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Accusations mauritaniennes contre le Burkina : Si Ould Taya avait raison !

Publié le mercredi 20 octobre 2004 à 07h03min

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Apparemment ni les autorités mauritaniennes, ni le Front populaire ivoirien ne désarment dans les accusations de déstabilisation qu’ils profèrent depuis quelque temps contre le Burkina et singulièrement contre le président du Faso, Blaise Compaoré.

"Si vous avez des preuves, produisez-les", a dit en substance le ministre de la Sécurité, Djibril Bassolet, aux responsables de ces deux pays. "Oui, nous en avons", ont-ils répété en chœur presque. En attendant ces preuves, on sait qu’une affaire de fax que les autorités burkinabè disent avoir été envoyé par Hermann Yaméogo de l’UNDD à Laurent Gbagbo pour les accuser et empocher quelques liasses de francs CFA défraie la chronique et pourrait entraîner la levée de l’immunité parlementaire du fils du premier président de la Haute-Volta.

Cela étant, s’il n’est pas, pour l’instant, possible de faire la part des choses entre le vrai et le faux, il est par contre relativement facile d’envisager les conséquences éventuelles d’un tel imbroglio politico-diplomatique.

Effectivement, si de telles accusations se révélaient fausses, elles ne manqueraient pas, par exemple, d’attiser l’inimitié que les autorités de Ouagadougou éprouvent à l’endroit de Koudou Laurent Gbagbo.

Cet homme qu’elles ont soutenu à bout de bras pendant sa très longue et pénible traversée du désert alors que le président Félix Houphouët-Boigny régnait d’une main de fer sur la Côte d’Ivoire.

Pour un risque, c’en était un, vu de Ouagadougou, car protéger l’ennemi n°1 du Vieux à l’époque équivalait à se présenter comme son ennemi n°2 avec toutes les conséquences imaginables et inimaginables.

Félix Houphouët-Boigny était tout-puissant dans la sous-région, qui pouvait faire et défaire les régimes. On peut penser que la parenté par alliance qui liait Blaise Compaoré à ce dernier du fait de Chantal était suffisamment forte pour le dissuader de tenter quoi que ce soit.

Seulement, c’est oublier ou ignorer qu’à la raison d’Etat, rien ne résiste : si l’histoire regorge de leaders politiques qui ont sacrifié la vie de leurs géniteurs, de leurs frères ou sœurs pour parvenir au pouvoir ou s’y maintenir, comment une simple parenté par alliance (du reste lointaine) pouvait-elle être une soupape de sécurité suffisamment solide ?

Si donc, malgré ce risque, une fois parvenu au pouvoir l’enfant de Gagnoa n’a pas trouvé mieux que d’encourager l’ethnicisme, le tribalisme, la xénophobie (dont les Burkinabè résidant en Côte d’Ivoire ont payé le plus lourd tribut), il faut avouer qu’il y a de quoi être remonté même si l’ingratitude, le non-respect de la parole donnée et la trahison sont bien humains.

Tout cela ajouté aux fausses accusations (si, bien sûr, elles se révélaient telles) ne pourrait qu’éloigner définitivement les deux régimes et il faut craindre qu’il n’y ait jamais de réconciliation tant que Laurent Gbagbo et le FPI seront au pouvoir.

S’agissant maintenant des accusations mauritaniennes, bien que les relations avec le pays de Maouiya Ould Sid Ahmed Taya ne soient pas similaires à celles qui lient (ou sont censées lier) le Burkina et la Côte d’Ivoire, le fait est là que de fausses accusations (prouvées comme telles bien entendu) sont susceptibles de rapprocher définitivement les opposants irréductibles au pouvoir de Taya des autorités de Ouagadougou et d’élargir voire de renforcer le camp des ennemis.

Et si les accusations étaient avérées

Si l’on part de l’hypothèse selon laquelle les accusations peuvent se révéler fausses pour en examiner les éventuelles conséquences, l’on ne peut faire l’économie de celle selon laquelle elles peuvent être avérées et envisager les effets que cela pourrait avoir sur les relations entre le Burkina d’une part et la Côte d’Ivoire et la Mauritanie d’autre part ; sans oublier la France, les Etats-Unis, la CEDEAO et l’Union africaine et pourquoi pas l’ONU.

Dans l’éventualité où les accusations se révèlent vraies, K. Laurent Gagbo et le FPI s’en saisiront pour réitérer d’autres accusations que la communauté internationale (au moins officiellement) ne partage pas ; à savoir celles qui font du Burkina le responsable n°1 du déclenchement de la guerre civile le 19 septembre 2002.

Ouagadougou a toujours nié sa responsabilité tandis qu’à Abidjan, partant du fait que certains chefs de la rébellion avaient trouvé refuge au Burkina à cause de la persécution dont ils étaient victimes dans leur propre pays avant le 19 septembre 2002, persiste et signe.

