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La diplomatie burkinabè a pour mission « d’affirmer le pays dans l’économie régionale et la mondialisation » (2/2)

Publié le jeudi 1er mars 2012 à 03h25min

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Le constat dressé par Djibrina Barry, secrétaire permanent du Conseil présidentiel pour l’investissement, tout en soulignant « l’attractivité relativement continue du Burkina Faso » en matière d’investissements étrangers directs (IED), est clair et net : « le niveau d’investissement de 17 % du PIB est insuffisant pour induire une croissance de forte ampleur nécessaire pour impulser le développement durable de notre pays et améliorer de façon soutenue les conditions de vie de nos populations ».

Si le pays revendique des atouts (mines, agro-sylvo-pastoralisme, services… dans un contexte de stabilité politique et institutionnelle), il doit faire face à « des contraintes lourdes liées à son enclavement et le coût élevé des facteurs de production », sans oublier « la faiblesse des infrastructures de base et l’accès aux technologies de l’information et de la communication, la disponibilité et la qualité des ressources humaines ». C’est dire que la tâche des ambassades à l’étranger n’est pas des plus simples pour promouvoir l’investissement étranger – un marché très concurrentiel – et que l’avantage comparatif du Burkina Faso est mince. C’est pourquoi il leur est demandé de s’impliquer, « en amont, sur les fonctions de promotion de l’image du pays, du plaidoyer en faveur du Burkina dans les cercles et organismes internationaux, de coopération économique puis, en aval, sur la fonction de ciblage des investissements d’accueil et d’information des investisseurs ».

La 12ème Conférence des ambassadeurs aura donc permis de reformater le corps diplomatique burkinabè sur les questions économiques. Un reformatage bien accueilli même si les diplomates ne manqueront pas de faire remarquer – avec diplomatie – que cette évolution nécessite, aussi, un effort de la part de l’administration centrale : adaptation des locaux aux ambitions affichées par Ouaga, traduction des principaux documents en langues étrangères, notamment en anglais, nécessité d’avoir, à Ouaga, des interlocuteurs aptes à suivre les dossiers des investisseurs potentiels, etc. Au cours de ces journées, l’impasse n’aura pas été faite sur les questions politiques (notamment sur les travaux des assises nationales), mais on l’aura compris les ambassadeurs doivent être les rabatteurs et agents de recrutement des investisseurs étrangers, notamment privés. Tâche à laquelle ils ne sont généralement pas formés ; et, plus encore, restant souvent longtemps en poste à l’étranger (plus de quatre, cinq, six voire sept ans et plus), ils sont souvent déconnectés des réalités du pays. Et encore faut-il être là où se trouvent les investisseurs privés. D’où le programme de redéploiement mis en œuvre par le MAE/CR.

La couverture diplomatique du Burkina Faso couvre 154 pays dans le monde sur un total de 194 pays. Mais avec seulement 28 ambassades, d’où « une certaine lourdeur du fait que certaines juridictions couvrent 15 à 20 pays ; ce qui les rend peu efficaces ». C’est le moins que l’on puisse dire. S’ajoute à cela que la couverture diplomatique est considérée comme « inadaptée aux mutations des relations internationales » avec, par ailleurs, « une forte concentration dans certaines zones du monde et une quasi inexistence dans d’autres ». Héritage d’une certaine vision « post-coloniale » et « consulaire » du réseau diplomatique burkinabè. Les ambassades sont là, jusqu’à présent, où, généralement, se trouvent des Burkinabè. D’où 12 ambassades en Afrique, 7 en Europe et 8 dans le reste du monde (4 en Amérique, 3 en Asie et 1 au Moyen-Orient) + la représentation auprès des Nations unies à New York.

Une cartographie déséquilibrée qui fait la part belle à la région Ouest-africaine au sens large du terme (10 des 12 pays africains dont les 5 d’Afrique du Nord), aux bailleurs de fonds et autres contributeurs à l’aide publique au développement (pays européens + Amérique du Nord + Arabie saoudite + Japon et Taïwan) et aux pays francophones (près d’un tiers des ambassades). Notons d’ailleurs que la présence économique de la région Ouest-africaine est moins négligeable qu’on peut le penser, notamment dans les services (banques, finances et assurances, transports…), et que nombre d’investisseurs privés (Libanais, Asiatiques…) fonctionnent en autarcie « ethnico-commerciale », hors de tout cadre diplomatico-politique.

