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Les ambassadeurs et consuls généraux burkinabè se mettent en ordre de bataille pour « l’émergence » (2/3)

Publié le samedi 25 février 2012 à 12h35min

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Il y a un petit côté « jolie colonie de vacances » dans le trimballement en car, d’un point à un autre de Ouaga, des ambassadeurs et consuls généraux burkinabè venus assister à la 12ème conférence annuelle. Joie et bonne humeur, plaisir de se retrouver, ensemble, dans la capitale et de pouvoir échanger. Journées studieuses aussi.

Les ministres convoqués pour le « grand oral » devant les diplomates peaufinent leurs interventions. Ce matin (mardi 21 février 2012), c’est le président du Faso qui recevait les ambassadeurs en présence de plusieurs personnalités du ministère des Affaires étrangères et de collaborateurs du chef de l’Etat. Il y a quelques mois, dans cette même salle polyvalente du palais de Kosyam se tenait le conseil des ministres conjoint Burkina Faso/Côte d’Ivoire en présence bien sûr d’Alassane D. Ouattara et de Guillaume Soro, son premier ministre. C’était l’aboutissement d’une « diplomatie de la médiation » qui est devenue l’image de marque du Burkina Faso. Ce jour-là, Blaise Compaoré avait rappelé que « la crise ivoiro-ivoirienne » n’avait pas concerné que la Côte d’Ivoire mais avait provoqué « l’interruption du développement économique et social » des pays de la région, notamment du Burkina Faso, partenaires économiques d’Abidjan. On pouvait considérer alors que la « crise des mutineries de 2011 » avait été, en quelque sorte, au Burkina Faso, le point d’orgue de l’effet collatéral de la « crise ivoiro-ivoirienne ».

Fin de mission « diplomatique » ? Avec tout ce que cela peut impliquer en matière de politique intérieure. Vision restrictive des choses : il ne s’agit pas, pour Ouaga, de laisser s’ébranler la locomotive économique ivoirienne et de ne pas être dans la voiture de tête du convoi ferroviaire. Pas question de se replier sur l’orgueilleuse humilité des Sahéliens, mission accomplie. Il faut non seulement être bien installé dans le train mais avec ses propres bagages étiquetés au nom du voyageur : SCADD !

La « diplomatie de la dissuasion » est parfois perçue comme une diplomatie de substitution : on fait le boulot des autres, non sans satisfaction du travail accompli ; mais au bout du compte on se demande ce que cela rapporte. Pas même, parfois, la considération de ceux qui ont été sauvés du naufrage ! Une « diplomatie de l’émergence », c’est une diplomatie qui doit être totalement opérationnelle. Explication de texte selon Djibrill Bassolé, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale : « Mieux vendre à l’ensemble des investisseurs qui s’intéressent au Burkina, ce grand projet de développement économique et social [qu’est la SCADD] ».

Bassolé a entrepris de sérieusement restructurer son ministère en prenant en compte, bien évidemment, les contraintes politiques qui sont les siennes. Mais, globalement, la professionnalisation du ministère est en marche. Reste à former les diplomates – et pas seulement « conférencer » les ambassadeurs - pour que la diplomatie burkinabè soit vraiment, ainsi qu’elle affirme en avoir l’ambition, « l’une des plus modernes et des plus performantes de la sous-région ». Former les diplomates aux problèmes géopolitiques mais aussi économiques et entrepreneuriaux (on a vu ce qu’il en était, actuellement, de l’Institut des hautes études internationales, l’INHEI – cf. LDD Burkina Faso 0289/Jeudi 9 février 2012). Les informer aussi non seulement de ce qui se passe dans le monde mais aussi chez eux et dans la région Ouest-africaine, tout en leur permettant de mener et d’échanger une réflexion permanente sur les évolutions du monde contemporain.

