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Parcelle litigieuse du vieux Komi : « Dites à Blaise qu’on veut me faire la force »

Publié le lundi 27 février 2012 à 01h35min

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Une affaire de parcelle oppose depuis 2004 des membres d’une même famille au secteur 13 de Ouahigouya : les Komi. Héritiers de feu Komi Rariguiyo et Soro Pougzaïga, ils se livrent une guerre larvée. Porté en justice, le litige a été tranché en faveur de la partie réclamant la vente dudit lopin. Refusant de se plier à la décision judiciaire, l’aîné de la famille, Komi Hamadé Kango, par suite d’une réclamation de l’acquéreur, a vu l’expulsion manu-militari de sa famille de la cour querellée le mercredi 7 février 2012 par les hommes chargés de faire appliquer la loi.

« Je vous demande de dire à Blaise qu’on veut me faire la force en retirant ma cour. Il se souviendra certainement de moi pour avoir dormi dans une maison de cette cour, lui et Thomas Sankara, au moment de la guerre Mali/Burkina en 1985. Je lui demande de m’aider. Qu’il m’aide parce que la justice est en train de me faire la force. Je suis lésé. Je préfère mourir plutôt que de vivre cette injustice ». Ces propos sont du vieux Komi Hamadé Kango, habitant du secteur 13 de Ouahigouya. Les 76 ans révolus, il dit vivre les pires moments de sa vie. « Le traitement qu’on m’inflige est inhumain. Le monde est méchant. Les gens n’ont plus peur de Dieu », a-t-il déclaré, le visage marqué par la colère.

Ayant perdu la vue et physiquement mal en point, le vieil homme dit avoir perdu le goût de vivre sur cette terre qu’il dit « peuplée d’injustes ». Alors qu’il est assis au milieu de sa cour en ruine, entouré de ses femmes, de ses enfants et de ses petits-fils, il ne tarit pas d’imprécations dès que son regard se porte sur les tas d’immondices et les objets éparpillés au milieu de la concession. Quand il a voulu commencer à nous relater sa version des faits, il n’a pu s’empêcher de fondre en larmes. « J’étais hospitalisé au CSPS de Sabouna (village de la commune rurale de Barga à 35 km de Ouahigouya) quand mon fils est venu m’informer que ma cour a été démolie. J’ai demandé la permission de venir voir ». Il marque un arrêt, retient son souffle, le regard tourné vers le ciel, triturant ses pouces, les larmes toujours dégoulinantes.

« C’est moi, poursuivit-il, le propriétaire de la cour. Je l’ai achetée, il y a plus de 50 ans, avec un homme de Koudougou du nom de Boukary. A l’époque, on nous avait fait savoir qu’un seul individu ne pouvait être propriétaire de plusieurs parcelles. Acquéreur d’un autre terrain à Bobo, j’ai fait mettre celle de Ouahigouya au nom de ma mère Pougzaïga Soro. J’ai jugé que moi-même et tout ce qui m’appartient lui appartiennent. Et on a pu établir le PUH à son nom en 1974. Maintenant qu’elle est décédée, certains de mes frères et demi-frères ont dit que c’est la propriété de notre père, donc un héritage qu’il faut partager. Sans mon consentement, moi, qui suis l’aîné de la famille, ils ont vendu le terrain avec la complicité de la justice ». Visiblement éprouvé par la situation, il s’efforce de continuer son récit, pointant du doigt une maison en dur démolie : « C’est là que je dormais jusqu’à une date récente. Vu mon état et mon âge, je suis allé au village et de temps en temps je reviens.

