vitesse de progression des rebelles et la réédition de l’armée malienne, d’être comptables dans l’histoire, de la partition du pays, principal argument avancé pour chasser ATT du pouvoir.

Comme un lion, la CEDEAO a rugi et a bondi, dès qu’elle s’est aperçue qu’il est porté atteinte à la cause sacrée de la démocratie et de la liberté au Mali. Mais entre les bonnes intentions et les bonnes résolutions, il y a une étape non négligeable, celle de la mise en œuvre. Avec quels moyens la CEDEAO va-t-elle sauver le Mali ? La situation est bien difficile pour l’organisation sous-régionale qui, malgré sa bonne volonté de rétablir l’ordre au Mali, semble faire les frais d’un manque de moyens (financiers et logistiques) pour mobiliser et équiper à temps des troupes. En plus de l’engagement du président en exercice de l’organisation sous-régionale, Alassane Dramane Ouattara, de l’engagement du président de la Commission de la CEDEAO, Kadré Désiré Ouédraogo, de la détermination et de la pugnacité du médiateur, Blaise Compaoré, président du Faso, il faut une implication forte et concrète de la communauté internationale pour atténuer le drame malien.

Car au-delà de la déliquescence des institutions et de l’Etat du Mali, suite à cette tragédie dont le clap de départ a été donné par la junte, le 22 mars dernier, c’est l’équilibre, la stabilité et la sécurité de toute la sous-région qui est en cause. Peut-on dormir les poings fermés comme un bébé, quand la case du voisin brûle ? Assurement pas.
La situation est également difficile pour les populations civiles. Elles sont victimes d’exactions de toutes sortes. Elles doivent fuir les zones en conflit, si elles ne veulent pas périr sous les bombes ou sous l’effet de la faim et de la maladie. L’heure est déjà à la confusion, mais l’avenir risque d’être beaucoup plus trouble.

Etant donné que les rebelles relèvent de plusieurs familles ou courants, et qu’ils n’agressent pas le Mali pour les mêmes raisons, il faut craindre que ceux-ci ne se retournent les uns contre les autres, au moment du partage du butin !

Autant de possibles répercussions de la crise malienne en interne et dans la sous-région, voire au-delà qui imposent une prise en charge réelle et rapide de la situation. Les heures sont comptées. C’est maintenant qu’il faut soutenir et aider la CEDEAO à agir vite et bien.
Dans le ciel, une meute de vautours plane sur le Mali. Trafiquants de drogues et de cigarettes, preneurs d’otages, marchands d’armes, vendeurs d’illusions, bref, toutes sortes de sinistres individus prêchant le faux pour cacher le vrai, jubilent car, après la Guinée-Bissau, transformée en narco-Etat depuis 2008, le Mali déliquescent pourrait indubitablement, devenir un second eldorado pour eux en Afrique de l’Ouest. Laisser le Mali aux mains des jeunes putschistes et des différents groupes rebelles, terroristes et autres, c’est laisser un territoire de 1,2 million de km2 dans des mains sombres. On ne doit pas permettre à ces prédateurs de se délecter du malheur du peuple malien.

Le drame malien se joue à tous les niveaux. Le casse-tête chinois au plan politique est sans doute, la recherche du scénario idéal ou juste de sortie de crise. Faut-il permettre à ceux par qui le malheur est venu de gérer les affaires courantes pendant une période de transition, en vue de la préparation des prochaines élections ? Ont-ils seulement un iota de crédibilité pour mériter pareille confiance ?

Faut-il rester dans l’esprit de la constitution (pas celle de la junte) et remettre le pouvoir au président de l’Assemblée nationale, Dioncouda Traoré, lui-même candidat à l’élection présidentielle, avec pour mission de conduire le pays à des élections libres et transparentes ?
Faut-il faire appel à une personnalité neutre et consensuelle pour diriger le pays pendant une période de transition, le temps de remettre les choses en ordre de marche ?

Le général président déchu, ATT peut-il être remis en selle ? Avec quelle autorité ?
Ce n’est pas facile tout cela. Il est très facile d’allumer le feu, mais difficile de l’éteindre. Le jeune capitaine putschiste n’a certainement pas besoin de se faire répéter au jour d’aujourd’hui, cet adage populaire. Et c’est parti pour de longues heures de réflexions et de discussions, des nuits blanches, des périodes de fortes angoisses et parfois d’espoir pour ceux sur qui comptent la CEDEAO et la communauté internationale pour redresser la barre du navire Mali qui chavire. Pas facile d’être médiateur, pas facile d’œuvrer pour la paix.
Mais vu l’urgence de la situation, agissons et prions pour que dans les meilleurs délais, le Mali et la sous-région puissent retrouver la stabilité, la quiétude, la paix. Œuvrons tous, bien et vite, dirigeants, peuple d’ici et du monde pour que très bientôt, le peuple malien puisse pousser un ouf de soulagement et dire ceci : « An bara kisi » (Nous sommes sauvés).

Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA (rabankhi@yahoo.fr)

Sidwaya

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