La communication est au cœur de l’action politique du gouvernement de Beyon Luc Adolphe Tiao. Faire savoir le savoir-faire du Burkina Faso ! Les ambassadeurs ont désormais, eux aussi, cette vocation de vecteurs de communication. Reste à savoir s’ils sont outillés pour cela ; il y a peu d’ambassades, actuellement, qui bénéficient d’un attaché de presse. Cet après-midi, mardi 21 février 2012, Alain Edouard Traoré, le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, a planché sur la question, à 16 heures, devant les ambassadeurs et les consuls généraux. Il a développé sa perception de la communication comme une « riposte » gouvernementale aux « rumeurs » qui empoisonnent parfois la vie politique et sociale du pays. Traoré occupe le terrain burkinabè, tout le terrain. Il voudrait aller au-delà et annonce d’ores et déjà l’organisation d’un forum de la diaspora, « maillon essentiel pour le développement » du pays. Il entend aussi être présent, y compris avec le concours de nouvelles technologies de l’information et de la communication, au sein de la « société civile ». Reste un volet à promouvoir : celui de la communication internationale. Certes, le Burkina Faso a une certaine visibilité sur la scène africaine et européenne grâce à des manifestations comme le Fespaco, le SIAO, le Sitho, etc. mais l’image culturelle l’emporte sur l’image « entrepreuneriale » et les politiques publiques sur les initiatives privées malgré l’organisation de manifestations comme Africallia (dont la deuxième édition se tient en ce moment même à Ouaga). Le Burkina Faso demeure inexistant dans la presse économique et financière européenne ; mais il est vrai qu’il n’y a pas grand-chose à raconter en la matière, si ce n’est le terrible effondrement de l’axe « industriel » Banfora/Bobo-Dioulasso, des privatisations qui n’ont pas apporté les résultats escomptés (et promis) par les bailleurs de fonds internationaux, le déficit persistant en matière énergétique, une industrie touristique qui a bien du mal à atteindre le niveau « professionnel » fondement de la qualité du service au client, des transports collectifs inexistants…
Près de trois ans après la 11ème édition de cette conférence des ambassadeurs (c’était au cours de l’été 2009), la diplomatie burkinabè se repense de fond en comble. Elle en a aujourd’hui les moyens dès lors qu’elle est sortie du carcan dans lequel elle s’était enfermée jusqu’à présent, non pas à tort mais de façon limitative : la « diplomatie de la médiation » (c’était d’ailleurs le thème de la 11ème conférence). La « diplo » retrouve sa maison-mère : le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale. Et celui-ci, désormais, ouvre les portes, communique, informe, échange, organise des rencontres et incite ses ambassadeurs à faire de même. Si « la crise ivoiro-ivoirienne » avait agi comme un électro-choc politico-diplomatique permettant d’institutionnaliser cet ancrage du pays dans le savoir-faire en matière de médiation, c’est un autre électro-choc, politico-social cette fois, qui a fait comprendre aux responsables burkinabè qu’il fallait revenir aux fondamentaux de la politique extérieure : être la poursuite de la politique intérieure par d’autres moyens.
La chance du Burkina Faso c’est, en quelque sorte, la concordance des temps. La fin de « la crise ivoiro-ivoirienne » et l’accession effective au pouvoir d’Alassane D. Ouattara ont correspondu à « la crise des mutineries de 2011 ». Le pays est du même coup sorti de son ronron et d’une autosatisfaction qui n’avait pas lieu d’être. Dans l’urgence. Et dans le drame. Il fallait repenser le modèle et ne pas croire que les acquis de vingt-cinq années de « reconfiguration » politique allaient permettre au pays de faire l’économie des crises politiques et sociales. La diplomatie burkinabè sortait, dès lors, de son confortable engourdissement qui tenait en trois mots : « nous sommes incontournables ! ». Il n’était plus question de gérer l’existant ; il fallait inventer autre chose. Ce n’était pas possible rapidement avec un corps diplomatique quelque peu en surpoids politique : conçues trop longtemps comme une ANPE pour anciens dignitaires exclus du jeu gouvernemental, les affaires étrangères allaient devenir… étrangères au Burkina Faso. Elles n’étaient plus qu’une rente de situation pour les uns, des fiefs pour d’autres en vue d’une reconquête du terrain politique national. Rien de méchant ; mais rien de constructif. Bassolé devra revenir deux fois à la charge, et une deuxième fois après une crise politico-sociale particulièrement grave, pour que le mode de production diplomatique du pays puisse évoluer.

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 25 février 2012 à 15:29, par weise En réponse à : Les ambassadeurs et consuls généraux burkinabè se mettent en ordre de bataille pour « l’émergence » (2/3)

    salut pourquoi s’occupe des autres alors que chez toi sa va pas en plus c’est pas vérifier que chez toi il y a la paix, je voudrais dire une choses aux chez africains : il faut jamais faire votre amie les occidentaux car si ils vous donnent une bâton de cria sache que ils veulent toute une boîte, ces pays occidentaux n’ont rien c’est leurs politique qui est vigilant, prenons le cas de la France. ces occidentaux vont vous, mettre dans des conflits pour pour pourvoir vendre leurs armes et tiré des lourds bénéfice, prenons le cas de la Libye" c’est le pétrole que c’est dernière voulait ? sil vous plait il est temps qu’on fait face a la réalité même si des gens font perdre leur vie, travail...car c’est après la guerre qu’on peut construire la mien (pays)

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