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Limogeage ministre de la Justice : Mécanogate (1)

Publié le lundi 27 février 2012 à 01h36min

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Certains ont vite fait de parler de « mécanogate ». Ce n’est pas tous les jours, il est vrai, qu’un petit mécanicien fait sauter un ministre de la République. C’est pourtant ce qui est arrivé le jeudi 23 février 2012 avec le léger remaniement ministériel qui a emporté le garde des Sceaux, Jérôme Traoré (remplacé par Salamata Sawadogo), et fait déménager Albert Ouédraogo, dont les patrons ont profité pour l’envoyer des Enseignements secondaire et supérieur aux Droits humains.

Pour mémoire, il faut remonter aux cas Kouamé Lougué, débarqué du ministère de la Défense en janvier 2004 dans la tourmente de l’affaire dite du putsch présumé, et au sacrifice de Salif Diallo à la Pâques 2008 sur l’autel de la cohésion gouvernementale pour voir un réajustement opéré juste pour régler une situation individuelle.

Comment pourrait-on ne pas voir une relation de cause à effet entre le fait divers qui a défrayé la chronique ces derniers jours (cf. L’Observateur paalga n°8071 du mardi 21 février 2012) et l’éviction de l’ex-ministre de la Justice ? Tout est parti, on le sait, d’une altercation entre le gourou et le pauvre hère pour un incident, somme toute mineur, de la circulation. Et voici le jeune mécanicien de trente-deux ans, Adma Kima qu’il s’appelle, molesté et coffré pour lui donner une petite leçon, car on n’insulte pas impunément une autorité. L’opinion nationale a vite fait d’y voir le combat du pot de fer contre le pot de terre et l’utilisation privée de la force publique, qui nous a pourtant valu bien de misères ces derniers temps.

Ayant été, en partie, le canal par lequel le scandale est arrivé, et donc à la base du limogeage de l’autorité, on peut être tenté d’en tirer quelque motif de gloriole, mais un média, astreint dans une certaine mesure à un devoir de compassion, ne saurait décemment tomber dans un tel péché d’orgueil en tirant à boulets rouges sur une ambulance. Tout au plus peut-on éprouver une certaine satisfaction de contribuer à l’évolution des mœurs politiques dans notre pays, car, il n’y a pas encore si longtemps que ça, le plus humble des deux protagonistes aurait été broyé par la machine et il n’y aurait rien eu.

De ce point de vue, on peut dire que les choses bougent dans le bon sens, et en réagissant aussi promptement pour faire baisser une tension qui montait perceptiblement, c’est sans doute ce signal fort que le Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, et le président du Faso ont voulu donner ; même si, ce faisant, ils peuvent aussi donner l’impression qu’ici, c’est la rue qui a gouverné, et, surtout, qu’ils créent un dangereux précédent, car désormais, c’est la jurisprudence Jérôme qui devrait s’appliquer dans ce genre de cas.

L’avantage cependant, et il est énorme, c’est que dorénavant les responsables feront plus attention à ne pas poser des actes irresponsables et à ne plus se comporter comme s’ils avaient droit de vie et de mort sur les autres. Car on n’a vraiment pas idée de refaire le portrait à quelqu’un (visage tuméfié, œil au beurre noir) juste pour une incivilité routière, certes regrettable, mais qui est tout ce qu’il y a de banal dans cette ville de Ouaga. L’argument selon lequel le tout nouveau déflaté n’a pas donné l’ordre de bâtonner le mécano (il n’aurait plus manqué que ça) n’opère pas, pour emprunter au jargon judiciaire, car s’il n’en est pas coupable, il en est à tout le moins responsable pour avoir créé les conditions du passage à tabac.

Si le chef du gouvernement et son mandant ont frappé aussi vite et fort, ce doit être, pensons-nous, pour trois raisons principales :

primo, l’affaire Justin Zongo est encore fraîche dans les mémoires, et on n’a pas encore fini d’en solder tous les comptes. A Koudougou d’où tout est parti, on commémore du reste le premier anniversaire de la mort de cet élève dans des circonstances troubles après des passages à la police ; un drame qui avait été à l’origine de violences sociales inouïes au premier trimestre 2011 avant que les militaires prennent le relais de la contestation par une séries de mutineries dans différentes garnisons du pays. Que se serait-il passé si, comme il y a un an, l’infortuné Kima (à Dieu ne plaise), était passé de vie à trépas entre les mains des services de sécurité ? A coup sûr, ç’aurait été reparti pour des mois tumultueux aux conséquences imprévisibles ;

deuxio, et conséquence de ce qui précède, Tiao a remplacé Tertius Zongo à la Primature et, pour marquer la rupture, un remaniement ministériel d’une ampleur rarement égalée a été opérée, même si, depuis, nombre d’anciens ministres ont été recyclés en ambassade. De nombreuses mesures sociales et économiques ont ensuite été prises pour colmater les brèches et raccomoder un tissu social mis à mal. Plus que toute autre donc, cette équipe, qui a fait de la communication un mode de gouvernement, est censée être plus sensible aux questions de (bonne) gouvernance politique, économique et sociale et, son journaliste de PM n’entend pas que des dérapages viennent brouiller son message ;