Ce qui compliquerait à n’en pas douter la position de Ouagadougou qui voudrait bien profiter du prochain Sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie qu’elle abritera fin novembre pour redorer son blason que des capitales rivales s’emploient à ternir (à tort ou à raison).

Cela compliquerait aussi le retour de la Jamahirya arabe libyenne populaire et socialiste sur la scène mondiale. La levée des sanctions qui la frappaient et le défilé bien intéressé des dirigeants occidentaux à Tripoli pourraient alors ne pas produire l’effet escompté. Mais à la différence de Ouagadougou, Tripoli possède du pétrole duquel, pour rien au monde, les Etats-Unis, la France, etc., ne se détourneront.

Et surtout pas pour supporter un régime dont l’intérêt pour la démocratie reste douteux et qui se trouve à la tête d’un pays aux ressources (pour le moment en tout cas) insignifiantes par rapport à celles de la Libye.

En attendant que la saisine de l’UA et de la CEDEAO par les autorités ivoiriennes et mauritaniennes permette de voir un peu plus clair dans cette affaire, il semble qu’il aurait été dit à Blaise Compaoré d’éloigner de son entourage certains ennemis jurés d’Ould Taya et de Gbagbo et que des mises en garde voilées lui auraient été adressées par Alpha Omar Konaré, le patron de l’UA.

Cela fait-il office de preuve ? Bien sûr ! se seraient écriés tous ceux-là avec lesquels les autorités burkinabè ont eu maille à partir, du Cameroun au Togo en passant par la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Liberia, la Mauritanie et la Sierra Leone à des degrés divers.

Vers un clash avec la France et les Etats-Unis ?

Qu’on l’aime ou pas, on ne peut nier le fait que Blaise Compaoré sait manier, de façon parfois machiavélique, la politique, la diplomatie et les questions militaires. Jusque-là, il ne s’en est pas trop mal sorti. Si fait que ses opposants à l’intérieur et la plupart de ses pairs (voisins surtout) éprouvent des craintes certaines à son endroit.

Il est vrai également qu’il a su nouer, grâce à ses qualités (qui se sont révélées être des défauts parfois) citées plus haut, des relations privilégiées avec la classe politique française et singulièrement avec le président Jacques Chirac. Ces bonnes relations ont déteint sur les rapports du Burkina avec les autres pays de l’Union européenne et une puissance comme le Japon.

Certes, ces relations avaient pris un sérieux coup avec l’assassinat de Norbert Zongo le 13 décembre 1998 et le déclenchement de la guerre civile ivoirienne le 19 septembre 2002 ; mais aujourd’hui les choses semblent revenir à la normale.

Restait le cas de l’Oncle Sam à cause de l’implication supposée du Burkina dans certains conflits. Au vu de ces éléments, Blaise aurait commis l’une de ses pires erreurs s’il était impliqué dans ce qu’affirment les autorités d’Abidjan et de Nouakchott.

Il risquerait, inutilement, de s’attirer les foudres de Paris, Washington et des organisations internationales. Le jeu en aurait-il valu la chandelle ? Vraiment pas, car, a priori, il n’y a rien en Mauritanie qui pourrait l’intéresser.

Dans un tel climat, Blaise n’aurait-il pas commis la pire des maladresses s’il était avéré qu’il a entraîné son pays dans une tentative de déstabilisation concomittamment et de la Côte d’Ivoire et de la Mauritanie ?

En effet, on sait les Français ne pas être emballés par l’idée d’éjecter K.L. Gabgbo avant la prochaine élection présidentielle, car, entre autres raisons, ils ne savent pas comment le remplacer et (surtout) qui mettre à sa place sans que l’instabilité actuelle n’évolue de mal en pis.

On sait aussi les Américains assez tolérants vis-à-vis du régime Ould Taya de Mauritanie du fait du rétablissement des relations diplomatiques avec Israël et du soutien de ce pays à la lutte que les Etats-Unis livrent au terrorisme et notamment au terrorisme islamiste.

Quant à la Côte d’Ivoire, la prise en main du dossier par l’ONU avec le projet d’indemnisation des victimes burkinabè de la guerre, de l’expropriation et du rapatriement forcé n’autorise pas qu’en tant que premier Burkinabè, il veuille se rendre justice lui-même ; à moins de vouloir engager son pays dans des voies aux issues incertaines.

Notre rêve est qu’il soit en effet blanc comme neige. Maintenant le chemin qui va du rêve à la réalité se mesure parfois en années lumière. Espérons seulement que ce n’est pas le cas pour ce qui nous concerne.

Zoodnoma Kafando
L’Observateur

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