Ce sont mes enfants qui vivent ici. Ils ont été expulsés une première fois et ils sont revenus. On les a enfermés 27 jours durant. Je n’ai jamais su pourquoi. Aussi, j’avais mes 600 000 F que je gardais dans la maison pour l’achat d’une moto. Une somme que je ne retrouve plus ». Quand nous lui demandons comment la parcelle a été vendue, il s’empresse de brandir l’original du PUH qu’il détient, puis dit : « Il n’y a jamais eu de conseil de famille pour parler de la vente de la parcelle et jusqu’à présent, pour moi, la cour n’a pas été vendue. Je n’ai jamais touché un copeck, même si c’était un héritage. Je ne sais pas non plus qui a pris l’argent ».

Et pourtant, la propriété a bel et bien été vendue à 2 millions de francs CFA. L’acheteur s’appellerait Savadogo Hamidou, commerçant à Ouahigouya. Voilà la version des faits de ce dernier : « C’est un ami qui est venu m’emprunter de l’argent pour acheter une cour en vente par la justice. Il disait avoir l’intention de la revendre pour se faire un bénéfice, Je lui ai donc prêté l’argent. Comme c’est une somme importante, j’ai voulu suivre les choses pour mieux comprendre. C’est ainsi donc qu’un jour, quand on a voulu établir les papiers, mon ami n’avait pas sa carte d’identité et on a pris la mienne. Les transactions ont eu lieu au palais de justice de Ouahigouya. Voilà pourquoi mon nom se trouve sur les documents. A l’époque, je ne savais pas où était située la cour ni ne connaisais un membre de la famille, encore moins les vendeurs ou ceux qui refusent la vente. Mon ami a attendu plus de 6 mois pour les papiers, en vain. Après, il est venu me dire de garder la parcelle sous prétexte qu’il ne sera plus en mesure de rembourser les deux millions.

Voilà pourquoi je suis devenu l’acquéreur. Quand j’ai cherché à connaître le lieu, j’ai trouvé que des gens y habitaient. Je leur ai demandé de se préparer à quitter, car c’est devenu ma propriété. Ils ont refusé. Je suis allé me plaindre en justice et on a établi pour moi un P-V d’expulsion par un huissier. Ces gens ont été expulsés. C’était le 13 janvier 2011 à 8 heures 15 avec le huissier Kambou Firmin et des policiers. Ils se sont réintroduits juste après ».
Il dit avoir attendu longtemps avant de réagir : « Ils ont envoyé premièrement Saamb Naaba me voir pour le remboursement de mon argent. J’ai accepté. Ils ont disparu. Quelques mois plus tard, c’est le chef de Soumiaga qui est venu me voir à ce propos pour me demander de diminuer le prix. J’ai accepté de soustraire 500 000 F. Et après, plus rien.

C’est le silence total. J’avais même fait la proposition de reconstruire un non loti pour eux. Ils ont aussi refusé. Mon souci, ce n’est pas la cour, mais mon argent. Donc je suis reparti en justice pour en finir avec cette histoire. C’est là maintenant que la justice m’a donné une décision d’expulsion plus musclée. Mais si on me rembourse mon argent aujourd’hui- même, je cède la cour », assure-t-il.
Le président du tribunal de grande instance de Ouahigouya, Evariste Sami Sou, nous donne plus d’éclairage sur ce dossier. De ses explications, il ressort que c’est en 2004 que 7 des ayants-droit du même père décédé ont introduit une demande en justice pour un acte d’assignation pour la liquidation et le partage des biens de leur père contre leur aîné Komi Hamadé Kango. Suite à un jugement du 30 mai 2004, le tribunal a ordonné la liquidation du terrain et nommé un greffier notaire pour l’exécution des différentes opérations.

Pas question de revenir en arrière

Le notaire a vendu la cour à 2 millions à Savadogo Hamidou et a rendu compte. Entre-temps, constat a été fait que la parcelle appartenait à une des femmes du défunt, Soro Pouzaïga, et non au père. Tous les 7 plaignants ne peuvent pas jouir de cet héritage, sauf les enfants de celle qui a son nom sur les papiers de la parcelle. Ils sont au nombre de 3, l’aîné Komi Hamadé et deux autres. Ces derniers, avec à leur tête Komi Boureima Barré, ont de nouveau introduit une assignation en justice contre celui qui refuse la vente de la cour. Le tribunal de grande instance de Ouahigouya accède à leur requête. Une ordonnance de la justice datant du 19 août 2010 autorise un huissier à expulser les occupants. Cela leur a été signifié le mardi 12 octobre 2010 avec un délai d’un mois.