tertio, et c’est peut-être le plus important, plus que la personne de Jérôme Traoré, que certains disent au demeurant bien sous tous rapports, c’est le symbole qu’il représentait qui a été puni : car si même le ministre de la Justice se fait justice lui-même, si celui qui est le principal garant de nos droits et qui, de tous les membres du gouvernement, doit être le plus pointilleux sur leur respect se laisse aller à de tels écarts de conduite, on ne sait plus quoi penser. C’eût été le patron d’un autre département que, pour être tout aussi blâmable, l’affaire aurait été ressentie avec moins de désolation.

Le pauvre, sauf à avoir été ensorcelé comme on l’entend déjà, n’a pas compris que le Faso n’est plus ce qu’il était ; qu’il y a une conscience citoyenne de plus en plus développée et que l’aigreur des petites gens est proportionnelle à leur misère, plus que jamais rampante sous les soleils de la IVe République.

Pour tout dire, on a beau instruire à charge et à décharge le procès du ci-devant garde des Sceaux, on lui trouve difficilement des circonstances atténuantes, et en bon juriste, il est bien payé pour savoir que nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes. Le ministre remercié, il reste maintenant à savoir que qu’on va faire des autres protagonistes de l’affaire.

Car s’il est établi que le parquet est intervenu pour faire embastiller le mécano, on fait quoi même s’il est censé avoir obéi aux ordres de son supérieur hiérarchique ? De la même manière, les éléments de la sécurité qui se seraient rendus coupable des sévices doivent-ils s’en tirer à si bon compte ?

La Rédaction

(1) Néologisme formé sur le modèle du Watergate, le cambriolage en 1972 du siège du Parti démocrate, qui obligea le président Nixon à démissionner en 1974 ; ou, plus récemment, du « Monicagate », du nom de cette stagiaire de la Maison-Blanche avec qui Bill Clinton a entretenu des relations extraconjugales et faillit de ce fait être emporté par le scandale.

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 27 février 2012 à 02:11 En réponse à : Limogeage ministre de la Justice : Mécanogate (1)

    voila des aigris qui insultent une autorite de la republique et on prends sa defense. comment peut il insulter grossierement un ministre ? s le ministre l’avait convoque en justice le syndicat des pauvre qu’est devenue le forum sur internet allait crier au scandale. merde en fin de compte. ca va changer certainement dans peu de temps. en 2015. attendez nous on arrive

    • Le 27 février 2012 à 16:05, par Rastapop En réponse à : Limogeage ministre de la Justice : Mécanogate (1)

      Salut et avale son amertume qui se sent mal à l’aise dans cette affaire !
      Attendu que Démocratie = gouvernement de la cité par le peuple (autant le ministre que le mécano font partie du peuple) ;
      Vu la Déclaration Universelle des droits de l’homme : tous les hommes naissent libres et égaux en droits (le ministre est citoyen égal au mécano et la loi est là pour garantir cette égalité-justice s’il y a entorse) ;
      Considérant la Constitution du Burkina Faso : tous les Burkinabé sont égaux en droits (c’est la loi au nom de la quelle le ministre a bien pu être ministre) ;
      Reconnaissant que Étymologiquement, ministre = serviteur et en démocratie, le peuple (mécano et autres) est roi,
      souscrivant à tout ce qui précède,disposons :
      quand un serviteur désobéit au roi, il est simplement renvoyé......
      le peuple accepte croupir sous la misère en cotisant et vous vivez avec des avantages sauvages en prétextant travaillez pour le peuple, ayez au moins la lucidité malgré l’opulence pour comprendre que ce n’est rien que pour le respect pour la paix sociale ;
      vivement quel réveil populaire !
      Vive le Peuple !
      à bas les impérialistes équilibristes !

  • Le 27 février 2012 à 07:36, par Le sage En réponse à : Limogeage ministre de la Justice : Mécanogate (1)

    Humm ! Est ce que le gouvernement lat aura le courage pour aller au bout de cette affaire rien nest moins sur. Ami internaute abandonnons cette affaire et parlons des questions d devellopement au risque d se faire identifier . Bnne journé a tous

  • Le 27 février 2012 à 08:41, par fongnon En réponse à : Limogeage ministre de la Justice : Mécanogate (1)

    le mecano doit porter plainte pour coup et blessure volontair. comme ça tous les maillon de la chaine de la bavure seront inquiété

  • Le 27 février 2012 à 08:53, par OmAr En réponse à : Limogeage ministre de la Justice : Mécanogate (1)

    JE SUIS BIEN SATISTAIT DE CETTE REDACTION (omar depuis QATAR)

    • Le 4 avril 2012 à 15:57, par Faisons Attention En réponse à : Limogeage ministre de la Justice : Mécanogate (1)

      Voilà que maintenant la vérité est entrain de sonner comme des pains.Le Ministre n’y est pour rien dans cette affaire.Il n’a jamais donné l’ordre de faire battre KIMA.S’il l’avait fait, il n’avait pas besoin d’amener KIMA à la Police,La maison d’arrêt est là.Vous savez, il faut être prudent dans cette affaire.Le Ministre de la Justice n’est pas n’importe quel Magistrat et il faut faire très attention car ce monsieur qu’on appelle couramment Monsieur "CODE" est loin d’agir ainsi.La presse est allé vite en besogne sans chercher les vrai preuves.SONDO lui s’en est allé avec son faux rapport.