Vincent Zakané, considérant « la nécessité pour notre diplomatie de se doter d’une armature à la hauteur de ses ambitions », a défini quatre critères sur lesquels le redéploiement doit se fonder : « le maintien des relations traditionnelles ; le développement des relations de bon voisinage ; la nécessité de construire des partenariats stratégiques ; la prise en compte des intérêts de la diaspora ». Sur cette base, la cartographie diplomatique burkinabè semble être minimale et, à part l’ambassade à Cuba héritage de la « Révolution », on voit mal quelles sont les implantations superflues en tenant compte des quatre critères de Zakané. Sauf à penser que des consuls généraux et des postes d’expansion économique pourraient remplacer les ambassadeurs dans les zones UEMOA-Cédéao et que les deux grands ensembles sous-régionaux pourraient penser à une représentation diplomatique unique itinérante : moins de protocole, moins de frais, plus d’efficacité et de productivité ; les nouvelles technologies devraient permettre de faire sortir les ambassadeurs de leurs ambassades et de leur donner plus de flexibilité dans leur mode de production.

Quoi qu’il en soit « la fermeture de certaines ambassades » et « la reconfiguration » de certaines autres sont d’ores et déjà envisagées. Quant à « l’ouverture de nouvelles ambassades » et au « renforcement de certaines missions diplomatiques et consulaires », « des consensus se sont dégagés autour de certaines propositions » tandis que le ministre Bassolé (mais pourquoi donc il est encore, quotidiennement, des journaux burkinabè pour écrire « Bassolet » ?) a « invité les participants à poursuivre les réflexions afin de faire des propositions de redéploiement diplomatique réalistes et réalisables qui feront l’objet d’une synthèse qui sera soumise à la très haute appréciation de SEM le président du Faso ». Les rumeurs évoquent la Turquie, le Qatar, l’Indonésie, la Corée du Sud, l’Afrique centrale et orientale… Mais il ne semble pas que la question du choix de l’ancrage à Taïwan, qui interdit, du même coup, toute relation diplomatique avec Pékin, ait été posée ; il est vrai que les Taïwanais bénéficient, au Burkina Faso, d’un lobbying intense, y compris au sein de la population locale et des cadres du régime où tous ceux qui ont séjourné en République de Chine en ont gardé un souvenir ébloui.

Au lendemain de la 12ème Conférence des ambassadeurs, le jeudi 23 février 2012, s’est tenu le conseil d’administration du secteur ministériel (Casem) du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale (MAE/CR). Il a réaffirmé que le redéploiement diplomatique sera un des défis majeurs auxquels est confronté le Burkina Faso en 2012. « La diplomatie burkinabè travaillera à consolider son rayonnement international et son leadership régional dans une dynamique de continuité et de confirmation de son engagement pour la paix et la sécurité internationales » a affirmé à cette occasion Bassolé. C’est dire que le MAE/CR sort de sa tour d’ivoire et du « splendide isolement » dans lequel il a eu tendance à se complaire pendant trop d’années, paraissant, du même coup, coupé des préoccupations qui sont celles de l’ensemble de la classe politique et de la population, la nomination de personnalités politiques à des postes diplomatiques ajoutant à la distanciation d’avec « le pays des hommes intègres ».

A ce sujet, on évoque, d’ailleurs, le remplacement à Bruxelles de Kadré Désiré Ouédraogo (nommé président de la commission de la Cédéao) par… Tertius Zongo. Un ex-premier ministre remplaçant ainsi un… ex-premier ministre. Mais cette nomination ne saurait choquer. Bruxelles est une ambassade « économique » et « stratégique ». Et c’est Zongo qui était premier ministre quand la SCADD a été adoptée le 24 mars 2011. Alors que le gouvernement était confronté aux mutineries. Tout un symbole !

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 1er mars 2012 à 06:26, par MemoireVive En réponse à : La diplomatie burkinabè a pour mission « d’affirmer le pays dans l’économie régionale et la mondialisation » (2/2)

    Dans notre diplomatie perdurent des relations subjectives sans prise d’intérêt économique optimal au profit du pays :
    - Cuba : comme écrit, l’ambassade de Cuba doit être fermée ; en période de difficultés, de crise, un pays, dans ses intérêts ne doit plus s’encombrer de tels sentiments.
    - Taiwan : tenir coûte que coûte à rester coller à ce pays parce qu’il nous fait des avances hors budget permettant de rattraper les trous dangereux comme l’incapacité de payer des salaires ou les investissements de prestige pour adoucir le coeur des citoyens ; tenir coûte et coûte à maintenir nos relations avec ce pays (nous sommes seulement 5 pays à insister) et ne pas bénéficier des milliards déversés par la chine de Pékin, n’est plus acceptable.
    La diplomatie c’est pour les intérêts supérieurs de la nation. Donc, agissez en conséquence, avec stratégie intéressée.

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