A la date indiquée, les occupants, Komi Moumini et Komi Yacouba, tous des fils de Komi Hamadé, ont refusé de libérer la cour. Suite à ce refus, ils ont été arrêtés et jugés pour discrédit sur une décision de justice. Ils ont écopé de 12 mois de prison avec sursis chacun à titre correctif.
Une fois repartis, ils ont de nouveau occupé le domicile. « Voulant sa chose, Hamidou Savadogo a demandé de nouveau à la justice l’expulsion des occupants, de leur descendance et de leurs biens », conclut le juge Sou. Ce qui fut fait le mercredi 7 février 2012 par une ordonnance. D’où l’expulsion, la démolition des bâtiments et la mise de la parcelle sous scellés.

Au niveau de la justice on argue que la procédure judiciaire est close. Pas question de revenir en arrière. Le Procureur du Faso près le tribunal de grande instance de Ouahigouya, Arsène Francis Sanou se veut même menaçant : « Quiconque se hasarderait à briser les scellés serait directement traduit en justice ; même si c’est toute la famille ». Pour le président du tribunal, du fait que celui qui s’estime lésé n’a pas fait appel, il est de l’autorité de la justice de faire respecter le verdict. Force reste donc à la loi.

Une zone d’ombre demeure tout de même. Qu’a-t-on fait des deux millions de la vente de la parcelle et qui a empoché le pognon ? Selon nos sources, ni l’aîné de la famille, le vieux Komi Amadé Kango, ni ses adversaires n’ont touché un centime.
A entendre le Président du tribunal, Evariste Sou, l’argent était gardé par le notaire qui a conclu la vente de la parcelle en 2006. Seul lui pourrait donc nous situer. Il est actuellement en poste à Bobo-Dioulasso. Nos tentatives d’entrer en contact avec ce dernier, tout comme avec le chef de file de ceux qui ont œuvré à obtenir la vente de la parcelle, le nommé Komi Boureima Barré, sont restées vaines.

Emery Albert Ouédraogo


Une affaire dans l’affaire

Pour défendre leurs intérêts, des gens sont prêts à tout. Pour bénéficier de l’héritage de feu Soro Pougzaïga, certains de ses fils adoptifs avaient toute honte bue et se sont fait établir des actes de naissance faisant d’eux des fils légitimes. Un d’entre eux, Komi Salam, a entrepris des démarches pour changer le PUH à son nom. Il fait publier une déclaration de perte dans un quotidien de la place : « Koné Salam, cultivateur à Sabouna, déclare la perte de son PUH n°274 délivré le 4 octobre 1974 au nom de madame Soro Pougouzaïga concernant la parcelle H du lot 295 quartier Lilbouré du centre loti de Ouahigouya. Prière à toute personne qui l’aurait retrouvé de bien vouloir contacter M. Barry Nouhoun, Tél. : 70 53 60 23 ».

Nous avons appelé à ce numéro : une dame a décroché, qui a cependant refusé de décliner son identité tout en disant ne pas connaître le nommé Komi Salam. On remarquera également que sur la déclaration de perte il est question de Koné Salam au lieu de Komi Salam. Est-ce une erreur ou une omission ? En tout cas, une instruction de la justice a fait suspendre ce processus de permutation entrepris au niveau des services domaniaux par Komi Salam. Cette affaire a été jugée selon le président du tribunal pour escroquerie en justice et faux et usage de faux.

EAO

L’Observateur Paalga

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