  • Le 27 février 2012 à 10:25, par ggg En réponse à : Limogeage ministre de la Justice : Mécanogate (1)

    Affaire Guiro : Le juge d’instruction cambriolé :
    Burkina24 a appris que le juge d’instruction commis sur l’affaire Guiro a été cambriolé. Des dossiers sur l’affaire auraient été emportés. Après le cambriolage de l’avocat, ce second acte jette des soupçons sur la peur de certaines personnes d’être « dérangées » par l’arrestation de l’ex-DG des douanes. Mais pourquoi aucun journal n’est revenu là-dessus ?

    • Le 27 février 2012 à 14:36 En réponse à : Limogeage ministre de la Justice : Mécanogate (1)

      Mon ami qui parle de Burkina 24, si vous avez reçu l’information, il faut tout simplement informer les gens. Si les autres ne l’ont pas, vous voulez qu’ils l’inventent ? Mais vérifier aussi vos infos avant de les publier si vous êtes un organe de presse.

  • Le 27 février 2012 à 12:32 En réponse à : Limogeage ministre de la Justice : Mécanogate (1)

    "Le ministre remercié, il reste maintenant à savoir ce qu’on va faire des autres protagonistes de l’affaire." Il ne reste pas que cela. On espère bien que l’instruction suivra normalement son cours, que toutes les enquêtes seront faites dans les règles et de manière objective (c’est sans doute aussi pour ne plus assurer une quelconque immunité à l’ex-ministre qu’il a été démis de ses fonctions) et que le mis en cause répondra de ses actes.

    "Car s’il est établi que le parquet est intervenu pour faire embastiller le mécano, on fait quoi même s’il est censé avoir obéi aux ordres de son supérieur hiérarchique ? De la même manière, les éléments de la sécurité qui se seraient rendus coupable des sévices doivent-ils s’en tirer à si bon compte ?" Comme on le sait, 1°) Nul n’est au dessus de la loi (pas meme le parquet) ; 2°)Dura lex sed lex, c’est-à-dire la loi est dure, mais c’est la loi (il faut l’appliquer de toutes façons). C’est questions ont donc des réponses très claires.

    Nous faisons remarquer que si "...les choses bougent dans le bon sens", c’est d’une part à cause du raz-le-bol général et d’autre part grâce à la presse, qui médiatise des situations inacceptables, en font un rapport détaillé, une analyse critique et donne un écho à la voix de la population. Nous disons BRAVO. Chers médias, continuez comme ça , faites de mieux en mieux, jouissez de votre liberté d’expression et jouez votre role de 4e pouvoir.

    GEMAH

  • Le 27 février 2012 à 13:08, par Achille En réponse à : Limogeage ministre de la Justice : Mécanogate (1)

    En fait pour une fois, il faut que le régime accepte qu’un magistrat puisse être jugé. Le ministre et le procureur sont aussi responsables et coupables que les gardes de sécurité pénitentiaire.

    L’éjection du ministre du gouvernement ne saurait être suffisante.

    Le DG des douanes en plus d’avoir perdu son poste de DG, est en prison en attendant son jugement.

    Nous voulons la même chose pour le ministre et son procureur, fussent-ils magistrats.

    Évitez que le peuple finissent par croire qu’un magistrat ne peut comparaître devant un tribunal. Le conséquences pourront être aussi imprévisibles que désastreuses.

  • Le 27 février 2012 à 13:49, par DOUM En réponse à : Limogeage ministre de la Justice : Mécanogate (1)

    Je repond a l’internaut qui nous traite d’aigris que tout simplement on se verra tous en 2015. vous arrivez on arrive aussi.Je ne comprend pas qu’il y a encore des gens pour quelle raison que ce soit pour défendre un ministre qui fait tabasser un citoyen.vivement 2015 je viendrai au faso pour participer à la révolution.

  • Le 27 février 2012 à 15:36, par jean- claude En réponse à : Limogeage ministre de la Justice : Mécanogate (1)

    je félicite le prémier ministre pour avoir pris cette initiative, mais il faut faire comprendre au foutu policier que maintenant nous somme dans un état de droit et que le peuple burkinabé commence a connaitre ses droits.
    Et j invite toute un chacun de ne plus se laissé piétiner dans ses droits

    Merci et vive le peuple

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